Washington met en garde Bamako contre la tentation de faire appel à la société militaire privée russe Wagner

Depuis la mi-septembre, il est prêté l’intention au gouvernement de transition malien de recourir aux services de la société militaire privée [SMP] russe Wagner, dont l’un des principaux actionnaires, Evgueni Prigojine a ses entrées au Kremlin. Selon des détails livrés par Reuters, Bamako envisagerait en effet de signer un accord prévoyant le déploiement d’un millier de mercenaires russes en échange d’une rétribution d’environ 9 millions d’euros par mois et d’un accès à trois gisements miniers.

Dans un premier temps, les autorités maliennes de transition ont parlé de « rumeurs » s’inscrivant dans le cadre d’une « campagne de dénigrement ». Mais elles ont fini par admettre à demi-mots qu’elles cherchaient l’appui « d’autres partenaires » afin de « mieux assurer la sécurité de manière autonomie ». Et cela, alors que la France avait annoncé, en juin, la réorganisation de son dispositif militaire au Sahel, avec le retrait de ses troupes jusqu’alors déployées dans le nord du Mali.

Puis, le ministre russe des Affaires étrangères, n’a pas écarté un éventuel recours de Bamako à la SMP Wagner [ou à une autre société russe]. « Les autorités maliennes se sont tournées vers une société militaire privée russe parce que, si je comprends bien, la France veut réduire significativement ses forces militaires qui devaient combattre les terroristes à Kidal », a-t-il en effet résumé, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. « Tout cela se fait sur une base légitime, entre un gouvernement légitime, reconnu par tous et des entités qui fournissent des services à travers des spécialistes étrangers », a-t-il ensuite ajouté, assurant que Moscou n’avait « rien à voir avec cela ».

Quoi qu’il en soit, pour les pays européens engagés militairement contre les groupes jihadistes présents Mali, en particulier via le groupement de forces spéciales Takuba, toute intervention de la SMP Wagner aurait pour conséquence le retrait de leurs troupes.

Lors du dernier Forum international de Dakar sur la paix, la ministre française des Armées, Florence Parly, a répété l’opposition de Paris à l’arrivée éventuelle de la SMP Wagner au Mali. « Aujourd’hui, je ne pense pas qu’ils [les mercenaires russes] soient à Bamako, mais cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas une intention de la part des autorités maliennes actuelles de les y faire venir », a-t-elle dit, lors d’un entretien donné à RFI et à France24, le 6 décembre.

Si la France est hostile à tout accord entre Bamako et la SMP Wagner – et M. Macron aura l’occasion de le dire de vive voix au colonel Assimi Goïta, le président malien de transition, lors de son prochain déplacement au Mali, le 20 décembre – les États-Unis ont également fait part de leurs sérieuses préoccupations.

Ainsi, dans un communiqué publié le 15 décembre, le porte-parole du département d’֤État, Ned Price, a fait savoir que les autorités américaines sont « alarmées » par un « déploiement potentiel de forces du groupe Wagner, soutenues par la Russie, au Mali », notamment sur les aspects financiers.

En effet, pour la diplomatie américaine, les sommes que dépenserait Bamako pour payer Wagner [le chiffre de 10 millions de dollars par mois est avancé dans le communiqué] pourraient être mieux utilisées, notamment au profit des forces armées maliennes [FAMa] et des services publics.

« Nous exhortons le gouvernement de transition du Mali à ne pas détourner les maigres ressources budgétaires des Forces armées maliennes pour lutter contre le terrorisme. La richesse du pays – y compris les concessions minières – devrait profiter au peuple malien et ne pas être hypothéquée par des forces étrangères irresponsables qui abusent des populations locales et sapent l’autorité des pays hôtes sur leur propre territoire », fait valoir le département d’État.

Et celui-ci d’insister : « Les pays qui connaissent des déploiements du groupe Wagner à l’intérieur de leurs frontières se retrouvent rapidement appauvris, affaiblis et moins sûrs. ».

« Nous exhortons le gouvernement de transition du Mali à ne pas détourner les maigres ressources budgétaires de la lutte contre le terrorisme menée par les forces armées maliennes. Les richesses du pays, y compris les concessions minières, devraient revenir au peuple malien et ne pas être hypothéquées au profit de forces étrangères qui n’ont aucun compte à rendre et qui ont l’habitude d’abuser des populations locales et de compromettre le contrôle que les pays hôtes exercent sur leur propre territoire », affirme la diplmatie américaine.

Et de rappeler la situation en République centrafricaine où « des éléments de Wagner ont perpétré des exécutions extrajudiciaires de membres de communautés peules majoritairement musulmanes ».

Sur ce point, en particulier dans le centre du Mali, des tensions interethniques, opposant Peuls et Dogons, donnent régulièrement lieu à des flambées de violence, attisées par les groupes armés terroristes [GAT], dont la Katiba Macina. Celle-ci cherche principalement à recruter au sein de la communauté peule. Et, ces derniers mois, les FAMa ont été accusées à plusieurs reprises d’y avoir commis des exactions…

Enfin, le département d’État révèle que Bamako a refusé d’accepter le renforcement, à hauteur de 2’000 militaires et policiers, de la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA], alors que cela « aurait contribué à la protection des civils sans coût supplémentaire ».

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