Pour le chef d’état-major des armées, « opposer l’Otan à l’UE est improductif »

Ces dernières années, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, n’a jamais caché ses réticences face au concept « d’autonomie stratégique européenne », promu par le président Macron.

« L’Union européenne n’est pas en mesure de défendre le Vieux Continent et ne doit pas affaiblir l’Otan avec sa volonté d’autonomie », avait ainsi déclaré l’ancien Premier ministre norvégien, en mars 2021. Toutefois, il avait dit soutenir les « efforts de l’UE pour ses dépenses de défense, pour se doter de nouvelles capacités et remédier à la fragmentation de l’industrie européenne de la défense, car tout cela sera bon pour la sécurité européenne et pour la sécurité transatlantique. »

Six mois plus tard, M. Stoltenberg affirma qu’il ne « croyait pas aux efforts pour créer quelque chose en dehors du cadre de l’Otan, ou pour concurrencer ou dupliquer l’Otan ». D’autant plus, avait-il souligné que « 80% des dépenses militaires » de l’Alliance étaient alors effectuées par des pays non-membres de l’UE.

Quoi qu’il en soit, il a souvent été reproché à la France de chercher à renforcer la défense européenne aux dépens de l’Alliance atlantique. Et ce débat a été ravivé en novembre 2019, avec les propos de M. Macron sur la « mort cérébrale de l’Otan » et son appel au « réveil de l’Europe », celle-ci devant, selon lui, se doter d’une « autonomie stratégique et capacitaire sur le plan militaire » tout « rouvrant un dialogue stratégique, sans naïveté aucune […], avec la Russie ».

Depuis, la donne a changé, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie et le souhait de la Finlande et de la Suède de rejoindre l’Otan. Ce qui, une fois le processus de leur adhésion terminé, fera que seulement quatre pays de l’UE resteront en dehors de l’Alliance [Autriche, Chypre, Irlande et Malte].

Dans un entretien accordé à la revue « European Defence Matters« , publiée par l’Agence européenne de Défense [AED], le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, a évoqué les relations entre l’Otan et l’UE, et le positionnement de la France.

« Opposer l’Otan et l’UE est improductif. La pierre angulaire de notre capacité de défense collective est l’Otan. Plus les capacités militaires européennes sont fortes au sein de l’Otan, plus la défense collective est efficace et l’Europe est mieux protégée », a-t-il affirmé.

« L’Otan offre un cadre adapté à l’action militaire, notamment grâce à la standardisation des procédures. Il s’agit d’un socle commun indispensable à l’interopérabilité. La politique européenne de sécurité et de défense commune [PSDC], quant à elle, permet de mettre en oeuvre plus facilement une approche globale. En effet, l’UE dispose également d’outils complémentaires aux seules capacités militaires, comme les sanctions économiques ou les politiques de coopération et de développement. C’est un véritable atout, comme l’a prouvé la réaction européenne à la guerre en Ukraine », a détaillé le général Burkhard.

Cependant, a-t-il continué, « au-delà de la prétendue opposition UE/OTAN, la guerre en Ukraine confirme la nécessité pour les Européens de définir une stratégie à long terme pour assurer la défense de l’Europe. Je suis convaincu que le moment est venu de s’accorder sur des objectifs communs, de renforcer notre solidarité stratégique et de se réorganiser en conséquence ». Et d’ajouter : « La complémentarité entre l’UE et l’OTAN est évidente, y compris vis-à-vis de notre allié américain qui pourrait être contraint de privilégier sa posture dans le Pacifique. »

Dans la suite de cet entretien, le général Burkhard a surtout insisté sur l’acquisition commune de moyens et de capacités militaires au niveau européen.

« Il est primordial de parler de processus communs de passation des marchés et de proposer un cadre incitatif […]. À très court terme, cela pourrait permettre aux États membres de reconstituer leurs stocks de munitions et de remplacer les équipements cédés à l’Ukraine », a fait valoir le CEMA.

Puis, à moyen terme, procéder de la sorte permettrait d’amortir la hausse du coût des matières premières et de l’énergie, et donc à celle des prix de équipements. Enfin, à plus long terme, a-t-il poursuivi, « nous devons investir dans l’autonomie stratégique de l’UE, en concentrant nos efforts sur des capacités de haut niveau » et « essayer collectivement de réduire nos dépendances ».

D’un point de vue militaire, des armées « utilisant des équipements communs seront sans doute beaucoup plus interopérables. Les gains ne sont donc pas que financiers », a fait valoir le CEMA.

Par ailleurs, celui-ci a également estimé qu’il faut rester mesuré face « à l’innnovation technologique » car, « lorsqu’elle est fantasmée, elle est souvent source de surcoûts et de retards avant mise en service » et les « effets sont particulièrement dommageables pour un programme d’armement mené dans le cadre d’une coopération ».

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