Quand l’armée chinoise recycle un concept datant des années 1950

C’est le genre d’information qui laisse sceptique. Tellement sceptique que l’on soupçonne même un canular… Pour autant, la presse chinoise en a parlé avec tellement de sérieux qu’on ne peut pas la balayer d’un revers de manche. D’autant plus, si on a un peu de mémoire, le concept sur lequel travaille actuellement l’armée chinoise n’est pas aussi saugrenu qu’il en a l’air étant donné que, par la passé, il fut envisagé sous d’autres latitudes.

De quoi s’agit-il? Début octobre, lors d’une exposition dédiée aux hélicoptères et organisée à Tianjin, en Chine, la maquette d’un mystérieux appareil qui, appelé « Super Great White Shark » et ayant la forme d’une soucoupe volante, a été dévoilée au public. L’étonnement est d’autant plus grand que la fiche de présentation de cet engin précise qu’il s’agit d’un « hélicoptère armé conçu pour le futur champ de bataille de l’information numérique [sic] ». Et qu’il sera capable de voler à grande vitesse… c’est à dire à 650 km/h.

« Cet hélicoptère de 7,6 mètres de long et de 2,85 mètres de large présente une conception fuselée du corps de l’aile, ce qui donne l’impression que l’appareil lui-même est un anneau large avec son cockpit fixé au centre », a précisé, plus tard, le quotidien Global Times, proche du Parti communiste chinois.

Ce dernier indique également que ce « Super Great White Shark » aura une masse de 6.000 kg au décollage et pourra atteindre 6.000 mètres d’altitude, avec une vitesse ascentionnelle de 16,5 mètres par second. A priori, sa propulsion serait assurée par une turbine et un rotor coaxial d’un diamètre de 4,9 mètres dissimulés dans sa cellule. Toujours selon la même source, cet appareil serait mis en oeuvre par deux pilotes. Et son premier vol est programmé pour l’Airshow China Zhuhai 2020.

Et on ne demande qu’à voir… Car les performances attendues pour cet « hélicoptère » paraissent hors de portée. D’autant plus que, l’armée chinoise n’est pas la première à explorer la voie des appareils à forme lenticulaire.

En effet, dès 1939, l’allemand Arthur Sack imagina un tel concept avec le Sack AS-6. Enfin presque… puisque ce dernier n’était qu’un avion doté d’ailes lenticulaires [ce qui alimentera, par la suite, quelques fantasmes au sujet des « projets secrets » du IIIe Reich]. Par la suite, l’ingénieur français René Couzinet imagina « l’Aérodyne à ailes multiples RC-360 », lequel devait « révolutionner » l’aéronautique. Mais le gouvernement n’y crut guère et l’aventure s’arrêta avec le suicide de l’inventeur.

En revanche, outre-Atlantique, l’US Air Force et l’US Army s’intéressèrent à de tels concepts, notamment avec le VZ-9 « Avrocar », qui ne fut jamais capable de s’élever à plus de un mètre de hauteur, en raison de problèmes de stabilité. Ce qui conduisit le Pentagone à arrêter les frais.

Cependant, d’autres programmes de même nature furent menés, comme le « Lenticular Reentry Vehicule » [LRV], confié à North American Aviation et mené par des ingénieurs allemands ayant travaillé avec Arthur Sack, ou bien encore le projet 1794, dont le but était de mettre au point une soucoupe volante capable d’évoluer à une vitesse comprise entre Mach 3 et Mach 4 et à 30.000 mètres d’altitude. Mais aucun n’alla jusqu’au bout.

Ces projets, qui ne manquaient pas d’ambition, furent lancés dans un contexte marqué par la rivalité entre les États-Unis et l’Union soviétique. Il était donc de bon ton de laisser entendre que la technologie que l’on possédait était largement supérieure à celle de l’adversaire. Sans doute qu’il faut ranger le « Super Great White Shark » dans cette catégorie, à moins que la démonstration promise en 2020 soit concluante.

Cela étant, comme le souligne CNN, les technologies actuelles permettent de réaliser des prouesses qui passaient pour être impossible il y a 60 ans. Mais il n’empêche que les lois de l’aérodynamiques sont ce qu’elles sont… Mais selon ces dernières, disait le constructeur américain d’hélicoptères Igor Sikorsky, le « bourdon ne peut pas voler : le rapport mathématique entre sa tête, trop grande et ses ailes, trop petites, l’empêche de soutenir son corps en l’air. Mais le bourdon ne le sait pas : c’est pourquoi il vole. »

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