Les enjeux de la prochaine Loi de programmation militaire : La Marine nationale
La prochaine Loi de programmation militaire (LPM), en cours d’élaboration, aura des « enjeux déterminants, presque existentiels pour la Marine », selon l’amiral Christophe Prazuck, son chef d’état-major.
Or, la trajectoire financière de cette future LPM a déjà été fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), lequel prévoit d’augmenter le budget du ministère des Armées de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022, avec une prise en charge croissante du surcoût des opérations extérieures, à hauteur de 1,1 milliard d’euros en 2020, contre 450 millions actuellement.
D’où la question de savoir si cet effort sera suffisant pour répondre aux besoins exprimés par les trois armées, les directions et les services.
S’agissant de la Marine nationale, la première priorité est de combler les ruptures capacitaires actuelles, qui, de temporaires, risquent de devenir définitives. Sur ce point, l’amiral Prazuck a cité le programme BATSIMAR (Bâtiments de surveillance et d’intervention maritimes), lequel doit permettre de remplacer les avisos et les patrouilleurs, dont certains ont près de 40 ans de service au compteur.
Déjà reporté à plusieurs reprises, le programme BATSIMAR ne peut plus attendre. « Notre ZEE [Zone économique exclusive, ndlr] doit être surveillée, sauf à être pillée et contestée », ne cesse de répéter l’amiral Prazuck, comme le firent ses prédécesseurs. Or, si rien n’est fait, outre-Mer, la Marine n’aura plus que 2 patrouilleurs au lieu de 8 en 2021.
Sur ce point, la Marine nationale a fait des concessions. « J’avais initialement l’intention de remplacer les patrouilleurs métropolitains et les patrouilleurs outre-mer par une même classe de bateau. Je n’y parviens pas. Ce serait trop cher, me dit-on », a expliqué l’amiral Prazuck, lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Et d’ajouter : « Je propose donc de déployer outre-mer des bateaux deux à trois fois moins chers, pour les avoir plus vite. Je suis donc prêt à échanger du niveau de spécification contre un raccourcissement des délais. J’espère que cela va fonctionner. »
Le remplacement des pétroliers-ravitailleurs, anciens et qui plus est dotés d’une simple coque, est tout aussi urgent. Or, il a été décalé de 2016 à 2021…
En outre, la Marine nationale sera attentive au programme d’hélicoptère interarmées léger (HIL), pour lequel le H-160 d’Airbus Helicopters a été choisi en mars dernier. Cet appareil devra remplacer les Dauphin SP, les Panther et les Alouette III (entrées en service dans les années 1960).
La seconde priorité de l’amiral Prazuck est de revoir à la hausse le format de la Marine, qui dépasse actuellement largement ses contrats opérationnels. Aussi, attend-elle que les moyens qui lui seront alloués soient « de nouveau en cohérence avec ses missions. »
Au-delà des conséquences que cela peut supposer un réhaussement du format au niveau des ressources humaines, il s’agit de porter le nombre de frégates de premier rang de 15 à 18. « J’en ai actuellement 17 et je n’arrive pas à faire tout ce que je devrais faire avec ce nombre », a souligné l’amiral Prazuck, qui souhaite également revoir à la hausse le nombre d’avions de patrouille maritime Atlantique 2 modernisés (18 au lieu de 15) et celui des patrouilleurs (là aussi, 18 au lieu de 15).
Le troisième enjeu « déterminant » porte sur le nouveau porte-avions (c’est à dire le successeur du Charles-de-Gaulle).
« C’est une capacité qui peut entraîner nos alliés, notamment nos partenaires européens. Au cours des années qui viennent, nous devrons rassembler les éléments techniques, budgétaires, financiers et opérationnels pour décider de la construction du nouveau porte-avions », a expliqué l’amiral Prazuck. Mais cela suppose une réflexion sur les aéronefs que ce bâtiment pourra emporter, dont les drones de combat.
Enfin, la dernière priorité de l’amiral Prazuck concerne les ressources humaines. « Des efforts très significatifs ont été consentis ces deux dernières années. Partout en Europe je vois des marines qui souffrent dans ce domaine : des frégates et des sous-marins restent à quai, faute d’équipage suffisant. Nous n’en sommes pas là, mais c’est pour moi un point de vigilance et nous devons rester attentifs à tout indice qui montrerait des difficultés de recrutement et de fidélisation », a-t-il expliqué, avant de souligner que « l’attractivité, la fidélisation et le maintien des compétences sont des enjeux majeurs. »