Le futur chef de la diplomatie américaine estime que la Turquie n’agit « pas comme un allié »

Au cours de ces quatre dernières années, il a souvent été reproché aux autorités américaines alors en place d’avoir « ménagé » la Turquie, alors que ce pays accueille deux sites utilisés par l’Otan, dont la base aérienne d’Incirlik, avec son dépôt de bombes nucléaires tactiques B-61, et celle de Kurecik, laquelle abrite un radar d’alerte avancée utilisée dans le cadre de la défense antimissile de l’Alliance. Ce qui, sans doute, peut expliquer une certaine retenue, faute de disposer de solutions de rechange.

Cela étant, et sous la pression, il est vrai, du Congrès, l’administration Trump a fini par prendre des mesures fortes en réponse à l’acquisition par Ankara de systèmes russes de défense aérienne S-400, incompatibles avec ceux de l’Otan. En 2019, la Turquie a ainsi été exclue du programme Joint Strike Fighter, alors qu’elle avait commandé 100 avions F-35A. Puis, plus récemment, elle est allée plus loin en sanctionnant la SSB, l’agence du ministère turc de la Défense chargée des contrats d’armements, en lui interdisant toute licence d’exportation de composants militaires d’origine américaine.

Enfin, lors d’une récente réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Otan, Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, s’en est pris vertement à son homologue turc, dénonçant le comportement d’Ankara en Méditerranée orientale, en Libye, en Syrie ou encore dans le conflit du Haut-Karabakh.

Aussi, la semaine passée, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a dit espérer avoir de meilleures relations avec la nouvelle administration américaine, qui prendra ses fonctions après l’investiture du président Joe Biden.

« Les F-35 n’ont pas été livrés bien que nous ayons versé une somme conséquente. C’est une erreur grave de la part des États-Unis en tant que pays allié. J’espère qu’avec l’investiture de M. Biden, nous pourrons avoir des pourparlers et arriver à des résultats positifs », a en effet déclaré M. Erdogan, le 15 janvier.

A priori, le président turc devrait en être pour ses frais… Si, en 2016, il avait affirmé que la « Turquie n’a[vait] pas de plus grand ami que les États-Unis », le successeur désigné de M. Pompeo à la tête de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a été très clair.

« L’idée selon laquelle un de nos partenaires stratégiques – ou considéré comme tel – pourrait s’aligner sur l’un de nos plus importants concurrents stratégiques n’est pas acceptable [la Russie, ndlr] », a estimé M. Blinken, lors de son audience de confirmation devant le comité sénatorial des Affaires étrangères, le 19 janvier.

« Je pense que nous devons évaluer l’impact que les sanctions existantes ont eu et ensuite déterminer si [il y a] lieu d’aller plus loin », a-t-il ajouté.

Quoi qu’il en soit, pour M. Blinken, « la Turquie est un allié qui, à bien des égards… n’agit pas comme un allié. Et c’est un défi très important pour nous. » Et d’insister : « Nous sommes très lucides à ce sujet. »

Les propos du futur secrétaire d’État américain rejoignent ceux tenus récemment par Florence Parly, la ministre française des Armées. « Formellement, la Turquie est membre de l’Alliance atlantique, mais cela fait des mois que la Turquie ne se comporte pas comme un allié et nous l’avons fait savoir. Et pendant plusieurs mois, nous avons été bien seuls au sein de l’Alliance atlantique pour le dire », avait-elle déclaré à l’antenne de France Inter, le 10 janvier. « Nous l’avons d’autant plus fait savoir que des manœuvres très désagréables avaient été faites à l’encontre d’un navire Français en Méditerranée », avait-elle rappelé.

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