Pour affermir « l’esprit guerrier », l’armée de Terre va mettre l’accent sur les stages commandos

Le général Jean-Pierre Bosser, qui laissera ses fonctions de chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] au général Thierry Burkhard, n’a eu de cesse d’insister sur la nécessité de développer et d’entretenir « l’esprit guerrier », qui doit donner aux soldats un « supplément d’âme » pour dominer l’adversaire.

« L’esprit guerrier combine la capacité à agir dans les milieux difficiles, l’utilisation de la haute technologie et les traditions », détaille le général Bosser. En clair, l’aguerrissement, indispensable pour tenir plus longtemps que l’adversaire, forge le mental du soldat, dont les capacités sont démultipliés par la haute technologie… Et les traditions donnent du sens à son action quand elles ne l’inspirent pas.

Pour l’armée de Terre, un combattant entraîné et aguerri, c’est à dire ayant une connaissance parfaite du terrain tout en faisant preuve de combativité et de résistance, est le « principal facteur de résilience. »

« Pour éviter la surprise et encaisser les chocs, il nous faut forger des soldats au caractère trempé et durs au mal. L’aguerrissement, composante clef de l’esprit guerrier, apporte ce supplément d’âme permettant au soldat de se dépasser pour remplir la mission, de prendre l’ascendant sur l’adversaire et d’emporter la décision », est-il expliqué dans la dernier numéro de la Lettre du CEMAT. Et cette dernière d’ajouter : « En se confrontant à l’adversité dès l’entraînement, chaque soldat, du caporal au général et du cavalier au pompier, doit développer intelligence de situation, audace et détermination. »

« Il y a des constantes dans l’entraînement militaire. Les soldats romains, les grognards napoléoniens ou nos militaires d’aujourd’hui ont tous vécu des avancées techniques ou technologiques importantes. Mais l’entraînement spécifique, la capacité à durer sur le terrain, l’endurcissement, la force morale demeurent les fondamentaux de la réussite de la mission », abonde le colonel Rémy, du bureau emploi de l’état-major de l’armée de Terre.

Et pour l’aguerrissement, la formation aux techniques commandos est incontournable. « Un stage de type commando est par principe un saut dans l’inconnu. Ne pas connaître le programme, avoir un encadrement différent ou arpenter une piste d’audace met le combattant en situation d’inconfort. Ce dépassement physique et moral forge sa capacité de résilience, quelle que soit son arme d’appartenance. En cela l’esprit guerrier doit s’appliquer à toute l’armée de Terre », explique le colonel Rémy.

D’où la Directive d’aguerrissement des forces terrestres [DAGUER FT], récemment entrée en vigueur. Définissant trois socles [combattant, métier, commando], elle se décline en 30 mesures devant être appliquées dans les trois ans à venir afin de permettre à l’ensemble des unités de l’armée de Terre de conduire une politique d’aguerrissement conforme à leurs exigences opérationnelles.

Pour schématiser, cette directive reprend la théorie du « ruissellement » en matière économique. En clair, l’effort sera porté sur la formation des cadres aux techniques commandos. Et ces derniers transmettrons ce qu’ils auront appris au sein de leur régiment.

« Nous allons remettre le cadre au cœur de l’aguerrissement. En augmentant le volume de personnel qualifié, nous donnons la possibilité aux régiments de mener leurs propres actions de formation », explique le lieutenant-colonel Jean-Charles, du bureau entraînement du commandement de l’entraînement et des écoles du combat interarmes [COM E2CIA].

Dans ce dispositif, le Centre national d’entraînement commando [CNEC], implanté à Mont-Louis [Pyrénées Orientales], tiendra un rôle central. « Les régiments ont besoin de spécialistes pour encadrer leurs sections. En 2019, 54 % de nos stages étaient consacrés à la formation des moniteurs et instructeurs commandos. En 2020 nous serons à 80 % », souligne le lieutenant-colonel Carl-Éric, chef du bureau entraînement instruction de cette unité.

« Les militaires qualifiés 2e niveau sont l’échelon fondamental de l’aguerrissement commando dans les corps et ils doivent irriguer toutes les fonctions opérationnelles », précise le lieutenant-colonel Victor Le Bihan, le chef du corps du CNEC.

En outre, pour mener les stages d’aguerrissement, le CNEC va s’appuyer sur les Centres d’initiation commandos [CIC] du Fort de Penthièvre [Morbihan] et d’Épinal, lesquels montent progressivement en puissance, ainsi que sur le Groupement d’aguerissement montagne [GAM]. « Ce dispositif permettra ainsi d’accueillir une quinzaine de formations qualifiantes supplémentaires par an, soit plus de 350 stagiaires », indique l’armée de Terre.

Dans le même temps, chaque brigade sera dotée d’un « espace d’entraînement et d’aguerrissement au combat » [EEAC] qui, sur le modèle du Centre d’instruction et d’entraînement au combat amphibie du 21e Régiment d’Infanterie de Marine [RIMa], permettra d’accueillir une section pendant une à deux semaines.

Comme l’assure la Lettre du CEMAT, « s’aguerrir doit se pratiquer au quotidien et dans toutes les unités ». Ce qui passe par l’entraînement physique et la conduite de séquences tactiques devant permettre au chef de section ou de groupe de « densifier les activités, d’y introduire de l’imprévu, d’en moduler la durée et le contenu, pour habituer ses hommes à exécuter collectivement leur
mission en situation d’inconfort, à agir plus fort et à durer plus longtemps. »

« La création des centres d’initiation commando et des espaces d’entraînement au combat des brigades offrira aux unités la possibilité de se consacrer pendant plusieurs semaines à des instructions spécifiques, notamment sur des parcours commando ou des pistes nautiques », explique-t-on au bureau entraînement du COM E2CIA.

Par ailleurs, cet « écosystème » reposera également sur les 9 Centres d’aguerrissement outre-Mer et étranger [CAOME], comme celui d’Arta Plage, à Djibouti. Appelé « La voie de l’inconscient », il comprend un parcours d’audace à réaliser en moins de 25 mn. En encore comme ceux établis en Guyane [Centre d’entraînement en forêt équatoriale et centre de formation forêt fleuve].

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