Le général Schill met la pression sur l’armée de l’Air pour l’entrainement des troupes aéroportées

Lors de sa dernière audition parlementaire en tant que chef d’état-major des armées [CEMA], en juin, le général François Lecointre avait confié qu’il venait récemment d’assister à une « engueulade de gens bien élevés » entre son successeur désigné, le général Thierry Burkhard, alors chef d’état-major de l’armée de Terre, et le général Philippe Lavigne, qui s’apprêtait à quitter ses fonctions à la tête de l’armée de l’Air & de l’Espace. La raison? Le manque d’avions de transport tactique pour l’entraînement au saut des parachutistes.

Cela étant, le général Lecointre avait assuré que cette question était en passe d’être réglée, grâce à l’amélioration des capacités et de la disponibilité technique de l’A400M, cet appareil disposant [enfin] des « capacités de faire sauter les parachutistes en stick ». Et d’ajouter : « Nous ressentons les premiers effets de la réforme du Maintien en condition opérationnelle aéronautique engagée par la ministre ». Cependant, l’ex-CEMA avait également dit que la « voie de l’externalisation » était aussi à l’étude…

Ce sujet avait été évoqué à plusieurs reprises par le général Bukhard lors de précédentes auditions parlementaires. « La capacité à entraîner nos troupes aéroportées est insuffisante » et « nous devons impérativement inverser cette tendance », avait-il encore dit, en novembre 2020. Plus tôt, il avait expliqué que ses parachutistes effectuaient six sauts – seulement – par an, soit un niveau « à peine suffisant pour maintenir les qualifications ».

Certes, l’armée de Terre [mais pas seulement…] a recours à des moyens civils, dans le cadre « d’externalisations », pour remédier au manque d’avions. Au printemps dernier, cinq marchés furent ainsi attribués à des prestataires privés pour un peu plus de 3,6 millions d’euros. Un autre avis de marché a récemment a été diffusé pour trouver un appareil pouvant emportéer 18 parachutistes pour des sauts à ouverture commandée retardée [SOCR].

Seulement, le recours aux externalisations ne permet d’entraîner les troupes aéroportées d’une manière optimale, c’est à dire dans des conditions proches de celles qu’elles seront suscptibles de rencontrer en opération. « Si ces sauts sont tous réalisés de jour, non équipés, sur une zone de saut reconnue et sans procédures imprévues, ces entraînements ne permettront pas d’acquérir l’expertise et la maîtrise nécessaires », avait ainsi fait valoir le général Burkhard.

Son successeur à la tête de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, est donc confronté au même défi. Et même si le « sujet est en train d’être résolu » [dixit l’ex-CEMA], il entend bien maintenir la pression sur l’armée de l’Air & de l’Espace.

« Je considère que nos parachutistes doivent effectuer un nombre de sauts nécessaires à leur sécurité physique et opérationnelle. L’idéal serait que l’armée française dans sa globalité puisse entraîner nos parachutistes », a ainsi estimé le général Schill, lors de sa première audition à l’Assemblée nationale en qualité de CEMAT.

« Il est certes possible d’externaliser l’entraînement pour les sauts de très grande hauteur parce que cet exercice est très technique », a-t-il continué. « Mais externaliser les sauts pour s’entraîner à larguer des dizaines de parachutistes dans le délai le plus court possible par des avions qui se suivent, c’est un savoir-faire en soi » et l’idéal serait de s’entraîner avec les avions de l’armée de l’Air afin qu’ils puissent opérer de tels largages », a-t-il fait valoir.

Selon le général Schill, l’État-major des armées « certifie qu’en 2021, l’armée de l’Air […] fournira les moyens d’entraîner [les] parachutistes au niveau requis ». Or, a-t-il poursuivi, « nous avons fait 50’000 sauts, nous devons en faire 70’000 dans l’année pour atteindre les normes planchers ».

Aussi, « mon objectif est d’obtenir que l’armée de l’Air assure cette prestation lorsqu’elle aura retrouvé une plus grande disponibilité d’usage de ses avions, notamment grâce à l’arrivée des A400M et la qualification des A400M pour opérer des largages par les deux portes », a dit le CEMAT.

Quant à l’externalisation, elle « serait un constat d’échec mais si elle s’impose, je la demanderai », a prévenu le général Schill. À noter que, en 2010, un tel projet pour l’École des troupes aéroportées [ETAP] de Pau avait été mis sur la table… avant d’être finalement écarté.

Selon les « bleus budgétaires » publiés par le ministère de l’Économie et des Finances dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2022, la disponibilité des avions de transport tactique de l’AAE devrait encore baisser l’an prochain.

« Les prévisions de disponibilité pour la composante avions de transport tactique ont été revues à la baisse en raison des difficultés rencontrées sur la flotte C-130H dont la disponibilité est fortement pénalisée par le vieillissement de ces aéronefs, des délais de réalisation des visites approfondies au niveau industriel [Checks C] ainsi que par les reports successifs de l’opération de rénovation de la flotte », explique ainsi le « bleu budgétaire » relatif à la préparation et l’emploi des forces [programme n° 178].

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