Les États-Unis accusent Pékin de profiter de l’épidémie de Covid-19 pour pousser ses pions en mer de Chine

En juillet 2016, la Cour permenante d’arbitrage [CPA] de La Haye a estimé que les revendications territoriales de Pékin en mer de Chine méridionale ne reposaient sur aucun « fondement juridique » et même jugé que certaines actions chinoises dans cette région « illégales ». Évidemment, le gouvenement chinois s’était empressé de contester cet avis.

Riche en ressources naturelles [hydrocarbures, poissons, etc], la mer de Chine méridionale est stratégique dans la mesure où elle est le carrefour des principales routes maritimes commerciales. Son blocage permettrait, par exemple, de couper l’approvisionnement en pétrole du Japon. Depuis maintenant plusieurs années, Pékin, qui en revendique la quasi-totalité, place ses voisins qui y ont des prétentions territoriales devant le fait accompli, en militarisant des archipels [Spratleys et Paracel, notamment] et en y déployant des capacités d’interdiction et de déni d’accès.

Les États-Unis, mais également l’Australie, la France et le Royaume-Uni, contestent les visées chinoises dans cette région. Ce qui passe par des missions dites « FONOPs » [freedom of navigation operations] régulièrement assurées par leurs forces navales. Elles consistent à envoyer un navire à moins de 12 milles des récifs militarisés par la Chine [qui, selon la CPA de La Haye, ne peuvent pas être assimilées à des îles et donc générer une zone économique exclusive comme le stipule l’article 3 de la Convention de la mer].

Chaque fois qu’un navire militaire traverse la mer de Chine méridionale ou le détroit de Taïwan [île sur laquelle Pékin ne cesse d’affirmer ses prétentions], les autorités chinoises protestent vigoureusement et parlent de « provocation ». L’an passé, la frégate française Vendémiaire avait déclenché leur foudre…

Mais, la semaine passée, c’est un bateau de pêche vietnamien qui a fait les frais de l’intransigeance chinoise. Le 2 avril, dans les eaux entourant l’archipel Paracels, revendiqué par le Vietnam, ce bateau a été coulé après avoir, selon Pékin, percuté un navire de la garde côtière chinoise venu l’intercepter. De son côté, Hanoï a assuré que ses pêcheurs étaient dans leur droit, tout en critiquant fermement la conduite de la Chine dans cette affaire.

Pour le capitaine de vaisseau Carl Schuster, ancien directeur des opérations au Joint Intelligence Center du commandement américain pour le Pacifique, cet incident pourrait être un message adressé au Vietnam en raison, a-t-il dit à CNN, de « son rapprochement avec les États-Unis », à un moment où, à cause de l’épidémie de Covid-19, l’US Navy éprouve des difficultés à « répondre aux actions chinoises. »

Effectivement, le porte-avions USS Theodore Roosevelt, qui venait de faire une escale à Da Nang [un événement rare depuis la guerre du Vietnam], est hors course, la multiplication des cas de Covid-19 à son bord l’ayant contraint à rejoindre l’île de Guam pour une durée indéterminée. Quant à l’USS Ronald Reagan, actuellement au Japon, nul de sait quand il pourra reprendre la mer [à ce sujet, l’US Navy maintient le flou].

Selon les derniers chiffres disponibles, il y aurait plus de 1.500 cas de Covid-19 au sein des forces américaines, malgré les mesures prises par le Pentagone pour empêcher la diffusion du virus. Les entraînements ont été réduits et les formations suspendues, de même que les mouvements de troupes.

Secrétaire adjoint à la Défense pour les Affaires publiques, Jonathan Hoffman a déclaré, il y a quelques jours, que le Pentagone « procédait à des évaluations quotidiennes des risques en vue de retrouver « sa pleine capacité opérationnelle plus rapidement. »

En tout cas, et dans le même temps, l’Armée populaire de libération [APL] continue de montrer ses muscles, que ce soit près de Taïwan ou via des exercices aéronavals. Sur son site Internet, elle explique que « l’épidémie de Covid-19 a considérablement réduit la capacité de déploiement des navires de guerre de la marine américaine dans la région Asie-Pacifique. » Et elle a indiqué qu’elle s’attendait à voir les forces américaines multiplier les vols d’avions de renseignement pour maintenir leur présence dans la région.

Par ailleurs, il est compliqué de savoir si la marine chinoise est affectée par l’épidémie de Covid-19… Cependant, étant donné qu’elle opère à proximité de ses bases, il lui est plus facile de remplacer les marins testés malades, explique le capitaine de vaisseau Schuster. « Les navires [chinois] sortent, effectuent un exercice de cinq à dix jours et retournent dans un port militaire, où les mesures de sécurité empêchent tout signalement public d’infections potentielles », a-t-il expliqué à CNN.

En attendant, la diplomatie américaine a réagi à l’affaire du bateau de pêche vietnamien coulé par les gardes-côtes chinois, en lançant une mise en garde à Pékin.

« Nous sommes très préoccupés par les informations selon lesquelles la République populaire de Chine a coulé un bateau de pêche vietnamien à proximité des îles Paracel en mer de Chine méridionale. […] Cet incident est le dernier d’une longue série d’actes de la République populaire de Chine pour revendiquer des droits maritimes indus et nuire à ses voisins d’Asie du Sud-Est en mer de Chine du Sud », a affirmé Morgan Ortagus, la porte-parole du département d’État, dans un communiqué diffusé le 6 avril.

Aussi, a-t-elle continué, Washington a appelé Pékin à « rester concentré sur le soutien aux efforts internationaux pour combattre la pandémie » et à « cesser de profiter du fait que les autres Etats sont occupés ailleurs ou vulnérables pour étendre ses prétentions territoriales illégales en mer de Chine méridionale. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]