La Turquie dénonce l’attaque d’un de ses convois par les forces syriennes et russes dans le secteur de Khan Cheikhoun

À l’été 2018, les forces gouvernementales syriennes ne cachèrent pas leur intention de lancer une offensive en direction de la province d’Idlib, alors dominée aux deux tiers par l’organisation jihadiste Hayat Tahrir Al-Cham [HTS, ex-branche syrienne d’al-Qaïda] et, pour le tiers restant, par des groupes rebelles affiliés au Front national de libération [FNL], soutenu par la Ankara.

Or, cette province d’Idleb faisait partie des quatre régions qualifiées de « zones de désescalade » par l’accord d’Astana qui, conclu en septembre 2017 par la Turquie, la Russie et l’Iran, ne concernaient pas les entités jihadistes, comme l’État islamique [EI ou Daesh] et le HTS. Et les forces turques y installèrent, à la périphérie, des « postes d’observation ».

La Turquie chercha donc à empêcher une offensive des forces syriennes dans cette région. Offensive alors soutenue par la Russie, qui parlait de « vider l’abcès » terroriste qui s’y était développé à cause, d’ailleurs, de la stratégie suivie par Damas et Moscou.

« Chaque fois que le régime de Bachar-al-Assad, appuyé par les Russes, parvient à résorber une poche, il le fait en permettant l’évacuation et le regroupement des mouvements terroristes les plus durs dans cette poche d’Idleb », avait ainsi rappelé le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA]. Et d’ajouter : « Cette poche devient problématique dès lors qu’elle peut être le lieu de la reconstitution d’une base à partir de laquelle ces mouvements terroristes n’auront d’autre souci que d’organiser des actions en Europe et en France en particulier. C’est pour cette raison qu’il est souhaitable que cette poche soit résorbée. »

Seulement, avec près de 3 millions d’habitants, une opération visant la région d’Idleb risquait de donner lieu à de graves problèmes humanitaires. D’ailleurs, la Turquie insista sur cette éventualité, craignant de devoir accueillir un flux trop important de réfugiés sur son sol. Mais il s’agissait aussi pour Ankara de protéger les groupes rebelles syriens qui lui étaient favorables.

D’où un nouvel accord trouvé avec la Russie en septembre 2018. Accord qui ne fut que partiellement appliqué, les organisations jihadistes ayant refusé de se retirer d’Idleb.

Puis, en janvier, le HTS passa à l’offensive contre contre le Jabhat Tharir Souriya, une formation radicale qui, née de la fusion d’Ahrar al-Cham avec le Harakat Nour al-Din al-Zenki, rejoignit le Front national de libération en août 2018.

Le succès du HTS dans la poche d’Idleb changea la donne. Fin avril, les forces gouvernementales syriennes, avec l’appui de l’aviation russe, passèrent à l’action. Depuis, 400.000 civils auraient été fui les combats, selon les Nations unies.

Quoi qu’il en soit, le 18 août, soit après environ trois mois de combats et de bombardements, les forces favorables au régime syrien sont entrées dans la ville de Khan Cheikhoun [qui fut le théâtre d’une attaque chimique en 2017, nldr]. Une première depuis 2014…

Les objectifs de Damas [et de Moscou] sont de s’assurer le contrôle de l’autoroute stratégque qui relie Damas à Alep et d’imposer un siège au nord de Hama, notamment vers la ville de Morek, où un poste d’observation turc est installé.

Mais la Turquie a réagi à cette avancée majeure des forces pro-Damas, avec l’envoi, en direction de Maaret al-Noomane, à 15 kilomètres au nord de Khan Cheikhoun, d’un convoi d’une cinquantaine de véhicules, dont, selon un correspondant de l’AFP, des blindés et au moins cinq chars.

« Des véhicules turcs chargés de munitions […] ont pris la direction de Khan Cheikhoun pour secourir les terroristes […], ce qui confirme encore une fois le soutien apporté par le régime turc aux groupes terroristes », a immédiatement dénoncé une source au ministère syrien des Affaires étrangères, citée par l’agence officielle Sana. « Ce comportement hostile du régime turc n’affectera en aucun cas la détermination de l’armée syrienne », a-t-elle ajouté.

Et, visiblement, les forces syriennes et russes ont empêché la progression de ce convoi turc. D’après l’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH], des frappes aériennes ont été effectués non loin de ce dernier afin de le stopper.

Un véhicule appartenant au Faylaq al-Chamn un groupe rebelle soutenu par la Turquie, aurait été visé par un raid russe, alors qu’il ouvrait la voie au convoi turc aux abords de Maaret al-Noomane. D’où la réaction d’Ankara.

Ainsi, le ministère turc de la Défense a indiqué, via un communiqué, que la Russie avait été informée de l’envoi de ce convoi, lequel devait « ravitailler l’un des postes d’observation » installé par les forces turques à Idleb.

« Nous condamnons fermement cette attaque qui est en contradiction avec les accords existants, la coopération et le dialogue avec la Russie », a ainsi dénoncé le ministère turc. « En dépit d’avertissements répétés que nous avons adressés à la Russie, les opérations militaires menées par les forces du régime continuent à Idleb, en violation des mémorandums existants et des accords passés avec la Russie afin de maintenir les voies d’approvisionnement ouvertes, d’assurer la sécurité de notre poste d’observation et d’empêcher de nouvelles pertes de vies civiles / innocentes dans la région », a-t-il encore fait valoir. Et de conclure : « Sans préjudice de nos droits de légitime défense, nous espérons que les mesures nécessaires seront prises pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent. ».

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