La livraison d’hélicoptères UH-60 Black Hawk à la force aérienne afghane risque d’être un fiasco

« S’il existe au moins deux façons de faire quelque chose et qu’au moins l’une de ces façons peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu’un quelque part pour emprunter cette voie », énonce la Loi de Murphy. Et le projet de livrer 159 hélicoptères UH-60A Black Hawk à la force aérienne afghane en sera sans doute un exemple.

En effet, quand Washington annonça son intention de moderniser les capacités de l’aviation afghane en remplaçant ses hélicoptères de manoeuvre Mi-17 de conception russe par des UH-60A Black Hawk, quelques observateurs estimèrent que ce n’était pas une bonne idée, aussi généreuse fût-elle [le coût de programme ayant été évalué à 7 milliards de dollars, ndlr]. Et cela pour plusieurs raisons.

La principale est que, pour l’Afghanistan, il faut un hélicoptère rustique et solide, facile à maintenir en condition opérationnelle et dont le domaine de vol correspond à la réalité de ce pays montagneux. Or, sur ce plan, le Mi-17 est particulièrement bien adapté. En outre, il peut aussi fournir un appui aérien, grâce aux 1.500 kg de bombes et des roquettes qu’il est en mesure d’emporter. Ce que l’appareil américain ne peut pas faire, étant donné qu’il n’est armé que de deux mitrailleuses.

Autre bémol : le nombre d’hélicoptères à livrer. Multiplier quasiment par trois le nombre d’appareils mis en ouvre par la force aérienne afghane supposait en effet un effort considérable en matière de recrutement et de formation, tant au niveau des pilotes que celui des techniciens.

En juin 2018, un rapport de l’inspection générale du Pentagone avait mis en avant ces objections. Et comme attendu, il s’avéra qu’il fallait deux UH-60A pour acheminer le chargement d’un seul Mi-17.

Seulement, comme dit le dicton, « quand le vin est tiré, il faut le boire »… Et le rapport en question servit probablement à caler un coin de table… Cependant, le SIGAR, l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan, qui dépend du Congrès des États-Unis, vient de s’inviter dans le débat. Et, lui aussi, n’épargne pas ses critiques contre la décision de doter la force aérienne afghane avec des UH-60A [.pdf].

Initialement, le programme prévoyait le recrutement de 477 pilotes afghans de UH-60A. Finalement, la « cible » a été baissée à 320. Seulement, leur formation a pris du retard… Au point qu’il manque des équipages pour mettre en oeuvre les 16 appareils déjà livrés. Le problème est identique pour les techniciens, ce qui devrait sans doute faire le bonheur de prestataires privés.

Or, sur le plan de la maintenance, d’importants efforts sont à faire étant donné qu’il n’est pas possible de permettre les mêmes pratiques qu’avec les Mi-17. D’après l’agence Reuters, l’entretien de ces appareils n’est pas toujours correctement assuré, étant donné qu’ils sont sursollicités. Ce qui n’est pas sans préoccuper, d’ailleurs, les conseillers militaires américains.

« Compte tenu des inquiétudes sur le fait que la force aérienne afghane ne serait pas en mesure d’utiliser pleinement les 159 UH-60A Black Hawk, le département de la Défense [Pentagone, ndlr] court le risque de gaspiller l’argent des contribuables américains pour acheter des appareils que les Afghans ne peuvent ni piloter, ni entretenir », a résumé le SIGAR.

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