L’Inde aux prises avec une puissante guérilla maoïste
L’accent est souvent mis sur les menaces extérieures que doit affronter l’Inde. Pour y faire face, l’armée indienne a récemment révisé sa doctrine militaire en mettant en avant une stratégie dite de double front, qui doit lui permettre de faire face à la fois à Chine, vue comme une ennemie potentielle en raison de son intérêt pour les eaux du Bramapouthre, et au Pakistan, l’adversaire de toujours à cause du différend au sujet du Cachemire, source de risques terroristes, comme les attentats de Bombay l’ont démontré en novembre 2008.
Mais la plus grande menace qui pèse sur l’Inde ne vient sans doute pas de l’extérieur. En effet, le pays est confronté depuis une quarantaine d’année à un mouvement maoïste qui prend de plus en plus d’ampleur depuis 2004, année à partir de laquelle il rassemble deux organisations, le People’s War Group et la People’s Liberation Guerrilla Army of the Maoist Communist Centre of India.
L’activisme grandissant de ce mouvement a été qualifié, en 2006, de « plus grand défi pour la sécurité intérieure qu’ait jamais dû relever » l’Inde par le Premier ministre indien Manhmohan Singh. Les affrontements entre les forces de sécurité et les rebelles maoïstes ont fait 721 tués en 2008 et près de 600 pour l’année suivante.
Les foyers d’agitation entretenus par la rébellion, appelée naxaliste par analogie avec le nom du village de Naxalbari (Bengale occidentale) où elle a été créée en 1967 par Charu Mazumdar, se situent le long du « corridor rouge », qui passe par le nord et l’est du pays.
Historiquement, cette insurrection a commencé dans les Etats de Jarkland et Chhattisgargh, avant de s’étendre au Bengale occidental, puis au Bihar, l’Orissa, l’Andhra Pradesh, le Madhya Pradesh et le Maharashtra. Actuellement, les rebelles maoïstes, dont les effectifs combattants sont estimés entre 10.000 et 20.000 hommes, seraient présents dans 200 districts sur 640, où ils ont établi une administration parallèle et collectent un impôt « révolutionnaire » pour certains d’entre eux.
Cela s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, le foyer de la rébellion est une région riche en ressources minérales qui ont attiré de grandes compagnies indiennes pour les exploiter. Seulement, les populations locales n’ont pas profité de cette manne : elles ont été, pour la plupart, expropriées.
Deuxième raison : le mouvement prospère dans des zones plutôt rurale qui ne sont pas ou peu concernées par le développement économique de l’Inde. D’où des tensions sociales sur lesquelles les maoïstes peuvent jouer.
Enfin, les rebelles, qui dénoncent l’ordre « semi-féodal » en Inde, bénéficient d’un a priori positif parmi les « intouchables » et les castes dites « inférieures » qui font partie de l’organisation sociale indienne, basée sur des motifs religieux.
Cela étant, et pour contrer cette expansion maoïste, New Delhi a lancé l’offensive « Green Hunt », à la fin de l’année 2009. Malgré le fait que cette insurrection est prise très au sérieux par le gouvernement indien, cette opération ne mobilise pas l’armée mais des paramilitaires, le plus souvent mal équipés et ne disposant pas des moyens nécessaires pour accomplir leurs missions.
Cela explique, en partie, le massacre de 76 membres d’une patrouille de la Force centrale de la police de réserve (CRPF) cette semaine, dans une embuscade tendue par les rebelles maoïstes, dont les méthodes s’inspirent d’ailleurs de celles employées avec succès par leurs homologues népalais, qui ont fini par prendre le pouvoir.
Ce grave revers, qui a eu lieu dans l’Etat de Chhattisgarh, montre, en tout les cas, que l’opération Green Hunt est, pour le moment, inefficace à contrer les rebelles maoïstes. « Si l’Inde continue de perdre des batailles, c’est la guerre qu’elle risque de perdre » a estime le quotidien Hindustan Times.
Pour le moment, le gouvernement indien a indiqué être à l’écoute de la « colère du peuple » mais n’a pas annoncé de mesures pour la calmer. En attendant, et selon le ministre de l’Intérieur, P. Chidambaram, la lutte contre cette rébellion pourrait prendre « deux à trois ans, voire plus ». A condition d’y mettre les moyens, ce qui est certes nécessaire, pas sans doute pas encore suffisant.