Selon le Pentagone, la Russie est maintenant en mesure d’attaquer l’Ukraine à très court préavis; Kiev relativise

Cette semaine, les États-Unis et l’Otan ont répondu, par écrit, à Russie au sujet des garanties « juridiques » que celle-ci réclame pour sa sécurité, alors qu’elle exerce actuellement une forte pression militaire sur l’Ukraine. Et, lors d’un entretien avec son homologue français, Emmanuel Macron, le 28 janvier, le président russe, Vladimir Poutine, a confirmé que le compte n’y est toujours pas.

Ainsi, selon un communiqué publié par le Kremlin, M. Poutine a fait valoir que ces « réponses […] ne tenaient pas compte des préoccupations fondamentales de la Russie » comme la poursuite de l’élargissement de l’Otan [en particulier vers l’Ukraine], le déploiement de moyens offensifs près des frontières russes et l’exigence de ramener les « capacités et infrastructures militaires » de l’Otan à ce qu’ells étaient avant 1997, soit avant l’adhésion à l’Alliance des anciens membres du Pacte de Varsovie.

En outre, M. Poutine a aussi affirmé qu’une autre « question clé a été ignorée », à savoir « comment les Etats-Unis et leurs alliés comptent […] mettre en oeuvre le principe selon lequel personne ne doit renforcer sa sécurité au détriment d’autres pays ».

Quoi qu’il en soit, la « partie russe étudiera attentivement les réponses écrites reçues, le 26 janvier, des Etats-Unis et de l’Otan […], après quoi elle décidera de ses actions futures », a précisé le Kremlin.

Du côté de l’ Élysée, on a surtout noté que l’échange téléponique entre MM. Macron et Poutine avait « permis de s’entendre sur la nécessité d’une désescalade ». Et d’ajouter que le chef du Kremlin n’avait « exprimé aucune intention offensive » et que, « clairement », il ne « cherchait pas la confrontation ».

Un point confirmé par Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, qui y a mis cependant un bémol. « Si cela tient à la Russie, il n’y aura pas de guerre. Nous ne voulons pas de guerres. Mais nous ne permettrons pas non plus que nos intérêts soient grossièrement bafoués, ignorés », a-t-il dit, avant d’estimer que de nouvelles sanctions contre Moscou entraîneraient une « rupture » entre les Russie et l’Occident.

Justement, et alors que le président Biden n’a pas écarté l’idée de « sanctions personnelles » contre son homologue russe dans le cas où il déciderait de lancer une offensive en Ukraine, les États-Unis et l’Union européenne [UE] se sont mis d’accord pour travailler « conjointement à un approvisionnement continu, suffisant et rapide de l’UE en gaz naturel provenant de diverses sources à travers le monde, afin d’éviter les chocs d’approvisionnement, y compris ceux qui pourraient résulter d’une nouvelle invasion russe de l’Ukraine ». Ce qui permettrait de se passer du gazoduc Nord Stream 2, lequel relie la Russie et l’Allemagne et dont la mise en service, qui n’est toujours pas effective, est à la merci d’éventuelles sanctions.

« Washington est en pourparlers avec des pays producteurs d’énergie et des entreprises du monde entier au sujet d’un éventuel détournement d’approvisionnement vers l’Europe si la Russie envahit l’Ukraine », a expliqué, cette semaine, un responsable américain.

Dans le même temps, Moscou a interdit l’entrée en Russie à plusieurs « responsables de certains États membres » de l’UE, accusés d’être « personnellement responsables de la promotion des politiques et des mesures anti-russes qui portent atteinte aux droits légitimes des résidents et des médias russophones ».

Quant à la désescalade évoquée lors de l’entretien entre MM. Macron et Poutine, on n’en prend pas vraiment le chemin. Les forces russes ont continué à renforcer leurs capacités tant aux abords de l’Ukraine qu’en Biélorussie, ce qui fait dire au Pentagone et renseignement extérieur allemand [le BND – Bundesnachrichtendienst] qu’elles sont prêtes à passer à l’action à « très court préavis » si le chef du Kremlin leur en donne l’ordre.

« La Russie est prête à attaquer l’Ukraine mais n’a pas encore décidé de le faire », a en effet estimé Bruno Kahl, le directeur du BND, dans un entretien donné à l’agence Reuters.

À Washington, le chef du Pentagone, Lloyd Austin, et le chef d’état-major interarmées, le général Mark Milley, ont aussi prévenu que président russe peut désormais attaquer l’Ukraine à « très court préavis » s’il en prend la décision, ses forces armées étant désormais en capacité d’agir.

« Bien que nous ne pensons pas que le président Poutine ait pris la décision d’utiliser la force contre l’Ukraine, il a clairement maintenant cette capacité, et plusieurs options s’offrent à lui », a affirmé Lloyd Austin.

« Vu le type de forces qui sont déployées, […] vous pouvez imaginer à quoi cela pourrait ressembler dans les zones urbaines denses », a prévenu le général Milley. « Les plaines ukrainiennes, qui furent le ‘grenier à blé’ de l’ex-URSS, gèlent facilement du fait de la faible profondeur des nappes phréatiques. Ce sont des conditions idéales pour des véhicules blindés à chenilles », a-t-il observé.

Et d’ajouter : « Et si une guerre devait éclater à l’échelle qui est aujourd’hui possible, la population souffrirait terriblement. […] Nous encourageons fortement la Russie à se retirer. La force devrait toujours être le dernier ressort ».

En attendant, et alors que le Pentagone a placé en alerte 8’500 militaires [appartenant principalement aux 82e et 101e divisions aéroportés ainsi qu’aux 3e et 4e division d’infanterie] pour renforcer la force de réaction de l’Otan [NRF] si nécessaire, le président Biden a déclaré qu’il enverrait « des troupes américaines en Europe de l’Est et dans les pays de l’Otan prochainement »… Mais « pas beaucoup ».

Quant au président ukrainien, Volodymyr Zelensky, il a appelé les Occidentaux à « ne pas susciter la panique ». Ainsi, lors d’une conférence de presse, le 28 janvier, il a affirmé que la « probabilité de l’attaque existe, elle n’a pas disparu et elle n’a pas été moins grave en 2021 » mais qu’il ne voit « pas d’escalade supérieure à celle qui existait l’année dernière », quand la Russie avait déployé 100’000 soldats à proximité de son pays, lesquels s’étaient ensuite retirés… mais en laissant leurs équipements lourds derrière eux.

« Si l’on écoute des médias internationaux » et « même des chefs d’Etat respectés, on peut croire que nous avons déjà une guerre dans tout le pays » avec « des troupes qui avancent sur les routes. Mais ce n’est pas le cas », a assuré M. Zelensky.

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