L’escalade militaire entre les rebelles yéménites et les Émirats arabes unis peut concerner les forces françaises

Jusqu’à présent, les Émirats arabes unis ont été relativement épargnés par les rebelles Houthis, lesquels ont en revanche multiplié les attaques depuis le Yémen contre l’Arabie Saoudite, notamment avec des drones kamikazes et des missiles balistiques de conception iranienne.

Et cela, au point que les forces saoudiennes manquent désormais de missiles intercepteurs pour leurs batteries de défense aérienne Patriot. En outre, en novembre 2021, l’administration américaine a approuvé la vente à Riyad de 280 missiles air-air AIM-120C AMRAAM [Advanced Medium Range Air-to-Air Missiles] supplémentaires pour 650 millions de dollars, en justifiant que de telles munitions « jouent rôle clé dans l’interception des multiples attaques de drones » visant le royaume.

Pour rappel, l’Arabie Saoudite a pris la tête d’une coalition arabe – à laquelle participent les Émirats arabes unis – pour soutenir les forces gouvernementales yéménites contre les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran.

En septembre 2019, alors qu’ils venaient de revendiquer l’attaque contre les installations pétrolières saoudiennes d’Abqaiq et de Khurais, pourtant éloignées de leurs bases, les Houthis réaffirmèrent leur menace de s’en prendre aux Émirats arabes unis, alors que ceux-ci avaient annoncé, quelques semaines plus tôt, une réduction de leur engagement militaire au Yémen.

« Nous annonçons […] que nous avons des dizaines de cibles aux Émirats arabes unis, dont Abu Dhabi et Dubaï, et qu’elles peuvent être ciblées à tout moment », avait ainsi affirmé Yahiya Saree, le porte-parole des Houthis. « Si vous voulez la paix et la sécurité pour vos installations et pour vos tours de verre qui ne peuvent résister à un drone, alors laissez le Yémen tranquille », avait-il continué.

Depuis, les Émirats arabes unis ont de nouveau renforcé leur participation à la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite, notamment en soutenant les forces pro-gouvernementales, comme la « Brigade des Géants » [Al Almaliqah]. La semaine passée, et avec ce soutien, celles-ci ont annoncé avoir repris la totalité de la province pétrolifère de Shabwa, alors tenue par les Houthis.

Aussi, le 3 janvier, les rebelles yéménites s’en sont pris aux intérêts émiratis en arraisonnant le cargo « Rwabee », au large du port de Hodeïda, à l’ouest du Yémen. Selon Abu Dhani, le navire transportait du matériel pour un « hôpital de campagne ». Ce qu’ont contesté les Houthis, ceux-ci assurant que ses soutes contenaient des équipements militaires.

Cela dit, ce n’était pas la première fois que les rebelles yéménites s’en prenaient à un navire battant pavillon émirati : en 2016, un catamaran HSV-2 Swift exploité par la National Marine Dredging Company, enregistrée aux Émirats arabes unis, avait, avait ainsi été gravement endommagé par un missile anti-navire, vraisemblement de type Noor, soit une version iranienne du C-802 chinois.

Mais, le 17 janvier, les Houthis ont fini par mettre leurs menaces à exécution. Du moins, c’est ce qu’ont suggéré leurs responsables, en revendiquant une attaque ayant fait trois morts et six blessés dans les environs d’Abu Dhabi. Ainsi, trois camion-citernes ont explosé alors qu’ils se trouvaient « près des réservoirs de stockage » de la compagnie pétrolière Adnoc, se trouvant dans une zone industrielle implantée à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de la capitale émiratie. Par ailleurs, un « incendie mineur » s’est dans le même temps déclenché dans un secteur de l’aéroport international de la ville, sans faire de victimes, cette fois.

Les autorités émiraties ont expliqué que les explosions et l’incendie avaient été « probablement » causé par des « drones ». Ce qui suppose que ces engins ont survolé le territoire saoudien sans être repérés avant d’atteindre Abu Dhabi… À moins qu’ils n’aient pas été lancés depuis le Yémen…

Plus tard, Abdellilah Hajar, un responsable des rebelles yéménites, a expliqué que ces attaques étaient un « avertissement clair » adressé aux Émirats arabes. Si ceux-ci « continuent d’agresser le Yémen, ils ne seront pas en mesure à l’avenir de supporter des frappes douloureuses », a-t-il confié à l’AFP. Cela étant, les Houthis ont par la suite annoncé le lancement de l’opération « Ouragan du Yémen », assurant avoir visé Abu Dhabi avec des « missiles balistiques et des drones ». Et leur porte-parole d’ajouter : « Nous prévenons les entreprises étrangères, les citoyens et les résidents de l’État ennemi des Émirats qu’ils devraient se tenir éloignés des sites vitaux pour leur propre sécurité ».

Reste que, en réponse, la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite a mené un raid aérien contre Sanaa, le bastion des rebelles yéménites, dans la nuit du 17 au 18 janvier. Plus tôt, les Émirats avaient promis de « riposter » à « l’attaque infâme » dont ils venaient de faire l’objet.

Cette « escalade » risque de concerner la France. D’où, d’ailleurs, la réaction de Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, pour qui les attaques contre Abu Dhabi « menacent la sécurité du territore des Émirats et la stabilité de la région ».

Quant au président Macron, il a dit « condamner fermement les attaques dont a été victime Abou Dhabi aujourd’hui [le 17/01], et apporte son soutien aux Émirats arabes unis ».

Or, la France et les Émirats arabes unis sont liés par un accord de défense signé en 2009. Et, dans son article 4, celui-ci précise que le « gouvernement de la République française s’engage à participer à la défense de la sécurité, de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de l’État des Émirats arabes unis » et « à déployer les moyens et dispositifs définis en commun de nature à dissuader tout État qui tenterait de menacer la sécurité, la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’État des Émirats arabes unis ».

En clair, avait expliqué un rapport du Sénat publié en vue de l’approbation de cet accord, cet article 4 « prévoit une réponse graduée à tout type de menace, pouvant aller jusqu’à l’engagement de nos forces, ce qui signifie que, dans l’hypothèse […] où les Émirats arabes unis seraient soumis à une menace portant sur leurs intérêts vitaux, mettant en cause leur souveraineté nationale, la France pourrait être amenée à un engagement militaire. S’attaquer aux Émirats signifierait s’attaquer à la France ».

Et d’ajouter : « Le gouvernement fait ainsi le pari que la présence dans le golfe Persique sera dissuasive. Elle le sera d’autant plus que la Grande-Bretagne et les États-Unis sont déjà liés avec les Émirats par des accords secrets du même type et assurent une présence bien visible ».

Pour rappel, aux Émirats arabes unis, les forces françaises disposent de base aérienne 104, à al-Dhafra, d’une base navale dans le port de Mina Zayed et d’un groupement tactique interarmes [GTIA] blindé basé à Zayed Military City, à environ 65 km d’Abu Dhabi. En décembre 2021, le gouvernement émirati a passé une commande de 16 milliards d’euros auprès de la France afin de se procurer 80 avions Rafale et 12 hélicoptères Caracal.

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