La Pologne dénonce une violation de son espace aérien par deux hélicoptères des forces biélorusses

Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 12 juillet, le Directeur du renseignement militaire [DRM], le général Jacques Langlade de Montgros, a été prudent au moment d’évoquer le sort du groupe paramilitaire russe Wagner, dont le chef, Evguéni Prigojine, avait lancé une mutinerie quelques semaines plus tôt, après avoir copieusement critiqué la façon dont étaient conduites les opérations en Ukraine.

S’agissant des causes de cette mutinerie, « la dissension entre [Prigojine] et le haut commandement militaire, induite par leur divergence de vision sur la façon de mener la guerre, a donné lieu à des déclarations de M. Prigojine, fracassantes mais pas toujours exactes, les réseaux Prigojine ayant pratiqué une forme de désinformation à destination de l’opinion publique internationale, de l’opinion publique russe et de la sphère décisionnelle russe. L’abondance de cette désinformation a acculé M. Prigojine dans une position intenable et l’a contraint, dans une forme de fuite en avant, à franchir le Rubicon », a expliqué le général Langlade de Montgros.

Après ce coup de force, Wagner est « en pleine recomposition », a-t-il ajouté. Et de préciser que « Prigojine négocie avec le Kremlin, qui l’assume ». Ces discussions portent sur plusieurs aspects, dont le « volet financier » et les « capacités militaires consenties ». En tout cas, pour le DRM, le groupe paramilitaire ne devrait plus avoir la « même capacité opérationnelle d’appoint » qu’auparavant, ni bénéficier d’une « certaine autonomie ».

Quoi qu’il en soit, Wagner est encore présent en Afrique [en particulier en Centrafrique et au Mali]… et il a redéployé une partie de ses troupes en Biélorussie [précisément à Tsel, dans le centre du pays, ndlr]… après avoir rendu une grande partie de ses blindés et pièces d’artillerie aux forces russes. Et, le 20 juillet dernier, Minsk a annoncé que les combattants du groupe paramilitaire – sans doute au nombre de 3000 – allaient entraîner les forces spéciales biélorusses au camp de Bretsky, situé à seulement quelques kilomètres de la frontière avec la Pologne.

Dix jours plus tard, le ministère biélorusse de la Défense a fait savoir que Wagner venait de participer à des exercices avec des brigades mécanisées de ses forces terrestres… alors que, habituellement, de telles manoeuvres étaient menées conjointement avec l’armée russe.

D’où les inquiétudes exprimées par la Pologne… mais aussi par la Lituanie. Pour rappel, ces deux pays membres ont pour frontière commune le corridor stratégique de Suwalki, seul point d’accès des pays baltes au reste des pays de l’Otan et de l’Union européenne [UE].

« La situation devient de plus en plus dangereuse », a averti le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, lors d’une conférence de presse donnée à Gliwice, le 29 juillet. « Nous avons des informations selon lesquelles plus d’une centaine de mercenaires du groupe Wagner ont progressé en direction de la brèche de Suwalki, non loin de Grudno en Biélorussie. Cela rend la situation à la frontière encore plus menaçante », a-t-il poursuivi.

« Il est très probable qu’ils [les combattants de Wagner] se déguiseront en garde-frontières biélorusses et aideront les migrants illégaux à pénétrer sur le territoire polonais afin de déstabiliser la Pologne », a encore estimé M. Morawiecki. « Ils essaieront très probablement d’entrer en Pologne en se faisant passer pour des migrants illégaux, ce qui constitue une menace supplémentaire », a-t-il ajouté, insistant sur le risque d’actions « hybrides ».

C’est donc dans ce contexte que, le 1er août, deux hélicoptères des forces biélorusses – un Mi-24 « Hind » et un Mi-8 – ont été acccusés d’avoir violé l’espace aérien polonais.

« La violation a eu lieu dans la région de Bialowieza à très basse altitude, compliquant la détection par les radars », a expliqué le ministère polonais de la Défense, via un communiqué. « L’Otan a été informée de l’incident », a-t-il ajouté, avant de préciser que le chargé d’affaires de la Biélorussie serait convoqué par le ministère des Affaires étrangères.

Cet incident a incité le ministre polonais de la Défense à « augmenter le nombre de soldats à la frontièe et à allouer des ressources supplémentaires, dont des hélicoptères de combat ». Et le texte souligne que « la Russie et la Biélorussie ont récemment intensifié leurs activités hybrides contre la Pologne ».

Ce 2 août, le vice-ministre polonais de la Défense, Wojciech Skurkiewicz, a évoqué cet incident sur les ondes de Polskie Radio Program I. « Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’actions de provocation visant le flanc est de l’Otan et la Pologne », a-t-il dit, selon le site spécialisé Defence24. « Ce sont des situations qui ne devraient pas se produire, mais nous réalisons qui est notre adversaire au-delà de notre frontière orientale. […] C’est absolument dangereux. Si de telles situations se produisent et s’aggravent, nos actions seront adaptées aux menaces potentielles », a-t-il prévenu.

Cependant, Minsk a démenti toute violation de l’espace aérien polonais. Ces accusations « ont été faites par l’armée et les dirigeants politiques polonais pour justifier une nouvelle fois l’augmentation des forces et des moyens près de la frontière biélorusse », ont réagi les autorités biélorusses.

Cela étant, ce n’est pas la première fois que des hélicoptères des forces biélorusses « s’égarent » de la sorte. En août 2020, un Mil Mi-24 s’était aventuré « pendant quelques minutes » dans l’espace aérien de la Lituanie qui abritait alors des manifestations d’opposants au président Alexandre Loukachenko. À l’époque, Minsk avait nié toute violation… et même retourné l’accusation contre Vilnius.

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