Une délégation militaire russe a été reçue par le maréchal Haftar, l’homme fort de l’est de la Libye

Chef de l’Armée nationale libyenne [ANL] et soutien du Parlement replié à Benghazi et dont émane le « gouvernement de stabilité nationale », rival du « gouvernement d’unité national » [GNU] établi à Tripoli, le maréchal Khalifa Haftar a pu compter non seulement sur l’appui de la France [il « fait partie de la solution à la crise libyenne », avait assuré Jean-Yves Le Drian, alors chef du Quai d’Orsay, en 2019] ainsi que sur celui de la Russie.

Bien que supposé proche des États-Unis, pour y avoir vécu en exil, à deux pas du siège de la CIA, à Langley, le maréchal Haftar s’est rapproché de la Russie après son retour en Libye, afin d’obtenir un soutien militaire. En 2017, il fut même accueilli à bord de l’unique porte-avions russe, l’Amiral Kouznetsov, au large de Tobrouk. Et, quelques mois plus tard, le groupe paramilitaire Wagner, que l’on disait alors proche du Kremlin, déployé entre 800 et 1200 mercenaires auprès de l’ANL.

Ceux-ci « fournissent un soutien technique pour la réparation de véhicules militaires, participent à des combats et à des opérations d’influence » et ont appuyé l’ANL dans les domaines de « l’artillerie, du contrôle aérien, fourni une expertise dans les contre-mesures électroniques et déployé des tireurs d’élite », avait ainsi relevé un rapport des Nations unies. Et d’ajouter : « Leur implication a agi comme un multiplicateur de force » pour les troupes du maréchal Haftar. Par ailleurs, d’autres entités russes furent repérées dans l’est de la Libye, dont Russkie System Bezopasnosti [RSB], spécialiste de la maintenance d’aéronefs.

Quand il lança ses troupes à l’assaut de Tripoli pour renverser le GNA, le maréchal Haftar put ainsi compter sur l’appui de la Russie, des Émirats arabes unies et de l’Égypte.

L’intervention militaire de la Turquie, appelée à la rescousse par le GNA, mit en échec l’offensive du maréchal Haftar. Cependant, en 2020, l’ANL reçut une aide matérielle assez conséquente de la part de Moscou, avec l’envoi en Libye d’avions de combat MiG-29 et Su-24 ainsi que des systèmes de défense aérienne Pantsir S1.

Depuis, des médiations ont été tentées en vue d’organiser de nouvelles élections et de réconcilier les deux camps rivaux. Seulement, elles se sont toutes soldées par un échec, comme si l’un et l’autre trouvait son intérêt dans le chaos politique…

Cela étant, ce statu quo va-t-il durer? Le semaine passée, et devant la contestation, le GNA est revenu sur sa décision de louer, pendant 99 ans, le port stratégique d’Al-Khoms à la Turquie, qui, selon toute vraisemblance, souhaitait y implanter une importante base navale.

De son côté, le maréchal Haftar a reçu, le 22 août, une délégation militaire emmenée par Iounous-Bek Ievkourov, le vice-ministre russe de la Défense et ex-dirigeant de la république d’Ingouchie, à majorité musulmane. À noter qu’il avait été brièvement retenu dans le quartier général de Rostov-sur-le-Don par les combattants de Wagner, lors de leur mutinerie, en juin.

« Au cours de la visite, il est prévu de discuter des perspectives de coopération dans la lutte contre le terrorisme international et d’autres questions d’action commune », a fait savoir le ministère russe de la Défense, via la messagerie Telegram.

« Il s’agit de la première visite officielle d’une délégation militaire russe en Libye. Elle a été préparée à la suite des résultats des négociations entre les deux pays dans le cadre de la 11e Conférence de Moscou sur la sécurité internationale, ainsi que lors du Forum militaro-technique international Armée-2023 », a-t-il ajouté.

Selon le porte-parole du maréchal Haftar, le colonel Ahmad al-Mesmari, les discussions ont porté sur la « coopération » et la « coordination » en matière de « formation » et de « maintenance des armes et équipements russes que possède le commandement général qui les considère comme la colonne vertébrale de l’armement de l’armée nationale libyenne », a-t-il dit. Armes que l’ANL n’est pas toujours censée posséder… en raison de l’embargo imposé par les Nations unies à la Libye.

Hasard ou pas, cette rencontre entre le maréchal Haftar et Ievkourov s’est tenue quelques heures après que le chef de Wagner, Evguéni Prigojine, a publié sa première video depuis la mutinerie de juin dernier. Et il a affirmé que des combattants de son groupe se trouvaient en Afrique pour y « rendre la Russie encore plus grande » et « remplir des tâches » qu’il n’a pas précisées.

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