Des débris du satellite détruit par une arme russe se trouvent à des « distances assez proches » de certains moyens spatiaux français

Mis en orbite par l’Union soviétique en 1982, le satellite Cosmos-1408, dédié au recueil de renseignements d’origine électro-magnétique, fut désintégré par un missile antisatellite à ascension directe [ASAT] russe alors qu’il évoluait à environ 485 km d’altitude, le 15 novembre dernier.

Peu après, la Nasa estima que les débris de l’engin ainsi détruit pouvaient porter atteinte à la sécurité de Station spatiale internationale [ISS], au point de demander à ses occupants [quatre Américains, un Allemand et deux Russes, ndlr] de se réfugier dans les capsules Crew Dragon et Soyouz.

À Moscou, après un temps de flottement, le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou confirma que Cosmos-1408 avait été détruit par une ASAT russe, allant jusqu’à qualifier le test dont elle venait faire l’objet de « bijou ». Et de dénoncer les « accusations hypocrites » de Wahington au sujet de l’importance du danger provoqué par les débris générés. « Les Etats-Unis savent pertinemment que ces fragments […] ne présenteront aucune menace », fit-il valoir.

Cela étant, les États-Unis, qui disposent aussi d’armes antisatellites, comme, du reste, la Chine et l’Inde, ne furent pas les seuls à dénoncer cet essai russse. « L’Espace est un bien commun, celui des 7,7 milliards d’habitants de notre planète. Les saccageurs de l’Espace ont une responsabilité accablante en générant des débris qui polluent et mettent nos astronautes et satellites en danger », dénonça en effet Florence Parly, la ministre française des Armées.

Justement, l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], via son Commandement de l’Espace [CdE] aura été aux « premières loges » pour assister à la destruction de Cosmos-1408. C’est en effet ce qu’a déclaré son commandant, le général Michel Friedling, lors d’une audition au Sénat, le 15 décembre.

« L’essai russe n’a pas été une surprise. Nous savions depuis quelques années que les Russes développaient un système de ce type. […] Ils avaient déjà effectué une dizaine de tentatives sur une période de cinq ans, que nous avions surveillés de près », a-t-il en effet affirmé, notant au passage que, avant le tir réussi du 15 novembre, tous les essais russes avaient été « infructueux », cas « sans impact sur un satellite ».

« Nous avons été alertés par avant le tir [contre Cosmos-1408] » et ainsi « pu évidemment orienter l’ensemble de nos capteurs pour le suivre en temps quasi-réel, en lien avec nos partenaires », a poursuivi le général Friedling. Et d’après les moyens de surveillance du CdE [qui ne sont pas encore « au niveau que nous souhaitons », a-t-il dit, ndlr], ce tir a créé environ 1’500 débris.

« Nous avons la capacité à en identifier une partie. Le satellite était à environ 500 km d’altitude et les débris sont aujourd’hui répartis entre 200 et 1’000 km, ce qui présente évidemment un danger pour les activités [spatiales] », a souligné le général Friedling, en rappelant au passage les consignes qui avaient été données à l’équipage de l’ISS.

Et, a priori, des moyens français se trouvent désormais menacés par les fragments de l’ex-satellite soviétique. « Nous observons aujourd’hui des croisements de certains de ces débris à des distances assez proches de certains de nos moyens spatiaux », a révélé le chef du CdE.

En outre, celui-ci a expliqué que, si la Chine et la Russie estiment que l’espace est essentiel aux opérations militaires militaires, ces deux pays considèrent également qu’ils ont plus à gagner qu’à perdre en neutralisant les moyens spatiaux occidentaux afin de « rétablir une forme de symétrie » en cas de conflit.

Quoi qu’il en soit, la surveillance de l’espace est une priorité essentielle. Aux milliers de débris en orbite viennent s’ajouter des satellites toujours plus nombreux. Dans leur grande majorité, ceux-ci sont dits « képleriens », c’est à dire que leur trajectoire est prévisible. Seulement, d’autres engins n’ont pas un tel comportement. « La manoeuvre en orbite devient quelque chose d’assez ordinaire et les usages militaires » que cela permet sont « préoccupants », a souligné le général Friedling. Aussi, a-t-il ajouté, dans ce « magma d’objets » évoluant à différentes orbites, l’enjeu est de pouvoir distinguer ce qui est « képlerien » de ce qui ne l’est pas.

Et pour cela, il faut compiler un très grand nombre de données, de différentes natures, afin de pouvoir établir une « situation militaire ». Le CdE dispose évidemment de ses propres capteurs [comme le radar GRAVES par exemple]. Mais ils sont insuffisants. D’où l’importance de la coopération internationale [en particulier entre alliés] et du recours à des prestataires privés, ayant le statut d’opérateur de « confiance ».

En 2020, le ministère des Armées a ainsi notifié un contrat à Safran Data System afin de pouvoir alimenter le CdE de données obtenues via une technologie de « détection par radiofréquence ».

Et, ce 16 décembre, Airbus Group a annoncé qu’il continuerait à fournir de tels services au CdE, après la signature d’un nouveau contrat.

« Ce nouveau contrat est une extension, financée par le Commandement de l’Espace, du contrat de service mis en place en 2017. Il a été signé entre le ministère des Armées et l’opérateur de confiance ArianeGroup pour une capacité de surveillance optique augmentée pour les orbites moyenne [MEO], géostationnaire [GEO] et haute [HEO]. ArianeGroup proposera également des expérimentations visant à approfondir le recours aux télescopes », a indiqué le groupe, via un communiqué.

La technologie utilisée, appelée « GEOTracker », permet d’obtenir des données de positionnement, d’orbitographie et d’analyse » ainf de réduire les risques de collision en orbite. « Pour le ministère des Armées, ce système permet de détecter, de suivre et de contribuer à la caractérisation d’objets spatiaux qu’ils soient actifs ou inactifs, afin d’établir la situation spatiale et de concourir à la protection des moyens spatiaux français », avance ArianeGroup.

Photo : ArianeGroup

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