La junte malienne prévient qu’elle n’hésitera pas à demander le retrait des forces françaises si elle le juge nécessaire

Le ministre danois des Affaires étrangères, Jeppe Kofod, n’a pas mâché ses mots peu après l’annonce de la décision du Danemark de retirer le contingent qu’il venait à peine d’engager dans le groupement européen de forces spéciales Takuba, au Mali, dans le cadre de l’opération française Barkhane. Décision motivée par l’attitude de la junte malienne, laquelle a assuré qu’elle n’avait pas autorisé le déploiement de ce détachement sur son territoire.

« Les généraux au pouvoir […] ont réaffirmé que le Danemark n’était pas le bienvenu au Mali. Nous ne l’acceptons pas et pour cette raison, nous avons décidé de rapatrier nos soldats. […] Nous étions là à l’invitation du Mali. Les généraux putschistes – dans un jeu politique sale – ont retiré cette invitation […] parce qu’ils ne veulent pas d’un plan rapide de retour à la démocratie », a en effet déclaré M. Kofod. Et probablement que le fait que la junte a demandé des « excuses » à Copenhague aura été la goutte d’eau qui a fait débordé le vase…

Plus généralement, les autorités maliennes dites de « transition » ont franchi la plupart des les lignes rouges fixées par Paris et ses partenaires, à commencer par leur sollicitation du groupe paramilitaire russe Wagner, dont l’un des actionnaires principaux a ses entrées au Kremlin. En outre, l’affaire du contingent danois met en péril le groupement Takuba, qui était alors appelé à tenir un rôle déterminant dans la reconfiguration du dispositif militaire français au Sahel.

Ce 28 janvier, à l’antenne de RTL, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian a réaffirmé ce qu’il avait dit la veille au côté de son homologue nigérien Hassoumi Massoudou, alors en déplacement à Paris. « Cette junte est illégitime et prend des mesures irresponsables […]. Elle porte l’entière responsabilité du retrait des forces danoises et s’isole davantage encore de ses partenaires internationaux », avait-il déclaré.

« Il y a une véritable fuite en avant de la junte, qui est inacceptable », a donc insisté M. Le Drian, dans la matinale de RTL. « Il y a aussi la rupture du cadre militaire, parce qu’on voit à la fois le Mali faire appel à une milice russe, Wagner, proche de Poutine. Parallèlement à cela, les forces internationales font face progressivement à des mesures d’entrave », a-t-il continué.

Aussi, pour M. Le Drian, « vu cette situation, vu la rupture du cadre politique et du cadre militaire, nous ne pouvons pas rester en l’état. On ne peut pas rester comme cela » car « il faut tenir compte des événements qui viennent de se produire ». Toutefois, a-t-il poursuivi, ce « n’est pas uniquement une décision française, c’est une décision collective ».

« Nous avons engagé dès à présent des discussions avec nos partenaires africains et avec nos partenaires européens, pour savoir comment on peut adapter notre dispositif en fonction de la nouvelle situation et de la fuite en avant de la junte, pour continuer à combattre le terrorisme », a ensuite expliqué le chef de la diplomatie française, pour qui il « faut poursuivre le combat contre le terrorisme ».

La réponse de Bamako n’aura pas tardé. « Le Mali non plus n’exclut rien par rapport à ces questions si ça ne prend pas en compte nos intérêts », a en effet rétorqué Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères, alors qu’il était interrogé par RFI. Et cela pourrait aller jusqu’à la dénonciation des accords de défense avec Paris, dont la junte a demandé une révision, si « certaines dispositions sont contraires à la Constitution et à la souveraineté du Mali ».

« Nous attendons une réponse rapide de Paris. À défaut de réponse soyez assurés que le Mali prendra ses responsabilités », a dit M. Diop. Quant à demander un retrait des forces françaises, Bamako n’exclut rien. « Cette question n’est pas pour le moment sur la table » mais « si une présence à un moment donné est jugée contraire aux intérêts du Mali, nous n’hésiterons pas à nous assumer, mais nous n’en sommes pas là », a-t-il affirmé.

Quoiqu’il en soit, et sur le volet militaire, Paris n’écarte a priori pas cette éventualité. Ainsi, le 27 janvier, le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA], s’est rendu au Tchad et au Niger pour évoquer la situation au Sahel.

« Grande convergence de vues avec mon homologue [nigérien], le général Modi. Volonté commune de poursuivre le renforcement de notre partenariat pour combattre les groupes armés terroristes », a-t-il dit, via Twitter. À N’Djamena, a-t-il indiqué, il a fait le point sur les opérations et évoqué une « partenariat fiable et solide pour lutter contre le terrorisme dans la sous région » lors d’une rencontre avec le général Abakar Abdelkerim Daoud, le chef d’état-major des armées tchadiennes.

Les États-Unis apportant un appui aux opérations françaises au Sahel [un soldat américain a d’ailleurs été blessé lors de l’attaque ayant coûté la vie au brigadier Alexandre Martin, à Gao, le 22 janvier], le général Burkhard s’est également entretenu de la sitation au Mali et dans l’est de l’Europe avec le général Mark Milley, le chef d’état-major interarmées américain. Et cela, après avoir reçu le général Townsend, le chef du l’US AFRICOM.

Et, ce 28 janvier, une vidéo-conférence a réuni les ministres de la Défense des pays engagés – et associés – à Takuba.

Pour le moment, peu de détails ont été donnés sur le contenu de cette réunion… Si ce n’est que la ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, a défendu le maintien d’un engagement militaire au Mali. « La situation y est très compliquée, ce qui « rend notre présence indispensable » pour « éviter un vide de gouvernance et une catastrophe comme celle qui s’est produite en Afghanistan ».

« Le Mali est essentiel pour lutter contre le terrorisme jihadiste et pour d’autres défis concernant notre sécurité et celle des autres pays du Sahel et de l’Afrique du Nord-Ouest. Pour cette raison, le ministre a souligné l’importance de continuer à tout mettre en œuvre pour maintenir les engagements des forces internationales présentes au Mali, et notamment ceux de l’Union européenne et de l’ONU », a résumé le ministère espagnol de la Défense.

Pour rappel, l’Espagne est l’un des principaux pays contributeurs à la mission européenne EUTM Mali, qui forme le forces armées maliennes [FAMa] et elle fournit un soutien logistique à la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA] ainsi qu’aux opérations de Barkhane et de Takuba.

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