Les Nations unies évoquent une « hausse inquiétante de la violence » en Afghanistan après l’accord de Doha

À première vue, les chiffres donnés par la Mission des Nations unies en Afghanistan [MANUA] semblent indiquer une baisse du niveau de la violence dans le pays, alors que les États-Unis et le mouvement taleb afghan ont signé un accord de paix à Doha, le 29 février dernier.

Ainsi, durant le premier semestre 2020, la MANUA a compté 1.293 victimes civils [dont 533 tués et 760 blessés]. Soit le plus faible nombre constaté depuis les trois premiers mois de l’année 2012. Seulement, il ne faut pas se fier aux apparences. En effet, la mission a constaté une « accélération » de la violence au cours du mois de mars.

« La MANUA est particulièrement préoccupée par l’escalade de la violence en mars et l’augmentation du nombre de victimes civiles. Cette tendance est d’autant plus frappante qu’elle a suivi une période de ‘réduction de la violence’ du 22 au 28 février entre les forces progouvernementales et les talibans, ainsi que l’accord du 29 février signé entre les États-Unis et les talibans », souligne-t-elle dans un communiqué présentant son rapport trimestriel sur la situation afghane [.pdf]. Rapport qui ne s’attarde pas sur les pertes subies par les forces afghanes puisqu’il ne concerne que les civils.

Dans le détail, les forces anti-gouvernementales sont responsables de 55% des victimes civiles, selon la MANUA. Sur les 282 tués et 428 blessés, 39% l’ont été par les talibans et 13% par la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique [EI-K]. Le reste a été attribué à différents groupes.

« Le nombre de morts parmi les civils attribuées aux forces antigouvernementales – en particulier les talibans – a progressé de 22% au premier trimestre 2020 par rapport à la même période en 2019, principalement en raison d’une augmentation des assassinats ciblés et des exécutions sommaires », souligne la MANUA, qui par ailleurs attribué « 21% du total des pertes civiles aux forces de sécurité nationales afghanes » et « 8% aux forces militaires internationales ».

Pour rappel, l’accord de Doha a été entériné par la résolution 2315 du Conseil de sécurité des Nations unies. Et il était demandé aux autorités afghanes de « faire avancer le processus de paix » avec le mouvement taleb » et de « s’atteler de bonne foi » avec ce dernier « à des mesures de confiance supplémentaires destinées à créer des conditions propices à la prompte ouverture et au succès des négociations entre Afghans et à une paix durable, y compris à de nouvelles réductions de la violence propres à faire sensiblement baisser le nombre de victimes civile. »

L’un des points de blocage entre Kaboul et le mouvement taleb porter sur l’échange des prisonniers, un point clé de l’accord de Doha que les diplomates américains ont négocié sans l’avis du gouvernement afghan. Il s’agirait ainsi de libérer 5.000 prisonniers talibans contre 1.000 membres des forces de sécurité.

Depuis, les autorités afghanes ont élargi quelques centaines de prisonniers taliban. Et, de son côté, le mouvement taleb a libéré quelques dizaines de soldats et de policiers qu’il avait capturés. Mais cela n’est guère suffisant et constitue donc une pomme de discorde entre les deux parties. Ce qui fait que les attaques continuent, les talibans ayant rompu la trêve instaurée fin février peu après la signature de l’accord de Doha.

À l’occasion du ramadan, le président afghan, Ashraf Ghani, a proposé un cessez-le-feu aux talibans… Mais ces derniers l’ont refusé, estimant qu’il n’était pas « rationnel, ni convaincant », alors que « la vie de milliers de prisonniers est mise en danger par le coronavirus ».

Reste que, pour la cheffe de la MANUA, Deborah Lyons, « il est impératif que la violence cesse avec l’instauration d’un cessez-le-feu et que démarrent des négociations de paix » pour « sauvegarder la vie d’innombrables civils en Afghanistan et pour donner à la nation l’espoir d’un meilleur avenir. »

Par ailleurs, l’accord de Doha prévoit un retrait militaire américain d’Afghanistan en échange de la promesse du mouvement taleb afghan de rompre avec les groupes terroristes liées à al-Qaïda. Et il contiendrait deux clauses secrètes au sujet de la lutte anti-terroriste. En tout cas, la diplomatie américaine veut y croire, si l’on en juge par les propos de son chef, Mike Pompeo.

Seulement, le 23 avril dernier, à l’occasion du 7e anniversaire de la mort du mollah Omar, son chef historique, le mouvement taleb a loué la décision de ce dernier d’assurer une protection à Oussama ben Laden [le fondateur d’al-Qaïda], via un texte publié sur son site Internet.

Quoi qu’il en soit, aux États-Unis, les opérations de contre-terrorisme en Afghanistan n’ont plus la cote, surtout à un moment où le risque de restrictions financières plane à nouveau sur le Pentagone.

« Le Congrès a alloué plus de 2.000 milliards de dollars de dépenses directes depuis le 11 septembre 2001 pour financer les opérations extérieures [OCO]. Et nous avons engagé 4.000 milliards de dollars suppémentaires en coûts associés et à long terme. Pour l’exercice 2020, seulement, nous dépenserons plus de 137 millions de dollars supplémentaires pour ces guerres. Ce qui est essentiel à comprendre, c’est que la poursuite perpértuelle de ces guerres n’améliore pas notre sécurité et ont un impact négatif sur notre capacité à nous concentrer et à nous préparer à combattre des adversaires qui pourraient un jour constituer une menace existentielle pour nous », a ainsi fait valoir un ancien officier dans les colonnes de Defense News.

Et ce dernier d’ajouter : « Si le président Donald Trump ordonnait la fin de tout ou partie de nos guerres inutiles pour toujours, nous pourrions instantanément économiser plus de 100 milliards de dollars par an sans couper quoi que ce soit d’autre dans le budget de la défense. Si nous menions ensuite des réformes prudentes et nécessaires dans la façon dont nous gérons la recherche et le développement, les achats et les acquisitions, et en éliminant les dépenses inutiles, des dizaines de milliards d’économies supplémentaires pourraient être réalisées. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]