Mme Parly : Il y a « énormément d’étapes à franchir » avant de mutualiser la dissuasion au niveau européen

Invitée, ce 11 novembre, de la matinale de France Inter, la ministre des Armées, Florence Parly, est revenue sur les récents propos tenus par le président Macron au sujet de l’Otan, dont il a dit qu’elle était en « état de mort cérébrale » dans les colonnes de l’hebdomadaire The Economist.

Pour résumer la pensée de M. Macron, le cavalier seul de la Turquie dans le nord de la Syrie, où elle a lancé une offensive contre les milices kurdes syriennes [YPG] sur lesquelles les Occidentaux s’appuient en partie pour combattre l’État islamique [EI ou Daesh] ainsi que l’attitude ambiguë du président américain, Donald Trump, au sujet de l’Alliance, font que l’Otan, selon Mme Parly, vit une « crise bien visible depuis deux ans. »

Mais l’un des points les plus saillants des propos du président français porte sur l’article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord, c’est à dire sur la clause de défense collective qui stipule que si l’un des alliés est attaqué, tous les autres le sont aussi.

« L’Otan en tant que système ne régule pas ses membres. […] C’est quoi, l’article 5 demain? C’est-à-dire que si le régime de Bachar el-Assad décide de répliquer à la Turquie [membre de l’Otan], est-ce que nous allons nous engager, c’est une vraie question », avait effet déclaré M. Macron. Et d’ajouter : « Il faut clarifier maintenant quelles sont les finalités stratégiques que l’on veut poursuivre au sein de l’Otan », avant d’en appeler l’Europe à se doter d’une autonomie stratégique et militaire, sous peine de disparaître.

Mais son homologue américain n’est pas en reste. À plusieurs reprises, il a lié une intervention militaires des États-Unis visant à défendre un allié susceptible d’être attaqué à sa part prises dans le « partage du fardeau » en matière de dépenses militaires.

« Il y a un réel problème et le risque d’une prophétie auto-réalisatrice quand Trump et Macron disent la même chose à propos de l’article 5, surtout à un moment où il n’y a ni consentement européen ni capacités européennes » pour trouver une alternative à l’Otan, a expliqué François Heisbourg, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique [FRS] à l’agence Reuters.

Cela étant, cette interrogation au sujet de l’article 5 n’est pas nouvelle. Elles étaient déjà d’actualité dans les années 1960… Ce qui renforça le général de Gaulle dans sa volonté de doter la France de l’arme nucléaire…

Le très respecté président de la Conférence de la sécurité de Munich, le diplomate Wolfgang Ischinger, a également exprimé des doutes sur cet article 5, qui n’a été activité qu’une seule fois depuis 1949… et au bénéfice des États-Unis, après les attaques du 11 septembre 2001.

En février, M. Ischinger avait ainsi rappelé que l’Union européenne avait pu compter sur le parapluie américain « pendant des décennies » en matière de sécurité… Et que cela n’était apparemment « plus aussi évident aujourd’hui. » Aussi, « il est grand temps que l’UE se transforme en une Union de la défense – sans renoncer à ses objectifs précédents en matière de politique économique, sociale ou commerciale », avait-il estimé, après avoir évoqué une « europénisation du potentiel nucléaire français », ce qui serait « une très bonne idée à moyen terme. »

Sur les ondes de France Inter, Mme Parly n’a pas échappé à la question de savoir si la France serait « prête à partager sa souveraineté » de sa « dissuasion nucléaire » avec ses « alliés européens ».

« Sur les sujets de coopération militaire, il est évident que nous avons encore beaucoup de marge. […] La question de la dissuasion nucléaire, c’est une question parmi d’autres », a commencé par répondre la ministre des Armées.

« Il y a énormément d’étapes franchir avant, me semble-t-il, d’envisager que la dissuasion nucléaire puisse être mutualisée à l’échelle de l’Europe. Et c’est ce à quoi nous travaillons », a continué Mme Parly. « Et, personnellement, je suis très engagée pour que cette Europe de la Défense, […] comme le président des États unis le demande, devienne plus efficace », a-t-elle ajouté.

Évidemment, mutualiser la dissuasion française pose énormément de question. À commencer par son contrôle et son financement [soit 37 milliards d’euros sur la période 2019-25 pour assurer son fonctionnement et sa modernisation, ndlr]. Sur ces points, M. Ischinger avait expliqué que les pays européens « devraient contribuer en conséquence » pour bénéficier du parapluie nucléaire français. Et d’ajouter : « L’utilisation possible des armes nucléaires ne pourrait pas être décidée, au final, par un comité de l’UE. Cette décision resterait celle du président français. Ce que nous devons accepter!. »

Reste que, la dissuasion française profite indirectement aux Européens. « La définition de nos intérêts vitaux ne saurait être limitée à la seule échelle nationale, parce que la France ne conçoit pas sa stratégie de défense de manière isolée, même dans le domaine nucléaire », rappelle en effet la Revue stratégique publiée en octobre 2017.

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