La Turquie prend ombrage de l’intérêt des forces françaises pour le port grec d’Alexandroupoli

En 2019, le renouvellement de l’accord de coopération de défense mutuelle [MDCA] entre la Grèce et les États-Unis mit en lumière l’intérêt du Pentagone pour les installations portuaires d’Alexandroupoli, dont peu de monde se souciait à l’époque. Il s’agissait alors pour la partie américaine de disposer d’une solution alternative aux ports du Pirée [détenu à 67% par le groupe public chinois COSCO] et de Thessalonique [propriété de l’homme d’affaires gréco-russe Ivan Savvidis] pour notamment envoyer des troupes en Roumanie.

Depuis, avec la guerre en Ukraine, le port d’Alexandroupoli est plus que jamais stratégique. Donnant sur la mer de Thrace et permettant d’assurer une liaison maritime avec l’île de Samothrace, par ailleurs objet d’un contentieux avec la Turquie, il constitue une porte d’entrée vers la région de la mer Noire en particulier et le sud-est de l’Europe en général. Et cela, sans passer par le détroit du Bosphore et celui des Dardanelles, actuellement fermés à tout trafic maritime militaire par Ankara.

Étant donné que la France est à la tête du bataillon multinational de l’Otan déployé en Roumanie [mission Aigle] et que l’Allemagne a fait des difficultés pour le transit de chars Leclerc, Alexandroupoli ne peut qu’intéresser l’État-major des armées [EMA]… Au point d’y assurer une présence permanente. En tout cas, des discussions sont actuellement menées à cette fin, comme l’a fait savoir Konstantinos Chatzimichail, le responsable de l’autorité portuaire de cette ville de 70’000 habitants.

« Réunion technique de deux heures avec des officiers français du Centre d’Appui Stratégique Transport & Ravitaillement sur l’utilisation du port d’Alexandroupoli par les Armées françaises, huit mois après le premier contact exploratoire », a-t-il en effet récemment indiqué, via Twitter.

En réalité, ces discussions concernent le Centre de soutien des opérations et des acheminement [CSOA], placé sous l’autorité du sous-chef d’état-major « opérations » de l’EMA [SCEM OPS]. Pour remplir ses missions, il s’appuie sur le Centre des transports et transits de surface [CTTS] et le 519e Régiment du Train [RT], spécialiste des opérations portuaires de chargement et de déchargement des navires de transport.

Pour rappel, la France et la Grèce sont liées par un accord de défense contenant une clause d’assistance mutuelle pouvant être activée si les deux pays « constatent mutuellement qu’une attaque armée est en cours contre le territoire de l’un des deux ».

Or, en raison justement de cet accord de défense, l’intérêt français pour le port d’Alexandroupoli n’est visiblement pas au goût d’Ankara, le quotidien pro-gouvernemental « Daily Sabah » ayant estimé qu’il risquerait de « mettre la Turquie en colère ». Et le fait que les trois pays concernés fassent partie de l’Otan ne change rien à l’affaire.

La raison du courroux turc s’explique par la proximité l’Alexandroupoli avec les îles de la mer Égée… Îles qui sont à la source d’un différend entre Athènes et Ankara. L’an passé, la Turquie a remis en cause la souveraineté grecque sur ces territoires, dont le statut avait été défini par le Traité de paix de Lausanne de 1923, la Convention de Montreux de 1936 et le Traité de paix de Paris de 1947.

« Votre occupation des îles [de la mer Égée] ne nous lie en rien. Le moment venu, nous ferons le nécessaire. Nous pouvons arriver subitement la nuit. Nous n’avons qu’un mot pour la Grèce : n’oublie pas Izmir! », avait ainsi lancé le président turc, Recep Tayyip Erdogan, en faisant référence à la prise de Smyrne [alors grecque] lors de la Deuxième Guerre gréco-turque.

Photo : 519e Régiment du Train

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