Vols dangereux, drone visé : En Syrie, la tension entre les forces américaines et russes est encore montée d’un cran

Alors qu’elle est en train de normaliser ses relations avec les pays arabes après avoir été mis à l’index depuis 2011, la Syrie se trouve toujours dans une situation compliquée, avec la menace d’une intervention militaire turque contre les milices kurdes syriennes [YPG], la présence de groupes armés liés à l’Iran [visés régulièrement par des frappes aériennes israéliennes] et la persistance d’organisations jihadistes, à commencer par l’État islamique [EI ou Daesh]

Ainsi, ce mois-ci, la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis [opération Inherent Resolve – OIR] a mené au moins deux opérations contre des responsables de haut rang de Daesh. Le 4 avril, une frappe américaine a éliminé un certain Khaled Aydd Ahmad al-Jabouri, décrit comme étant le « responsable de la planification d’attaques de l’EI en Europe ». Puis, deux semaines plus tard, un raid héliporté – également américain – a visé un autre cadre de l’organisation dans la région de Soueida, c’est à dire dans une zone contrôlée par des groupes armés par la Turquie.

La persistance de la menace jihadiste et la nécessité de soutenir les Forces démocratiques syriennes à dominante kurde [FDS], qui tinrent un rôle crucial lors des opérations contre l’EI, justifient le maintien de 900 militaires américains dans l’est de la Syrie [où, probablement que des forces spéciales françaises et britanniques sont encore présentes]. Or, ceux-ci sont régulièrement visés par des attaques lancées par les groupes soutenus par l’Iran… et intimidés par les forces russes, auxquelles le régime syrien fit appel en 2015 pour rétablir ses positions face à la rebellion qui le contestait.

À cette époque, la coalition anti-jihadiste et l’état-major russe s’étaient mis d’accord sur des mesures dites de « déconfliction » afin d’éviter tout incident. Seulement, depuis le début de la guerre en Ukraine, les Russes prennent de plus en plus de libertés avec celles-ci… Du moins, c’est ce qu’affirme le Pentagone.

En effet, en septembre dernier, le général Alexus G. Grynkewich, le commandant des forces aériennes relevant du commandement américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale [AFCENT], avait expliqué que les chasseurs-bombardiers russes survolaient sans prévenir les positions tenues par la coalition en Syrie. « Avant, ils nous passaient un coup de fil. Maintenant, ils ont cessé de le faire », avait-il confié.

Puis lors d’une audition parlementaire, en mars, le général Erik Kurilla, le « patron » de l’US CENTCOM, évoqua une hausse « significative » des vols militaires russes « agressifs » au-dessus des bases américaines en Syrie. « Nous avons constaté un pic important depuis le 1er mars », avait-il dit, parlant de « comportement non professionnel et dangereux des forces aériennes russes dans la région ».

Selon un porte-parole de l’AFCENT, le capitaine Lauren T. Linscott, 63 survols [dont 26 armés] ont été constatés au 19 avril.

Alors que, selon des informations provenant de la fuite de documents confidentiels provenant du Pentagone et cités par le Washington Post, le renseignement militaire ukranien aurait planifié des attaques contre les forces russes présentes en Syrie, la tensions est encore monté d’un cran.

Ainsi, en novembre 2022, un drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9 Reaper aurait été « manqué » par un missile tiré par un système russe de défense aérienne Pantsir S1 [ou SA-22 Greyhound] alors qu’il volait dans l’est de la Syrie. Cet incident a été confirmé par un responsable américain auprès d’Air & Space Forces Magazine, le 20 avril.

Mais c’est surtout dans le ciel syrien que la cohabitation entre avions russes et américains semble désormais plus compliquée. L’incident le plus récent est survenu le 18 avril, quand un chasseur-bombardier russe s’est aventuré dans l’espace aérien contrôlé par la coalition anti-jihadiste pour survoler des positions américaines.

« Des avions de combat de l’US Air Force ont décollé depuis des bases aériennes situées dans la région et ont intercepté le chasseur russe », a relaté l’AFCENT. « Pendant l’interception, le pilote russe a manœuvré de manière non professionnelle à moins de 2’000 pieds [600 mètres] d’un avion américain, violant les protocoles de déconfliction », a-t-il ajouté. Une vidéo de l’incident a d’ailleurs été rendue publique.

Deux autres incidents de même nature ont été rapportés par l’AFCENT. Le premier a eu lieu le 2 avril, quand un Su-35 s’est approché d’un F-16 américain d’une manière jugée « agressive ».

« Cet incident fait suite à un schéma d’actions dangereuses de la part de pilotes russes lors d’interactions avec des avions américains et de la coalition. Ces actions agressives des équipages russes démontrent un manque de compétence et pourraient conduire à des erreurs de calcul et à une escalade involontaire », a d’ailleurs fait valoir l’AFCENT, dans un commentaire accompagnant une vidéo de cette « rencontre ».

Quant au second, il a concerné le chef de l’AFCENT. Le 4 avril, celui-ci a pris les commandes d’un F-16 du 77th Expeditionary Fighter Squadron pour se rendre compte par lui-même du comportement des Russes en Syrie. « Il est essentiel pour moi […] d’avoir la plus grande conscience possible des défis auxquels nos combattants sont confrontés dans les airs », a-t-il confessé auprès d’Air&Space Forces Magazine.

« Nous avons vu des avions russes s’approcher à moins de 500 pieds [150 mètres] de notre avion », a ensuite affirmé le général Grynkewich. « Au cours de ma carrière, je n’ai pas vu ce genre de mépris pour les protocoles convenus et les règles de déconfliction », a-t-il par ailleurs insisté.

Aussi, « en tant que force aérienne professionnelle, nous ferons tous ce qui est en notre pouvoir pour assurer la sécurité des vols. Cependant, si une entité menace la sûreté et la sécurité des forces de la coalition dans le ciel ou au sol, nous prendrons des mesures rapides pour faire face à la menace », a-t-il prévenu.

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