Les États-Unis se disent prêts à participer au projet de l’UE visant à améliorer la mobilité militaire en Europe

Des ponts pas assez robustes pour supporter le passage de chars de plus de 60 tonnes, comme les Abrams américains, des pelotons blindés coincés à une frontière pour des raisons administratives, des tunnels trop étroits pour certains types de véhicules ou encore des trains en nombre insuffisant pour transporter les équipements les plus lourds d’un pays à un autre…

Voici autant de tracasseries qui pourraient empêcher le déploiement rapide d’unités de l’Otan dans le cas où la clause de défense collective de l’article 5 serait activée dans l’est de l’Europe… Sachant que, à une époque, il était estimé qu’il faudrait rapidement envoyer au moins sept divisions dans l’hypothèse d’une agression militaire contre les pays baltes.

D’ailleurs, en 2017, un rapport confidentiel, cité par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, était arrivé à la conclusion que la « capacité de l’Otan à soutenir au niveau logistique un renfort rapide dans le territoire très étendu relevant du Commandement suprême des forces alliées en Europe [SACEUR] s’était atrophiée depuis la fin de la Guerre Froide. » D’autant plus que l’organisation a accueilli dans ses rangs d’ex-pays du Pacte de Varsovie, avec des normes en matière d’infrastructures différentes avec celles appliquées en Europe de l’Ouest.

En mars 2018, la Commission européenne, via le Service européen pour l’action extérieure [SEAE], présenta un plan d’action visant à « améliorer la mobilité militaire au sein de l’Union europenne [UE], élaboré en concertation avec l’Otan. « L’objectif est de travailler ensemble au niveau européen afin de garantir que les réseaux routiers et ferroviaires soient adaptés au transport militaire et de simplifier et de rationaliser les règles nationales pour le déplacement rapide et sans heurt des troupes et des véhicules militaires sur le continent en cas de crise », avait-il été expliqué à l’époque, pour justifier cet « espace Schengen militaire. »

Puis il fut question d’affecter 6,5 milliards d’euros à l’amélioration de la mobilité militaire au sein de l’UE, via le Cadre financier pluriannuel européen pour la période 2021-27. Seulement, les négociations entre les 27 États membres s’avérèrent plus compliquées que prévu, sous la pression, notamment, des pays dits « frugaux ». Et, finalement, après avoir été un temps menacée, l’enveloppe a été réduite à seulement 1,5 milliard d’euros.

Dans le même temps, la « mobilité militaire » a été retenue parmi les 47 projets de la Coopération structurée permanente [CSP ou PESCO] de l’UE, sous la responsabilité des Pays-Bas.

« Ce projet soutient l’engagement des États membres à simplifier et à normaliser les procédures de transport militaire transfrontalier conformément aux conclusions du Conseil du 25 juin 2018. Il vise à permettre la libre circulation du personnel et des moyens militaires à l’intérieur des frontières de l’UE. Cela implique d’éviter de longues procédures bureaucratiques pour traverser les États membres de l’UE, que ce soit par voie ferroviaire, routière, aérienne ou maritime », est-il expliqué sur le site de la CSP.

Or, cette coopération structurée permanente étant « l’un des éléments constitutifs de la politique de défense de l’UE », les États tiers n’avaient évidemment pas vocation à y participer. Une position contestée par certains États membres.

Et, en novembre 2020, à l’initiative de l’Allemagne, il fut décidé que les États tiers susceptibles d’apporter « une valeur ajoutée à un projet CSP » pouvaient être invités à y participer – et donc éventuellement à bénéficier de financements européens – à condition de remplir un « certain nombre de conditions politiques, matérielles et juridiques. »

« Dans la pratique, lorsqu’un État tiers présente une demande de participation à un projet CSP donné, les membres du projet doivent se mettre d’accord à l’unanimité sur la conformité de la demande à toutes les conditions et en notifier le Conseil et le haut représentant en conséquence. Il appartient au Conseil de prendre la décision finale précisant si la participation de l’État tiers au projet répond aux conditions requises », explique la Commission européenne.

Alors que, du temps où le président Trump était à la Maison Blanche, les États-Unis avaient vivement critiqué les restrictions faites aux États tiers pour participer à la CSP, l’administration Biden entend bien en profiter, via le projet concernant la mobilité militaire.

Ainsi, selon l’agence Reuters, trois pays de l’Otan, dont les États-Unis, le Canada et la Norvège ont récemment envoyé une demande pour participer à ce projet de « Schengen militaire » dans le cadre de la CSP.

Ce qu’a confirmé le lieutenant-colonel Thomas Campbell, un porte-parole du Pentagone. « La participation des États-Unis apporterait une valeur ajoutée au projet étant donné l’expertise américaine en matière de mouvements de troupes et de matériels à travers l’Europe », a-t-il dit, le 2 mars, avant d’indiquer que Washington pourrait également participer à d’autres projets de la CSP. Reste à voir comment pourrait se traduire une telle participation, si elle est acceptée…

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