Grande Guerre : Pavel Argueïev, l’Aigle de Crimée de l’aviation française

Durant la Première Guerre Mondiale, nombreux furent les étrangers qui rejoignirent les rangs de l’armée française… Dès le 3 août 1914, ceux qui vivaient à Paris manifestèrent leur soutien à la France, jusqu’à signer des formulaires pour s’engager. Et ils furent 25.000 à accomplir une telle démarche, comme les écrivains Blaise Cendrars [Suisse] et Ricciotto Canudo [Italien]. Mais peu d’entre-eux purent rejoindre l’aviation militaire naissante, comme le firent, par exemple, l’américain Eugene Jacques Bullard et le japonais Kiyotaké Shigeno.

Pourtant, les Ailes françaises comptèrent dans leurs rangs pas moins de 9 pilotes admis à servir à titre étranger ayant abattu au moins cinq avions ennemis [et donc obtenu le statut d’As]. Le plus connu d’entre-eux est Raoul Lufbery [qui était franco-américain], avec ses 16 victoire homologuées. Cinq autres aviateurs d’origine américaine devinrent des As. Et on y compte également le suisse Jacques Roques et les russes Georgiyevitch Federoff et Pavel Argueïev [ou Paul d’Argueff].

Il est compliqué de retracer le parcours exact de ces deux pilotes russes. Ainsi, s’agissant de Paul d’Argueff [on retiendra, par la suite, son nom francisé, conformément au souhait qu’il avait exprimé à l’époque], les sources sont parfois manquantes, quand elles ne sont pas contradictoires.

Cependant, on sait que cet aviateur est né le 1er mars 1887 à Yalta [Crimée] dans un milieu plutôt aisé, son père étant un ingénieur naval. Dans son livre intitulé « Le siècle des As (1915-1988) », l’historien Pierre Razoux, affirme que sa mère était française. Ce qui expliquerait la suite de son parcours.

Quoi qu’il en soit, à l’âge de 18 ans, Paul d’Argueff est admis à l’académie militaire d’Odessa. Deux ans plus tard, il en sort avec les galons de lieutenant. Puis, dans le cadre des relations militaires franco-russes, il est envoyé à Paris. Il a été dit que, avant de rejoindre la France, il aurait fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir refusé de sanctionner un soldat alors qu’il servait au 29e régiment d’infanterie Tchernigov. Mais cet épisode n’a jamais pu être confirmé.

Reste que la guerre le surprend alors qu’il est à Paris. Il reçoit alors l’ordre de combattre dans les rangs français et rejoint ainsi le 131e Régiment d’Infanterie. Lors de la Bataille de la Marne, l’officier reçoit une première blessure à la jambe. Promu capitaine en novembre 1914, il se distingue à plusieurs reprises, notamment lors de l’attaque de Vauquois. Fait chevalier de la Légion d’Honneur en mai 1915, et après avoir été déclaré inapte pour l’infanterie, il demande à rejoindre l’aviation militaire.

Breveté pilote, le capitaine d’Argueff est affecté, en août 1916, à l’Escadrille N48. Pour peu de temps puisqu’il doit quitter la France pour rejoindre l’unité de celui qui est alors le plus grand as de l’aviation impériale russe, Alexandre Kazakov. Très vite, il ne tarde pas à montrer ses talents de pilote. Le 10 janvier 1917, il obtient sa première victoire aérienne en abattant un Albatros C.V., ce qui lui vaut de recevoir la Croix de Saint Vladimir avec le ruban et les glaives. Cinq autres victoires suivront par la suite, ce qui le fera accéder au statut d’as [après avoir abattu un Brandenburg C.1. autrichien, en juin 1917, ndlr].

Mais la révolution d’Octobre va mettre sa carrière de pilote entre parenthèses. Opposé aux bolchéviques, il parvient à quitter la Russie et retrouve la France… et les combats puisqu’il est rapidement affecté à l’escadrille SPA 124 « Jeanne d’Arc », issue de N124 « La Fayette » et commandée par le futur capitaine André d’Humières.

Le capitaine d’Argueff « deviendra l’une des figures de la SPA 124, tout aussi populaire au bar de l’escadrille que redoutable dans les airs à bord de son SPAD-13 », écrit Pierre Razoux.

Effectivement. Jusqu’à sa dissolution, en février 1919, la SPA 124, dotée de SPAD XIII, obtiendra 26 victoire homologuées, dont 9 seront acquises par celui que l’on surnommera « l’Aigle de Crimée ». Au total, le capitaine d’Argueff aura donc abattu 15 appareils ennemis [dont 6 en Russie].

Parmi ses victoires, celle du 27 septembre est sans doute la plus emblématique. Ce jour-là, il abattit un Fokker D.VII après avoir engagé, seul, un combat contre huit avions ennemis.

Après la guerre, Paul d’Argueff connaît le sort de bon nombre de pilotes à l’époque… Étant persona non grata dans la Russie bolchévique, il finit par être recruté par la compagnie Franco-Roumaine [F.R.A], que vient de créer Pierre Claret de Fleurieu, un autre as, ancien de la SPA 95. Cette société fut l’une des premières de l’histoire à avoir proposé des vols commerciaux de passagers. En 1925, elle prit le nom de « Compagnie internationale de navigation aérienne » [Cidna], que l’écrivain Paul Morand évoquera dans son roman « Flêche d’argent ».

Mais Paul d’Arguef ne connaîtra pas l’évolution de la compagnie aérienne. Le 30 octobre 1922, il perd la vie aux commandes de son Potez, après avoir percuté une colline en Tchécoslovaquie. Il repose désormais au cimetière du Bourget.

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