Outre le planeur VMAX, la France cherche à développer un « aéronef de combat hypersonique »

En permettant de détruire des cibles à très longue distance et à une telle rapidité qu’il n’y a, pour le moment, aucun moyen de s’en défendre, les armes hypersoniques donneront à ceux qui en posséderont des capacités tactiques susceptibles d’avoir des effets stratégiques. Actuellement, la Russie, avec le « Zirkon », le système Avangard et le Kh-47M2 « Kinjal », semble faire la course en tête avec la Chine, qui développe le CH-AS-X-13 et le Wu-14.

Pourtant partis en tête avec leur programme Conventional Prompt Global Strike, lancé au début des années 2000, les États-Unis sont à la traîne, alors que l’on pensait qu’ils avaient pris une certaine avance avec le programme X-51. Mais plusieurs projets, soulignait récemment Air Force Magazine, ont été « interrompus pour des raisons budgétaires ou annulés en raison d’échecs, même si la technologie en était à ses balbutiements ».

Cependant, le Pentagone met les bouchées double, avec notamment les projets ARRW [Air Launched Rapid Response Weapon] pour l’US Air Force et LRHW [Long-Range Hypersonic Weapon] pour l’US Army. Et il a également lancé le très confidentiel programme « Valkyrie » qui, confié à Lockheed-Martin Missiles & Fire Control, de mettre au point des systèmes capables d’intercepter des armes hypersoniques [Valkyrie Interceptor Terminal Defence Hypersonic].

La France n’est pas en reste. Déjà, s’agissant de la dissuasion nucléaire, l’ASN4G, appelé à succéder au missile ASMP-A, sera « hypervéloce », c’est à dire hypersonique. Puis, en janvier, la ministre des Armées, Florence Parly, a créé la surprise en annonçant le premier vol d’un démonstrateur de planeur hypersonique français en 2021.

Développé dans le cadre d’un contrat notifié à ArianeGroup par la Direction générale de l’armement, ce planeur, appelé VMAX, devrait atteindre une vitesse supérieure à Mach 5, après avoir été libéré par une fusée. Sa conception se basera sur les travaux menés par l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA].

Depuis, peu d’informations relatives au V-MAX ont filtré. Et la dernière vague d’auditions parlementaires réalisées avant la pause estivale n’ont pas permis d’en savoir davantage. Le Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre, l’a évoqué du bout des lèvres [pour rappeler que le programme était en cours, sans plus] et les généraux Philippe Lavigne et Bruno Maigret, respectivement chef d’état-major de l’armée de l’Air et commandant des Forces aériennes stratégiques, ont expliqué qu’il fallait « étudier cette technologie de rupture comme il convient de les étudier toutes, c’est-à-dire sous trois angles : comment fonctionnent-elles, comment les utiliser, et comment s’en défendre. »

Cela étant, la France a l’ambition d’aller au-delà de la simple étude des technologies liées aux armes hypersoniques. C’est, en tout cas, ce que suggère la « feuille de route » publiée par l’ONERA au début de ce mois. En effet, il y est écrit que le centre de recherches va mener des travaux en vue de mettre au point une « aéronef de combat hypersonique » qui doit « s’entendre au sens large d’aéronef militaire et peut s’étendre à toute mission d’intérêt militaire. »

« De façon très générale l’atteinte de vitesses élevées a toujours été recherchée pour les vecteurs, qu’il s’agisse d’aéronefs ou de missiles. Une rupture susceptible de conférer un avantage certain est l’avènement d’armements hypersoniques, c’est-à-dire capables d’évoluer à des vitesses supérieures ou égales à Mach 5. Les moyens hypersoniques disposent de caractéristiques spécifiques car leur vitesse, associée à des capacités de manœuvre, rend inopérantes les capacités d’interception actuelles ou programmées. Ces moyens autorisent des frappes à des portées largement supérieures aux rayons d’actions des systèmes actuels à l’exception bien entendu des missiles balistiques. Ils permettent en outre de faire peser à tout moment et à toute distance une menace de frappe conventionnelle avec un préavis très court », commence par rappeler l’ONERA.

Et d’ajouter : « Compte tenu de l’effort actuel consenti par les principales puissances militaires, il fait peu de doute que des armements hypersoniques figureront dans les arsenaux de plusieurs puissances à l’horizon 2030-2035. »

Aussi, et outre le programme ASN-4G qui concernera la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, il est aussi question de mettre au point des moyens hypersoniques pour des frappes conventionnelles.

« En ce qui concerne les systèmes d’arme conventionnels, les travaux proposés par l’ONERA sont relatifs à différents concepts d’aéronefs hypersoniques, qui pourraient par exemple constituer l’une des composantes du programme – SCAF [Système de combat aérien du futur] en accompagnement des travaux directement au profit du NGF [New Generation Fighter, avion de combat de prochaine génération] », lit-on dans la feuille de route du centre de recherche.

« Pour provoquer une réelle rupture et orienter les recherches vers une forte ambition, la vitesse maximale en croisière devra se situer au minimum à Mach 4. Pour éviter de sur-spécifier les briques technologiques nécessaires, on se limitera à un nombre de Mach maximal de 7. Les études s’intéresseront a priori à un système capable de réaliser une croisière haute altitude de longue durée,
avec un fonctionnement global de type avion – avec des phases de décollage et d’atterrissage horizontal sur une piste et une accélération autonome », explique l’ONERA.

Pour cela, il faudra relever plusieurs défis qui concerneront le « concept de propulsion qui, pour pouvoir évoluer efficacement dans un domaine de vol très étendu, devra pouvoir combiner des systèmes propulsifs tels que les turboréacteurs et le statoréacteur dans des architectures compactes et bien intégrées à la cellule. »

On espérait trouver plus de détails dans le document regroupant toutes les fiches programmatiques liées à la feuille de route de l’ONERA. Seulement, celle relative à cet « aéronef hypersonique » n’y figure pas, comme celles concernant la « pénétration des défenses par des armements conventionnels et survivabilité » et la « défense aérienne et défense anti-missiles. »

Photo : NGF – Dassault Aviation

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