Les dirigeants des États de l’Afrique de l’Ouest adoptent un plan d’un milliard de dollars contre le terrorisme

Publié cet été, le 24e rapport de l’Équipe d’appui de surveillance des sanctions prises par les Nations unies à l’égard d’al-Qaïda et de l’État islamique [EI ou Daesh] a prévenu que l’emprise des groupes jihadistes au Sahel et en Afrique de l’Ouest ne cessait de croître. Et de souligner que la « porosité des frontières et le manque de moyens des autorités pour faire face à la menace grandissante aggravent la situation. »

Pourtant, beaucoup d’efforts sont consentis pour contrer cette menace jihadiste, avec la force française Barkhane, le rôle de l’Union européenne [EUTM Mali, aide au développement], l’engagement des États-Unis au Niger, l’implication de la communauté internationale avec la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA], la mise sur pied de la Force conjointe du G5 Sahel [Tchad, Mauritanie, Niger, Mali, Burkina Faso] et de la Force multinationale mixte [FMM] du bassin du Lac Tchad, pour lutter contre Boko Haram et la filiale locale de l’État islamique.

Malgré cela, selon les chiffres que vient d’avancer le Center for Strategic and International Studies [CSIS], le nombre d’attaques liées aux jihadistes au Sahel et en Afrique de l’Ouest a « doublé tous les ans depuis 2016 pour atteindre 465 en 2018 », soit plus d’un par jour. Pour rappel, plusieurs organisations sont actives selon les aires géographiques, dont le Groupe de Soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM, lié à al-Qaïda], Ansarul Islam, l’État islamique au grand Sahara [EIGS], Boko Haram, ISWAP, etc.

Cela étant, certaines initiatives peinent à se concrétiser. Tel est le cas de la Force conjointe du G5 Sahel, devant mobiliser 5.000 soldats. Soutenue par la France, et plus largement par l’UE et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, elle n’a pas encore reçu la totalité des fonds qui lui avaient été promis pour assurer sa montée en puissance et remédier à ses importants déficits capacitaires.

Ce qui lui vaut d’être vivement critiquée par des observateurs locaux, comme Mahamadou Savadogo, chercheur au Carrefour d’études et de recherche d’action pour la démocratie et le développement, de l’université Gaston-Berger au Sénégal, cité par l’AFP. « Quel est le résultat opérationnel du G5? Qu’est-ce qu’il a apporté? Le peu qui a été décaissé [en sa faveur] a servi en frais de réunion, d’hôtel, de fonctionnement… Le G5 est presque à genoux », a-t-il critiqué.

Aussi, certains ne donnaient pas cher de la peau de la Force conjointe du G5 Sahel lors du sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest [Cédéao] dédié à « la lutte contre le terrorisme », organisé le 14 septembre à Ouagadougou [Burkina Faso]. Le Tchad et la Mauritanie avaient été conviés à y participer.

Finalement, ceux qui prédisaient la fin du G5 Sahel en auront été pour leur frais.

« Les débats nous ont permis d’adopter des décisions très fortes […] La conférence a adopté un plan d’action et de mobilisation de ressources à hauteur d’un milliard de dollars pour la lutte contre le terrorisme », s’est en effet félicité Mahamadou Issoufou, le président du Niger.

Ce milliard de dollars, qui sera réuni grâce à des « ressources internes », servira à renforcer les capacités opérationnelles des armées nationales et des forces multinationales, dont celle du G5 Sahel.

« Le G5 est loin d’être mort. Le communiqué final [du sommet] montre bien le soutien de la Cédéao au G5 Sahel et à la force mixte du Bassin du Lac Tchad », a souligné M. Issoufou.  »
Dans l’immédiat, ce sont elles [les forces G5 Sahel et bassin du Lac Tchad] qui sont sur le terrain », a-t-il insisté.

Par ailleurs, la Cédéao espère que le recours à des ressources internes pour trouver le milliard de dollars annoncé encouragera les dons d’autres bailleurs de fonds… étant donné que cette somme [soit 250 millions par an] reste insuffisante pour faire face aux défis posée par la menace jihadiste.

« Un financement interne aurait pour conséquence la claire indication de la fermeté de la Cédéao dans la lutte contre le terrorisme et cela pourrait contribuer à mobiliser les ressources externes », a fait valoir Jean-Claude Brou, le président de la commission de la Cédéao, cité par RFI.

En outre, la Cédéao a fait part de son intention de demander à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international [FMI] de considérer les dépenses de sécurité comme des « investissements ». Rétablir la sécurité est un préalable pour faire repartir l’activité économique.

Quoi qu’il en soit, les orientations données par la Cédéao vont dans le sens du « pacte » proposé par le président français, Emmanuel Macron, et la chancelière allemande, Angela Merkel, pour le Sahel et, plus largement, l’Afrique de l’Ouest.

Ce « pacte va élargir le périmètre de sécurité compte tenu de l’évolution terroriste. Il permettra de réengager dans l’aspect sécurité les membres de la Cédéao, c’est à dire en particulier tous les pays du golfe de Guinée, qui sont aujourd’hui hors du G5 Sahel » et il « permettra de réengager du financement international en soutien de ces derniers », avait expliqué M. Macron, lors du dernier sommet du G7.

« Grâce à ce pacte, on créé un cadre, on va pouvoir, avec les armées, les services de douanes et les services de ces pays voisins, […] financer des opérations conjointes et aussi à des bailleurs internationaux de venir financer ces actions », avait ensuite précisé le président français.

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