Un lauréat des « Galons de la BD » inflige un camouflet au ministère des Armées

En 2021, au titre de sa « modernisation » et de sa « politique d’ouverture », le ministère des Armées a créé son propre « grand » prix de la bande dessinées, les « Galons de la BD », doté de 6000 euros. Pour l’édition 2023, une première sélection a été faite parmi cent titres proposés par trente-cinq maisons d’édition. Signe que le monde militaire et l’histoire sont toujours des sources d’inspiration.

Les bandes dessinées sont « un outil de savoir et de transmission. Elles ont comme particularité de rendre accessible l’Histoire, mais aussi l’engagement des Armées dans les conflits modernes », a ainsi fait valoir Patricia Miralles, la secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, à l’occasion de la cérémonie de remise des prix de ce concours, organisée le 12 avril à l’Hôtel de Brienne.

Parmi les titres en compétition, « Les Compagnons de la Libération : L’île de Sein« , « Le Petit Théâtre des opérations – tome 02 » ou encore « 40 hommes et 12 fusils : Indochine 1954 » avaient apparemment toutes les chances de séduire le jury, composé de douze personnalités du milieu de la BD. Il n’en a rien été puisque celui-ci a choisi de distinguer « Un général des généraux », qui avait été très bien accueilli par la presse au moment de sa sortie.

Son dessinateur, François Boucq, s’est dit surpris d’avoir obtenu ce prix.

« Je ne m’y attendais pas : qu’un album comme celui-ci, malmenant gentiment les militaires puisse être récompensé par le Prix du ministère des Armées. Cela me réconcilie avec mon idée des armées. Je vois avec plaisir qu’il y a aussi de l’humour dans ce ministère », a-t-il en effet déclaré. Mais son scénariste, Nicolas Juncker, ne partage pas ce point de vue.

« Puisqu’on me force à sortir de ma retraite… Il y a des prix qui font plaisir, d’autres moins. ‘Un général des Généraux’ vient de recevoir le Grand Prix des ‘Galons de la BD’ 2023. Depuis deux ans, le Ministère des Armées remet donc des prix : les ‘Galons de la BD’ (sic). Le Grand Prix, doté de 6000 euros, est censé récompenser une bande dessinée traitant des ‘liens qui unissent un peuple à son armée’ (re-sic). Seulement voilà. Si d’autres auteurs autrices ont parfaitement le droit de se réjouir d’une telle récompense, en ce qui me concerne, pour des raisons personnelles, morales, politiques, qui ne regardent que moi : il m’est impossible d’accepter ce prix en l’état », a en effet réagi M. Juncker, via sa page Facebook, le 14 avril.

Et d’annoncer dans la foulée qu’il reversera « intégralement » les 3000 euros qui lui reviennent à une « caisse de solidarité avec les grévistes contre la réforme des retraites » ainsi qu’à une « caisse de soutien aux victimes des violences militaires de Sainte Soline ».

« Que par mon maigre biais, le ministre des Armées soutienne financièrement ces causes, en se demandant, peut-être, comment rétablir les ‘liens qui unissent un peuple à son armée’ plutôt que de chercher à les détruire, voilà qui ne pourrait que me réconforter », a conclu le scénariste.

Pour rappel, le 25 mars dernier, 6000 à 8000 personnes, dont un millier appartenant à des mouvements extrémistes [mouvance antifa, des anarcho-autonomes et des extrémistes écologistes, etc], se sont retrouvées à Sainte Soline pour manifester contre un projet de « méga-bassines », ce qui donna lieu à de violents affrontements avec les gendarmes mobiles, lesquels ont été exposés à des jets de grosses pierres et de cocktails Molotov ainsi qu’à des tirs de mortiers. Depuis, les polémiques ne désenflent pas.

Quoi qu’il en soit, le ministère des Armées était prévenu… Lors de la première édition des « Galons de la BD », M. Juncker avait obtenu le retrait de l’une de ses oeuvres de la liste des albums sélectionnés.

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