Le secrétaire général de l’Otan critique l’idée d’autonomie stratégique européenne

À en croire Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, on est « sorti de la mort cérébrale de l’Otan », expression qui fit grand bruit quand, en novembre 2019, le président Macron l’avait utilisée dans un entretien donné à l’hebdomadaire The Economist. Et d’expliquer, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 2 mars, que les sujets de fâcherie entre alliés ont été « mis sur la table » et que l’on « a une attention de la nouvelle administration américaine. »

Parmi ces sujets « mis sur la table », M. Le Drian a cité la « cohésion entre les alliés pour réaffirmer les engagements et les valeurs que nous avons en commun, y compris face à des comportements problématiques […] de membres de l’Alliance », ce qui doit aboutir à un « code de conduite », la « mobilisation des Européens » au sein de l’organisation, laquelle a « fait l’objet de relations un peu conflictuelles au cours de l’administration Trump » et « l’identification des menaces et des défis sécuritaires. »

Pour rappel, dans les colonnes de The Economist, M. Macron avait estimé que l’Europe devait « commencer à se penser stratégiquement en tant que puissance géopolitique » si elle voulait « contrôler » son destin. Et de plaider en faveur d’un renforcement de l’Europe de la Défense, qui allait de pair avec l’affirmation d’une autonomie stratégique européenne. Et cela, alors que l’Union européenne n’a initialement pas été pensée pour être aussi une alliance militaire, ce rôle étant dévolu à l’Otan.

Cela étant, le chemin proposé par M. Macron à ses homologues européens n’a pas connu le succès espéré, même s’il y a eu quelques avancées au cours de ces dernières années, comme avec l’Initiative européenne d’intervention [IEI], qui ne concerne pas l’UE…

Alors que les résultats de l’élection présidentielle américaine n’étaient pas encore connus, la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, n’hésita pas à dire que les « illusions d’autonomie stratégique européenne [devaient] cesser » car les « Européens ne pourront pas remplacer le rôle crucial de l’Amérique en tant que ‘fournisseur’ de sécurité ». Toutefois, elle avait admis qu’il était nécessaire de poursuivre le « renforcement des capacités militaires allemandes [et européennes] » parce que « les États-Unis ne pourront pas porter seuls la bannière des valeurs occidentales. »

Ce à quoi M. Macron avait répondu : « Les États-Unis ne nous respecteront en tant qu’alliés que si nous sommes sérieux avec nous­mêmes, et si nous sommes souverains avec notre propre défense. »

Plus tard, le ministre italien de la Défense, Lorenzo Guerini, exprima une position plus nuancée. « L’Italie ne considère pas que l’autonomie stratégique européenne comme une politique de cavalier seul. Elle y voit une confirmation du rôle de l’Europe en tant que pilier de l’architecture de sécurité collective basée sur le pacte transatlantique », avait-il dit à Defense News.

Quoi qu’il en soit, le secrétaire général de l’Otan, l’ex-Premier ministre norvégien Jens Stoltenberg, a une nouvelle fois critiqué l’idée d’autonomie stratégique européenne, lors d’un entretien donné à l’AFP.

« L’Union européenne n’est pas en mesure de défendre le Vieux Continent et ne doit pas affaiblir l’Otan avec sa volonté d’autonomie », a en effet déclaré M. Stoltenberg. D’autant plus que, à ses yeux, l’argument du désengagement militaire américain en Europe que les Européens avancent pour justifier le renforcement de cette autonomie stratégique ne tient pas. Effectivement, y compris sous l’administration Trump, les forces américaines se seraient même plutôt renforcées…

« Je soutiens les efforts de l’UE pour ses dépenses de défense, pour se doter de nouvelles capacités militaires et remédier à la fragmentation de l’industrie européenne de la défense, car tout cela sera bon pour la sécurité européenne et pour la sécurité transatlantique », a-t-il cependant consenti.

Soulignant que les 27 membres de l’UE « ne fournissent que 20% des dépenses de défense de l’Alliance, M. Stoltenberg a insisté pour que leurs efforts en matière militaire viennent compléter ceux de l’Otan car « toute tentative d’affaiblir le lien, de diviser l’Europe et l’Amérique du Nord, ne fera pas qu’affaiblir l’Otan et divisera l’Europe. »

« ‘L’Europe seule’ ou ‘l’Amérique seule’ ne sont pas la solution face aux nombreuses menaces que représentent le comportement agressif de la Russie, le terrorisme, les cyberattaques et la montée en puissance de la Chine. Elles doivent être ensemble », avait précédemment plaidé M. Stoltenberg devant  le Collège de l’Europe.

En outre, selon lui, la défense du Vieux Continent n’est pas qu’une question de moyens… « C’est aussi une question de géographie. L’Islande et la Norvège [non membres de l’UE, ndlr] sont des portes d’accès à l’Arctique. La Turquie, au sud, a des frontières avec la Syrie et l’Irak. Et à l’ouest, les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni relient les deux côtés de l’Atlantique », a rappelé le secrétaire général de l’Otan.

Quant à la lutte contre le terrorisme international, M. Stoltenberg a indiqué que l’Otan souhaitait y apporter un soutien « accru », notamment en Afrique.

Reste à voir comment cela pourrait se traduire, alors qu’il n’y a pas de consensus sur ce sujet entre les Alliés. Cela étant, a-t-il fit, l’engagement militaire au Sahel « fait partie des efforts de la France pour lutter contre le terrorisme et si l’Otan n’est pas directement impliquée, les autres alliés de l’Otan, y compris les États-Unis, les soutiennent. »

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