L’Iran s’approche du moment où il disposera d’un stock d’uranium enrichi de qualité militaire

La semaine passée, les discussions concernant la réintégration des États-Unis dans l’accord sur le nucléaire iranien [PAGC pour Plan d’action global commun ou Joint Comprehensive Plan of Action – JCPoA], dénoncé par le président Trump en mai 2018, étaient plutôt encourageantes, aux dires des États parties [France, Royaume-Uni, Allemagne, Russie, Chine]. Il était même question d’une « dynamique positive ».

La décision de M. Trump de quitter le PAGC a eu pour conséquence le retablissement des sanctions américaines contre l’économie iranienne. Malgré la promesse des Européens de mettre en place un mécanisme devant les amoindrir, l’Iran a commencé à s’affranchir de certains des engagements qu’il avait pris en signant cet accord, notamment en augmentant son stock de matières fissiles et annonçant son intention de produire de l’uranium enrichi à 20%, alors qu’un taux de 3,67% est suffisant pour des applications civiles.

Par ailleurs, et cela entre sans doute en ligne de compte, l’Iran et la Chine ont annoncé un accord de coopération stratégique, le 27 mars. Selon Téhéran, il s’agirait d’une « feuille de route complète », assortie de « clauses politiques, stratégiques et économiques pour 25 ans. » A priori, Pékin devrait investir en Iran entre 400 et 600 milliards de dollars dans plusieurs domaines [insfrastructures, télécommunications, transport] en échange d’un accès privilégiée aux ressources pétrolières et gazières iraniennes.

Quoi qu’il en soit, en dépit des avancées des dernières discussions pour réintégrer Washington dans le PAGC, Téhéran a annoncé, le 10 avril, la mise en service de nouvelles capacités d’enrichissement de l’uranium sur le site nucléaire de Natanz. Seulement, le lendemain, ce dernier a de nouveau été victime d’un « incident », par la suite qualifié d' »acte terroriste » par les autorités iraniennes, lesquelles en ont attribué la responsabilité à Israël.

« Ce qu’ils ont fait à Natanz, ils ont pensé que cela serait au désavantage de l’Iran […] je vous assure que dans un futur proche Natanz va passer à des centrifugeuses plus perfectionnées […] Les Israéliens […] ont fait un très mauvais pari », a déclaré Mohamamad Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères, au côté de Sergueï Lavrov, son homologue russe, le 13 avril.

« Nous n’avons aucun problème à revenir à nos engagements […] mais les Américains doivent savoir que ni les sanctions ni des actes de sabotage ne leur procureront un instrument de négociation et que ces actions ne feront que compliquer encore la situation pour eux », a-t-il aussi affirmé.

« Nous tablons sur le fait qu’on pourra sauvegarder l’accord et que Washington reviendra enfin à la mise en oeuvre pleine et entière de la résolution correspondante de l’ONU », a pour sa part avancé M. Lavrov, qui s’en est aussi pris à l’Union européenne pour ses sanctions contre huit responsables iraniens pour leur rôle dans la répression des manifestations de novembre 2019. « Si cette décision a été prise de manière volontaire en pleine négociations à Vienne pour sauver [l’accord sur le nucléaire iranien], alors ce n’est plus malheureux, c’est une erreur qui serait pire qu’un crime », a-t-il dit.

Plus tard, le même jour, dans un courrier adressé à l’Agence internationale de l’énergie atomique [AIEA], la diplomatie iranienne a fait part de l’intention de Téhéran de « commencer à enrichir l’uranium à 60% ». Et de préciser que « 1.000 centrifugeuses supplémentaires d’une capacité 50% supérieure seront ajoutées aux machines présentes à Natanz, en sus du remplacement des machines abîmées » par « l’attaque » du 11 avril.

« C’est la réponse à votre malveillance. […] Ce que vous avez fait s’appelle du terrorisme nucléaire, ce que nous faisons est légal », a justifié le président iranien, Hassan Rohani, ce 14 avril. « Vous ne pouvez pas conspirer contre l’Iran, commettre des crimes contre l’Iran. Pour chaque crime, nous vous couperons les mains […] pour que vous compreniez que vous ne pouvez pas nous empêcher [d’accéder à la] technologie », a-t-il poursuivi.

« Vous voulez que nous nous retrouvions les mains vides aux négociations [en cours à Vienne pour tenter de sauver l’accord sur le nucléaire iranien de 2015] mais nous irons là-bas avec encore davantage de cartes en main », a encore assuré M. Rohani.

L’Iran a toujours prétendu que son programme nucléaire avait une finalité civile. Cela étant, plusieurs éléments suggèrent qu’il a également une dimension militaire. Ainsi, Téhéran avait caché l’existence du site souterrain d’enrichissement d’uranium de Fordo, avant d’être mis devant le fait accompli en 2009.

Plus récemment, l’AIEA a fait part de ses préoccupations au sujet de deux autres sites, qui n’avaient pas été déclarés au moment de la signature du PAGC, en 2015, et où des particules radioactives résultant d’une activité humaine ont été détectées. Et, à ce jour, les autorités iraniennes n’ont toujours pas fourni les « explications nécessaires, entières et techniquement crédibles » qui leur étaient demandées par l’agence de l’ONU.

En tout cas, enrichir de l’uranium à 60% n’a aucun intérêt pour des applications civiles. En revanche, en procédant de la sorte, l’Iran est en chemin pour posséder un stock de matière fissile de qualité militaire, et donc pouvant être utilisé pour développer une arme nucléaire. Qui plus est, en février, Téhéran s’est affranchi d’un autre des engagement en lançant la production d’uranium métallique, généralement utilisé à des fins militaires, en particulier pour les obus et le blindage.

En outre, en décembre dernier, le Parlement iranien avait adopté un « plan d’action stratégique pour la levée des sanctions et la protection des intérêts du peuple iranien », prévoyant l’arrêt de la « mise en œuvre du protocole additionnel » au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires [TNP] à partir du 21 février si les sanctions américaines contre l’Iran était toujours en vigueur.

Reste que l’annonce sur l’enrichissement de l’uranium en isotope 235
à 60% est un « développement grave » pour le président Macron. « Nous [le] condamnons » et il « nécessite une réponse coordonnée » de la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni avec les États-Unis, les Russes et les Chinois, a-t-il dit.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]