Selon son chef d’état-major, la Marine nationale doit faire face à quatre défis

Lors de son audition par la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, dans le cadre de l’examen du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2019-2025, l’amiral Christophe Prazuck a donné le détail des quatre défis qui attendent la Marine nationale, dont il est le chef d’état-major [CEMM].

Ainsi, le premier de ces défis est le « retour des rhétoriques de puissance », qui sont notamment le fait de la Chine et de la Russie. Ces deux pays ont non seulement changé leurs postures navales et stratégiques, tout en se donnant les moyens de le faire.

« La Chine construit en quatre ans l’équivalent de la Marine française et la Russie a multiplié par 1,5 le nombre de ses sous-marins », a ainsi relevé l’amiral Prazuck.

Et ces efforts s’accompagnent de progrès qualitatifs, en particulier dans le domaine de la guerre sous-marine. Ainsi, l’amiral Philip Davidson, pressenti pour prendre la tête du commandement américain pour le Pacifique (USPACOM) a récemment souligné que la Chine, grâce à l’espionnage industriel, avait fait accru signicativement ses capacités, avec le développement de nouvelles technologies lui permettant de disposer de sous-marins « plus silencieux et de plus en plus sophistiqués », de drones sous-marins et de nouveaux capteurs pour la lutte anti-sous-marine.

Ce retour « à la réthorique de puissance » amène à un second défi pour la Marine nationale : l’affaiblissement de l’ordre international, lequel, selon l’amiral Prazuck, « s’exprime particulièrement en mer, comme l’illustre la remise en cause du droit maritime international en mer de Chine méridionale ».

Pour rappel, Pékin pratique la politique du fait accompli dans cette partie du monde, stratégique à plus d’un titre. Bien que ses prétentions territoriales n’ont « aucun fondement juridique », comme l’a affirmé la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, la Chine y déploie des capacités militaires de type A2/AD (déni et interdiction d’accès) sur les îlots des archipel Spratleys et Paracel.

« La France est concernée par ces bouleversements, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations-Unies, membre fondateur de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et de l’Union européenne, ainsi qu’au titre de son espace maritime, qui est le deuxième mondial », a fait valoir l’amiral Prazuck. D’ailleurs, la frégate de surveillance Vendémiaire « s’est fait marquer par une frégate chinoise de façon continue entre Hong Kong et Brunei » après un passage dans les Spratleys.

Le troisième défi qui concerne la Marine nationale est lié, en quelque sorte, aux deux premiers. Il porte sur le « foisonnement technologique impliquant la remise en question des technologies de notre actuel outil militaire », a dit le CEMM. « Le big data, l’intelligence artificielle ou encore l’emploi de nouveaux vecteurs hyper-véloces nous obligent à ouvrir de nouveaux chantiers pour assurer l’adaptation de nos moyens à ce nouveau contexte », a-t-il ajouté.

Et ce point est assez délicat. « Nous constatons depuis plusieurs années une accélération des évolutions technologiques dans le domaine militaire. C’est particulièrement vrai dans le domaine des missiles. Les Russes exportent des missiles S-400 de plus en plus performants. Les futurs missiles, dans les 10 à 15 ans à venir, pourront être tellement rapides que nos radars à antennes tournantes ne pourront pas en pister la trajectoire », a expliqué l’amiral Prazuck.

D’où la mise au point de « nouveaux radars – fixes, à plaques – pour détecter des missiles volant jusqu’à Mach 5. » Et « certaines technologies de furtivité, qui sont également en cours de développement, impliquent la mise en oeuvre d’une veille collaborative créée par la mutualisation des données de l’ensemble des radars d’une force, afin de disposer d’une image globale de son environnement immédiat », a dit le CEMM.

Qui plus est, les missiles intercepteur Aster, qui équipent les navires de la Marine nationale, risquent d’être dépassés par ces missiles hypervéloces. « De nouveaux moyens d’interception devront ainsi être élaborés; en soft-kill et en hard-kill, les armes à énergies dirigées sont également une piste susceptible de répondre à ces évolutions », a estimé l’amiral Prazuck, pour qui la « la défense de l’adversaire doit [aussi] être prise en compte. » D’où le programme franco-britannique FMAN-FMC.

Enfin, le quatrième défi que doit affronter la Marine nationale porte sur le « nomadisme des crises » et le « terrorisme militarisé ». Ainsi, a relevé le CEMM, « Daesh se trouve à la fois en Afghanistan et dans le Sinaï et des cellules de terrorisme radicalisé apparaissent en Asie du Sud Est, tandis que prolifère le trafic des armes de haute technologie, comme les missiles antinavires désormais détenus par des groupes non-étatiques au Yémen, au Sinaï ou en Méditerranée orientale. »

Et, a-t-il continué, ce « nomadisme des crises est rendu plus complexe encore par l’évolution du niveau technique des armements. » À ce sujet, l’amiral Prazuck avait dit, lors d’une audition précédent, que l’on n’était « pas loin du jour où un missile antinavire sera tiré contre un bâtiment français. »

Photo : Frégate de taille intermédiaire (c) Naval Group

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