Barkhane : Vers un engagement plus important des forces britanniques au Sahel?

Le 17 septembre, sur la base aérienne 105 d’Évreux, la ministre des Armées, Florence Parly, et son homologue allemande, Annegret Kramp-Karrenbauer, ont posé la première pierre de l’infrastructure qui abritera le futur escadron de transport franco-allemand, doté d’avions américains C-130J Hercules.

À cette occasion, Mme Parly a parlé d’une « révolution » pour la Défense européenne. Au ministère des Armées, on fait valoir que cet escadron franco-allemand « marque une volonté commune d’aller plus loin dans la construction d’une Europe forte, unie et dotée de capacité d’action autonome » et, qu’à ce titre, la « relation franco-allemand est structurante en matière de défense. »

Cela étant, et comme l’a justement souligné le général François Lecointre, le chef d’état-major des Armées [CEMA], cet été, lors d’une audition à l’Assemblée nationale dont le compte-rendu vient d’être publié, la « défense européenne, c’est aussi une question d’opérations et d’engagement opérationnel, ainsi que de structure de définition des objectifs et de structure de commandement. »

Et sur ce point, il y a encore beaucoup de chemin à faire au niveau de la relation franco-allemande. « Au-delà des projets industriels et de la vision capacitaire, il faut que nous ayons une vision opérationnelle et une vision stratégique », a souligné le CEMA. Or, pour le moment, ce n’est pas le cas, comme en témoignent les désaccords sur l’évolution de l’État-major de l’Union européenne [EMUE], les Allemands voulant fusionner la cellule de planification et de conduite militaire des crises avec celle de conduite et de planification civile des crises. Ce que les Français ne veulent pas, estimant que séparer « la conduite des opérations des dimensions capacitaire et doctrinale n’a pas de sens et affaiblit, au contraire, chacune des variables. »

Par ailleurs, au niveau opérationnel, Berlin n’apporte que son soutien politique au groupement européen de forces spéciales « Takuba », que la France met sur pied pour accompagner les armés sahéliennes au combat, dans le cadre de l’opération Barkhane. L’Estonie, la République tchéque, la Suède et l’Italie vont envoyer leurs commandos au Sahel… Mais pas l’Allemagne, qui, toutefois, participe à la mission de formation européenne EUTM Mali ainsi qu’à la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA].

Cela étant, la France et la Grande-Bretagne partagent des visions très proches dans le domaine militaire. Ce qui donna lieu aux accords de Lancaster House, signés en novembre 2010. Si le Brexit risque de compliquer la coopération franco-britannique au niveau capacitaire [et, donc, industriel], ces derniers ont permis la création d’une « force expéditionnaire commune interarmées » [Combined Joint Expeditionary Force – CJEF]. Sera-t-il question de l’envoyer prochainement au Sahel? Peut-être…

« Pour revivifier Lancaster House, au-delà des difficultés que nous allons rencontrer en matière de coopération capacitaire, nous réfléchissons avec le général Carter [le CEMA britannique, ndlr] à placer sous le chapeau de ces accords une intervention plus importante des Britanniques au Sahel, qui pourrait être, outre une participation aux opérations sur le terrain, une intervention plus large et de long terme », a en effet déclaré le général Lecointre.

« Aujourd’hui, il est important d’aider le Ghana, pays anglophone, le Bénin, le Togo… Nous y travaillons, afin de ne pas perdre ce fil de coopération avec les Britanniques et lui donner des traductions concrètes », a-t-il ajouté.

Pour rappel, et comme leurs homologues danoises, les forces britanniques participent déjà à l’opération Barkhane, via trois hélicoptères de transport lourds [HTL] CH-47 Chinook, basés à Gao. En outre, la Grande-Bretagne va également renforcer sa participation à la MINUSMA avec 250 soldats supplémentaires.

Quoi qu’il en soit, a fait valoir le général Lecointre, « nous avons absolument besoin de la Grande-Bretagne, ainsi que d’une Allemagne qui accepte de se considérer à nouveau comme légitime pour développer une vision stratégique. Nous avons besoin de la Grande-Bretagne pour dire à l’Allemagne qu’elle doit dépasser ses réticences historiques, ses difficultés politiques. »

« Les grandes tendances historiques des puissances européennes que sont l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne ne doivent pas nous conduire à renoncer à essayer de définir une vision stratégique commune – non pas unique mais commune », a ensuite conclu le CEMA.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]