À son tour, la Suisse veut rejoindre le projet allemand de bouclier anti-missile européen

En juin 2021, dans le cadre de son programme Air 2030, et afin de protéger surface d’au moins 15’000 kilomètres carrés, la Suisse a fait savoir qu’elle venait de choisir le système américain de défense aérienne Patriot PAC-3 aux dépens du SAMP/T [Sol-Air Moyenne Portée / Terrestre] franco-italien.

« Le système Patriot est le meilleur choix pour la Suisse. Il s’est démarqué pendant l’évaluation en affichant à la fois l’utilité la plus élevée et le coût d’acquisition et d’utilisation le plus bas. […] Au quotidien, il contribue à établir et à diffuser l’image de la situation aérienne. […] Sa capacité à durer est élevée, et sa distance d’engagement très importante, puisqu’elle dépasse largement cinquante kilomètres. Quant à l’altitude d’engagement, elle est
nettement supérieure à vingt kilomètres », a ensuite justifié le département fédéral de la Défense, de la protection de la population et des sports [DDPS].

Comprenant la livraison de cinq unités de tir et de missiles de type GEM-T [Guidance Enhanced Missiles] ainsi que des compensations industrielles, le contrat a été signé le 28 mars dernier, pour un montant de 1,2 milliard de dollars. « La Suisse rejoint désormais cette communauté mondiale d’utilisateurs de Patriot et bénéficiera d’une communauté, d’une coopération, d’une expérience et d’un partage des coûts inégalés tout au long du cycle de vie du système d’armes », a fait valoir Raytheon.

Pour autant, on considère, à Berne, que ces batteries Patriot ne seront pas forcément suffisantes… En effet, quelques jours après l’Autriche, la Suisse a fait part de son intention de rejoindre l’European Sky Shield Initiative [ESSI], un projet de bouclier anti-missile lancé en octobre dernier par l’Allemagne, dans le cadre de l’Otan.

Réunissant déjà dix-sept pays européens [dont 16 membres de l’Alliance et la Suède], l’ESSI vise à développer un système européen de défense aérienne via l’acquisition commune de capacités dédiées, dont les systèmes IRIS-T SLM [Diehl Defence], Arrow-3 [conçu par Israël avec une aide américaine] et… Patriot PAC-3. Et le SAMP/T n’a même pas été considéré… d’où les critiques contre ce projet formulées par la France, qui estime que des solutions européennes doivent être privilégiées.

À noter que l’Allemagne a déjà confirmé son intention de se procurer le système israélien Arrow-3 pour environ quatre milliards d’euros. Conçu par Israel Aerospace Industries [IAI] et Boeing, ce dernier est capable d’intercepter et de détruire des missiles balistiques lors de leur phase exo-atmosphérique grâce à un projectile cinétique [ou « kill vehicle »] grâce à un puissant radar « Super Green Pine » [fourni par Elta Systems] et à un système C4ISR appelé « Yellow Citron ».

Quoi qu’il en soit, la Suisse et l’Autriche signeront une lettre d’intention pour rejoindre le projet de bouclier anti-missile allemand lors d’une réunion prévue les 6 et 7 juillet à Berne.

« Une déclaration d’intention concernant l’acquisition commune d’un bouclier antimissile européen dans le cadre de l’initiative European Sky Shield ainsi qu’un accord visant à promouvoir la collaboration en matière de recherche dans le domaine de l’armement » seront signés à cette occasion, ont annoncé les autorités suisses, ce 4 juillet.

Et celles-ci d’ajouter : « Il est dans l’intérêt de la Suisse d’orienter plus systématiquement sa politique de sécurité et de défense vers la coopération internationale et d’augmenter ses contributions ».

Cette participation à l’ESSI ne remettrait pas en cause la neutralité de l’Autriche [par ailleurs membre de l’Union européenne depuis 1995] et de la Suisse. « Chaque pays peut définir dans quelle mesure il participe au projet », souligne-t-on a Berne.

D’ailleurs, « afin de tenir compte des restrictions liées au droit de la neutralité, la Suisse et l’Autriche ont inscrit leurs réserves dans une déclaration complémentaire, notamment en vue d’exclure toute participation ou collaboration à des conflits militaires internationaux », fait valoir le communiqué suisse.

De son côté, le DDPS explique que, « en tant qu’État neutre, la Suisse ne prend pas part aux conflits armés, n’offre aucun soutien militaire » aux belligérants et « ne fait partie d’aucune alliance défensive ». Cela étant, poursuit-il, « en cas d’attaque armée visant la Suisse, celle-ci peut se défendre seule ou avec d’autres États, car dans ce cas les devoirs de neutralité deviennent caducs ».

illustration : Raytheon

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