Les derniers exercices militaires chinois sont une « répétition pour une prise de contrôle de Taïwan »

Les 18 et 19 septembre, et alors que le sous-secrétaire d’État américain à la Croissance économique, à l’Énergie et à l’Environnement, Keith Krach, était en visite à Taipei, l’Armée populaire de libération [APL] a mené d’importantes manoeuvres aériennes au-delà de la ligne médiane du détroit de Formose, laquelle marque la frontière maritime entre Taïwan et la République populaire de Chine [RPC].

Jusqu’à présent, les avions et les navires militaires chinois se gardaient de franchir cette ligne médiane… Mais ce n’est plus le cas depuis 2019. Et les incidents se multiplient. Ainsi, par exemple, 10 septembre dernier,le ministère taïwanais des Affaires étrangères a dénoncé l’incursion de chasseurs combats Su-30 et J-10 ainsi que celle d’un avion de lutte anti-sous-marine Y-8 la Zone d’identification de défense aérienne [ADIZ] de Taïwan, lors de manoeuvres navales de l’APL.

« Les manœuvres militaires du gouvernement chinois constituent une grave provocation envers Taïwan et une menace sérieuse pour la paix et la stabilité dans la région. […] Aujourd’hui l’APL a choisi de mener des exercices près de Taïwan, demain elle pourrait entreprendre des menaces similaires près d’autres pays », a alors fait valoir Taipei.

Pour autant, les protestations taïwanaises ne font ni chaud ni froid à Pékin. Et la tendance est même à la surenchère si l’on en juge par les moyens engagés lors des exercices organisés à l’occasion de la visite du responsable américain à Taïwan. Le 18 septembre, deux bombardiers H-6 et 16 avions de chasse [dont 8 J-16, 4 J-10 et 4 J-11] ont ainsi franchi la ligne médiane. Le lendemain, si ce n’est la présence d’un Y-8, un dispositif quasiment identique a été déployé dans les mêmes conditions.

Le quotidien Global Times, qui suit la ligne dictée par le Parti communiste chinois, a affirmé, citant des analystes militaires, que ces récents exercices de l’APL « ne sont pas un avertissement mais une répétition pour une prise de contrôle de Taïwan. »

Quoi qu’il en soit, la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, a une fois plus dénoncé les activités militaires chinoises dans les environs de Taïwan. « Je pense qu’elles ne contribuent pas à réputation internationale de la Chine. Qui plus est, elles mettent le peuple taïwanais encore plus sur ses gardes car il comprend encore mieux la vraie nature du régime communiste chinois », a-t-elle déclaré, le 20 septembre. Et d’ajouter : « En outre, d’autres pays de la région ont également une meilleure compréhension de la menace posée par la Chine. »

Évidemment, plus les avions militaires chinois évoluent près de Taïwan, plus le risque d’un incident lors de leur interception par l’aviation taïwanaise est grand. D’ailleurs, une telle éventualité a donné lieu, le 4 septembre, sur les réseaux sociaux, à des rumeurs parlant d’un Su-35 chinois abattu la défense aérienne tawaïnaise. Ce qui été vite démenti par Taipei, qui a exhorté les internautes à « ne pas les diffuser », en évoquant un « acte malveillant. »

Jusqu’à présent, les pilotes de chasse taïwanais ont des consignes strictes afin d’empêcher toute action qui pourrait déclencher « accidentellement » une guerre de part et d’autre du détroit. Cependant, une source militaire a confié au quotidien Taipei Times que « Taïwan ne ferait aucun geste de provocation » mais se réserverait dorénavant le « droit de lancer une première frappe défensive » en cas d’attaque chinoise.

Reste à voir ce les militaires taïwanais entendent par « première frappe défensive ». S’agit-il d’un tir de missiles en direction du continent ou l’autorisation donnée à la force aérienne du pays d’ouvrir le feu en cas de menace?

Le Taipei Times croit savoir que le « personnel en première ligne aurait l’autorisation, après les phases « repérer, intercepter, identifier et avertir », de procéder à la « destruction de l’ennemi » en cas d’échec à le dissuader d’avancer.

Quoi qu’il en soit, les mois qui viennent risquent mouvementés pour Taïwan. C’est, en tout cas, le pronostic qu’ont récemment fait l’amiral James Winnefeld Jr, ex-adjoint du chef d’état-major interamées américain, et Michael Morell, qui occupa à deux reprises, sous l’administration Obama, les fonctions de directeur par intérim de la CIA.

Selon eux, au moins deux conditions pourraient inciter Pékin a passer des menaces à l’action d’ici janvier prochain : une élection présidentielle contestée, avec des procédures judiciaires à n’en plus finir et une Europe encore aux prises avec la pandémie de covid-19.

D’après le scénario qu’ils ont imaginé, la Chine enverrait un ultimatum au gouvernement taïwanais pour l’exhorter à capituler sans condition s’il ne veut pas la guerre. Dans le même temps, les forces spéciales de l’Armée populaire de libération [APL] prendraient le contrôle des installations stratégiques de l’île tandis que des cyberattaques ciblant le réseau électrique et les médias sont lancées.

Puis, la marine chinoise, avec ses sous-marins, imposerait un blocus maritime. Même chose dans les airs. En attendant la réponse de Taipei, les forces amphibies de l’APL, assistées par des centaines de bateaux de pêche, se prépareraient à débarquer. Parallèlement, Pékin s’activerait sur la scène diplomatique pour faire accepter aux pays tentés de protester la nouvelle situation, en usant de menaces économiques. Ainsi, ne pouvant compter sur aucun appui extérieur immédiat et estimant que ses forces armées ne pourraient résister que durant un temps limité, Taipei finirait par céder aux exigences de Pékin. En trois jours, l’affaire serait pliée.

Évidemment, rien ne dit que les choses se passeront ainsi [à la guerre, le premier mort, c’est le plan, dit-on]. En tout cas, un blocus chinois de l’île est une hypothèse privilégiée par l’état-major taïwanais, qui ne pense pas l’APL être en mesure de mener une opération amphibie [si ce n’est sur les îles périphériques à Taïwan, ndlr], et donc une invasion.

« L’APL pourrait intensifier ses exercices militaires, ou faire naviguer des navires de guerre dans les eaux à moins de 24 miles nautiques [45 km] de Taiwan en revendiquant ‘la liberté de passage’, afin de générer un sentiment de peur parmi les Taiwanais », est-il expliqué dans le « China Military Power Report 2020 », un document récemment remis par le ministère taïwanais de la Défense au Parlement. En outre, y est-il souligné, « l’APL pourrait couper les approvisionnements et demander la reddition en bloquant les principaux ports et le transport maritime de Taiwan. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]