Pentagone français : Bouygues contre-attaque

Quelle étrange affaire cette procédure ouverte par la justice pour de présumés faits de corruption concernant le chantier du futur Pentagone à la française, qui doit accueillir en 2014, sur le site de Balard, dans le XVe arrondissement de Paris, l’ensemble des services du ministère de la Défense implantés dans la capitale.

La semaine passée, le Canard Enchaîné a jeté un pavé dans la mare en révélant l’ouverture d’une information judiciaire pour des faits de corruption autour de ce marché, confié à un groupement emmené par Bouygues.

Selon l’hebdomadaire satirique, le cahier des charges du projet aurait été transmis par un haut fonctionnaire à un cadre de Bouygues bien avant qu’il le soit officiellement à l’ensemble des concurrents, à savoir Vinci et Eiffage, via un autre entrepreneur, par ailleurs déjà impliqué dans d’autres affaires.

Seulement, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a indiqué qu’il n’était pas au courant d’une quelconque procédure. Et bien qu’une enquête a été confiée, en février dernier, à deux juges d’instruction, ces derniers n’ont apparemment pas pris la peine de contacter les principaux intéressés alors qu’ils auraient eu largement le temps de le faire. Même chose du côté de Bouygues.

« Si quelqu’un a été lésé, il peut faire valoir ses droits » a affirmé Gérard Longuet au sujet de cette affaire, le 7 décembre lors de l’émission Questions d’Info, diffusée par LCP. Mais, à ce jour, Vinci et Eiffage n’ont pas manifesté leur intention de contester les conditions d’attribution du marché concernant le « Balardgone » devant la justice pour obtenir une quelconque réparation.

Dans sa dernière édition, le Canard Enchaîné revient sur ce point, en soulignant qu’aucun autre groupe de BTP européen « n’a osé déposer un dossier » en expliquant que Vinci et Eiffage avaient déjà « été servis » par l’Etat avec l’attribution de contrats liés aux lignes de TGV Tours-Bordeaux pour le premier (7 milliards) et Rennes-Mans pour le second (3,4 milliards). « Entre industriels bien élevés, ce genre de choses ne se règle jamais en public » écrit l’hebdomadaire.

Quoi qu’il en soit, Martin Bouygues, le PDG du groupe qui porte son nom, est revenu sur cette affaire à l’occasion d’un entretien accordé au quotidien Les Echos. Et il est prêt à voler dans les plumes du « Canard ». « Ces insinuations sont mensongères et fausses. Nos avocats ont demandé au procureur si Bouygues était impliqué, la réponse est non. Nous avons mené une enquête interne qui n’a rien donné non plus. Il n’y a rien dans ce dossier qui concerne notre groupe » a-t-il expliqué, se disant « très en colère » et « scandalisé » par cette affaire.

« Le processus d’appel d’offres a duré vingt mois, il y a eu une phase de présélection des candidats, le cahier des charges a été modifié à plusieurs reprises dans le cadre d’un dialogue compétitif et tout le monde y avait accès au fur et à mesure. J’aimerais qu’on m’explique l’intérêt qu’il y aurait eu à essayer d’avoir accès à quoi que ce soit avant » a-t-il poursuivi. « Nous allons assigner ‘Le Canard enchaîné’ en diffamaton dans les tout prochains jours pour avoir proféré des accusations infondées contre nous et laisser entendre que, dès lors qu’on est dans le BTP, on est malhonnête. C’est insupportable. Les dégâts en termes d’images sont énormes » a encore prévenu Martin Bouygues.

Cela étant, une enquête est bel et bien en cours. Mais selon Secret Défense, elle ne concernerait pas le « Balardgone » mais un chantier actuellement en cours concernant l’une des deux tours de l’actuelle Cité de l’Air. « Elle implique une entreprise du BTP, travaillant apparemment dans le béton et impliquée dans d’autres affaires, notamment avec France Télévisions » a ainsi écrit Jean-Dominique Merchet.

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