Le commandant Hélie Denoix de Saint Marc élevé à la dignité de Grand’Croix de la Légion d’Honneur
Le commandant Hélie Denoix de Saint Marc, 89 ans, a reçu des mains du président Sarkozy les insignes de Grand’Croix de la Légion d’Honneur, à l’occasion de la traditionnelle prise d’armes d’automne, ce 28 novembre.
Quoi que l’on puisse penser du choix fait par cet homme au moment de l’affaire algérienne, c’est un grand soldat qui vient d’être ainsi distingué. Engagé dans la Résistance en 1941 au sein du réseau Jade-Arnicol dès l’âge de 19 ans, il est arrêté deux ans plus tard à Perpignan, suite à une trahison.
Déporté en Allemagne, Hélie de Saint Marc survit à l’inhumanité des camps de concentration nazis. « Le Dieu de nos pères était absent de la planète Buchenwald. Les justes mouraient comme des chiens, malgré une générosité et une noblesse dans l’épreuve sans limite. (…) C’était un monde totalitaire, un système déserté par toute transcendance. Le mal n’était pas un scandale, mais la règle commune. Dans ma chute, j’ai éprouvé la validité de quelques attitudes éthiques élémentaires : refuser la lâcheté, la délation, l’avilissement. J’ai compris qu’un homme réduit à sa plus simple expression pouvait l’emporter sur les puissances du mal tout simplement en résistant » écrira-t-il plus tard, dans ses mémoires (« Mémoire : Les champs de braises« ).
Revenu du camp de concentration de Langenstein dans un état de santé très précaire – il est l’un des 30 survivants d’un convoi de 1.000 déportés – Hélie de Saint Marc profite d’une disposition offerte aux anciens résistants pour intégrer l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr. A l’issue de sa scolarité, il choisit la Légion étrangère.
Envoyé en Indochine, il est affecté à un poste situé près de Talung, à la frontière chinoise, où il forme des partisans. Mais 8 mois plus tard, il reçoit l’ordre d’évacuer le village, le laissant ainsi aux représailles du Vietminh. Il ressentira cet abandon comme une honte, qui expliquera d’ailleurs ses choix futurs.
Car c’est en Algérie que la vie du commandant de Saint-Marc va basculer. Précisément le 21 avril 1961, où, à la tête du 1er Régiment Etranger Parachutiste (REP), il prend part au putsch des généraux Challe, Zeller, Jouhaud et Salan à Alger.
« Pendant que le général Challe me parlait, je revoyais un poste de bambou en haute région, le jour de 1948 où j’avais accepté de former des partisans à Talung. J’ai senti de nouveau le souffle de la honte. Je ne pouvais pas refuser d’entrer dans la révolte. Un homme qui trahit sa parole sans pouvoir faire autrement est un vaincu. Un homme qui trahit d’autres hommes en toute conscience est un criminel. J’ai préféré le crime de l’illégalité au crime de l’inhumanité » expliquera-t-il dans ses mémoires. Et son choix de rejoindre les putschistes a donc été motivé par son refus d’abandonner les Algériens restés fidèles à la France, quitte même jusqu’à se battre sous son drapeau
Seulement, le putsch est un échec. Le 1er REP est alors dissous. Et le commandant de Saint Marc est condamné à 10 ans de réclusion. Alors qu’il est en détention à Tulle, où il côtoie d’ailleurs le commandant Pierre Guillaume, qui inspirera plus tard, à Pierre Schoendoerffer, le personnage du « Le Crabe-Tambour« , il est gracié par le général de Gaulle en décembre 1966.
Mis sur le pavé, il refuse les offres de mercenariat et entame une carrière dans l’industrie, grâce à l’aide d’un ancien déporté. Ce n’est qu’en 1978 que le commandant de Saint Marc sera réhabilité par le président Giscard d’Estaing.
Pour conclure sur ce grand soldat, une phrase trouvée dans ses mémoires : « L’honneur est un acte de pauvre. Il suppose le dépouillement. Il impose de tout mettre en péril pour ne pas déchoir : garder le silence sous la torture, choisir l’exil, le dénuement ou la prison plutôt que la soumission, risquer sa vie pourplus grand que soi. La taoïsme dit : Pratique l’honneur et ne te retourne jamais. Je ne me suis jamais retourné sur le putsch. »
Pour aller plus loin : Le commandant de Saint Marc a écrit plusieurs ouvrages, dont « Les sentinelles du soir » et « L’aventure et l’espérance«