Amiral Vandier : Prolonger le porte-avions Charles de Gaulle au-delà de 2038 « n’a pas de sens financièrement »

Lors de l’examen du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 au Sénat, un amendement a été adopté afin de demander au gouvernement de remettre au Parlement une étude sur « le coût et la viabilité du maintien en service après 2040 du porte-avions Charles de Gaulle à l’issue de son arrêt technique majeur prévu en 2028 ». Et cette disposition n’a pas été supprimée lors du passage du texte devant la Commission mixte paritaire [CMP].

Selon l’exposé des motifs, l’idée serait de permettre à la Marine nationale de pouvoir agir simultanément dans la région Indo-Pacifique et en Méditerranée grâce au « Charles de Gaulle » et au porte-avions de nouvelle génération [PANG].

« Le conflit russo-ukrainien a donné l’opportunité à la Chine de ne plus cacher ses ambitions territoriales sur Taiwan et d’accroître son influence dans le Pacifique sud. Aussi, la France doit pouvoir être présente dans cette région pour protéger ses intérêts et son territoire. Or, le fait de ne disposer que d’un porte-avions ne permet pas à la France de préserver ses intérêts. Effectivement, la maintenance et le déplacement de ce type d’équipement militaire nécessitent un temps long, ce qui ne permet pas d’être présent sur les deux zones », fit valoir le groupe « Socialiste, Écologiste et Républicain », à l’origine de cet amendement.

Seulement, lors d’une audition au Sénat [son compte rendu vient d’être publié, ndlr], le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Pierre Vandier, n’a pas semblé très enthousiaste à l’idée de prolonger la durée de vie opérationnelle du « Charles de Gaulle ».

« Le lancement du projet PA-NG est précisément motivé par la date limite de fonctionnement du Charles-de-Gaulle. Techniquement, c’est la durée de vie de la cuve du réacteur, dont la structure atomique évolue dans le temps à cause du flux neutronique, et les études de sûreté ne prévoient pas un fonctionnement au-delà de la fin de la décennie 2030 », a d’abord expliqué le CEMM. « Or, changer la cuve revient à refaire un bateau, ce qui n’a pas de sens financièrement », a-t-il ajouté.

Cependant, lors de la dernière audition au Sénat de Vincenzo Salvetti, le directeur des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables [DAM/CEA], le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, Christian Cambon, avait avancé qu’une telle opération pourrait coûter un milliard d’euros [en citant, d’ailleurs, l’amiral Vandier… mais le compte rendu n’en fait pas mention, ndlr].

Reste que M. Salvetti a fait part d’une position plus nuancée que celle de l’amiral Vandier au sujet de la cuve de chacun de deux réacteurs nucléaires K15 du « Charles de Gaulle ».

« Le prochain arrêt technique majeur du porte-avions débutera en avril 2027 et durera entre dix-huit et vingt-quatre mois. Le vieillissement des aciers de cuve d’un réacteur comme celui qui équipe le porte-avions Charles de Gaulle ne peut pas être simulé avec la connaissance que l’on a aujourd’hui. Le juge de paix sera le résultat des examens qui vont être réalisés lors de l’arrêt technique majeur. On pourra dire alors si on peut prolonger la durée de vie du porte-avions », a en effet expliqué le « patron » de la DAM aux sénateurs.

Cela étant, et si l’état des cuves le permet, il faudra changer les coeurs des chaufferies nucléaires. « Il faudra que l’on regarde comment intégrer la fabrication de deux coeurs supplémentaires dans le planning de fabrication. […] Rien n’est impossible, mais il faudra attendre le résultat des expertises, fin 2027 », a dit M. Salvetti.

Pour rappel, et outre cet amendement concernant l’éventuelle prolongation du « Charles de Gaulle », le projet de LPM 2024-30 adopté par le Parlement prévoit une étude sur ce que coûterait la construction d’un second porte-avions de nouvelle génération. Ce à quoi le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, ne s’est pas opposé lors des débats à l’Assemblée nationale.

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