Pour le Sénat, le Service de santé des Armées est « toujours fragile face à l’objectif de haute intensité »

Après la réduction des effectifs décidées à la fin des années 2000 dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques [RGPP], le Service de santé des Armées [SSA] a dû encore supprimer 1’600 postes lors de la Loi de programmation militaire [LPM] 2014-19. Et de donc de réduire ses effectifs de 8%.

Or, dans le même temps, sa charge de travail s’est significativement accrue, avec la remontée en puissance de la Force opérationnelle terrestre [FOT], celle-ci étant passée de 66’000 à 77’000 soldats, et l’enchaînement des engagements, tant sur les théâtres extérieurs que sur le territoire national. Aussi, il est apparu que la transformation du SSA, via le plan SSA 2020, mis en oeuvre durant la dernière LPM, était allé beaucoup trop loin.

C’est pourquoi il a été décidé, à la faveur de la LPM 2019-25, de mettre un terme à la déflation des effectifs du SSA, en les stabilisant jusqu’en 2023, puis en les renforçant à nouveau par la suite. Et cela, alors qu’il doit aussi se préparer à la « haute intensité », qui n’est désormais plus considérée comme étant une hypothèse « improbable ».

Pour cela, le plan « Ambition stratégique SSA 2030 » a récemment été présenté par le Médecin général des armées Philippe Rouanet de Berchoux, le directeur du SSA.

Mais en attendant, les difficultés – et les fragilités – persistent, au point que la remontée en puissance du SSA sera très probablement plus difficile qu’attendu. Ainsi, la première d’entre elles est la difficulté à recruter des médecins et des infirmiers.

« La difficulté centrale tient à la trop lente remontée en puissance de la médecine des forces. Le service dispose de 700 médecins des forces. Entre le plafond ministériel des emplois autorisés et l’effectif moyen réalisé, on constate un écart de ‘100 médecins manquants’ [ce chiffre correspond à un effectif lissé qui évolue en cours de gestion au gré des départs, des mutations et des indisponibilités] », indique un rapport publié par les sénateurs Olivier Cigolotti et Michelle Gréaume, dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de finances 2022.

« Les tensions sur les effectifs concernent également la composante hospitalière, où certaines spécialités font l’objet d’une réelle tension : chirurgie [orthopédique, viscérale, vasculaire, thoracique, urologique, tête et cou], médecine d’urgence en exercice hospitalier, psychiatrie et radiologie. Plusieurs spécialités paramédicales essentielles se révèlent également sous tension, à l’instar des infirmiers de bloc opératoire, ou encore des masseurs-kinésithérapeutes », avancent encore les deux rapporteurs.

Ces spécialités sont d’autant plus sous tension que le SSA doit faire face à la forte concurrence exercée par le secteur civil, lequel est à la fois très attractif et réactif, notamment en ce qui concerne les rémunérations. Conséquence : cela « contribue à entretenir le flux de départs prématurés subi par le SSA », qui, pour remplir son contrat opérationnel, « sur-projette ses personnels soignants, avec un risque d’usure et d’épuisement accentué depuis mars 2020 par la crise sanitaire ».

Selon le rapport, « la concentration sur les mêmes personnels de la charge de projection du service se traduit par des taux de projection supérieurs à 100 %, malgré l’apport des réservistes. Ce taux atteint 200 % pour les équipes chirurgicales ». Et cela ne peut avoir que des conséquences néfastes sur la « fidélisation des professionnels de santé militaires » ainsi que sur leur parcours professionnel […] notamment à travers la difficulté de satisfaire à l’obligation de développement professionnel continu ».

Ce sur-engagement et la pression du secteur civil font que le SSA peine à recruter, « malgré l’intérêt qu’il suscite auprès de nombreux candidats potentiels », notent les deux sénateurs. Et d’insister : « Le contexte concurrentiel important vis-à-vis de la santé publique et un déficit chronique dans la santé publique des spécialités d’intérêt pour le SSA, en particulier de médecins généralistes, freinent le recrutement ».

L’amélioration de cette situation passe par un haut niveau d’attractivité et des efforts en matière de fidélisation. Or, s’agissant de la rémunération, la marge de manoeuvre est étroite.

« Il est déjà établi que l’écart de rémunération qui existait antérieurement à la crise sanitaire entre les praticiens des armées et leurs pairs de la fonction publique hospitalière s’est à nouveau creusé depuis juillet 2020 et la mise en oeuvre des premières mesures du Ségur de la santé », notent en effet M. Cigolotti et Mme Gréaume. D’où l’enjeu des travaux portant sur la Nouvelle politique de rémunération des militaires [NPRM], lesquels doivent mener « l’ajustement au bon niveau des conditions statutaires et financières des personnels du SSA », poursuivent-ils.

Faute de quoi, préviennent les sénateurs, « les effets sur l’attractivité et la fidélisation du personnel pourraient être délétères alors qu’il est essentiel de maintenir le niveau d’excellence et d’engagement qui caractérise le SSA, dont les forces armées ont besoin, au quotidien, mais aussi pour maintenir leur compétence à ‘entrer en premier’ sur les théâtres d’opération ».

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