Un colonel critique publiquement le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur

Depuis le 1er janvier 2009, la Gendarmerie nationale est rattachée au ministère de l’Intérieur tout en ayant conservé sa spécificité militaire. Seulement, cette intégration a du mal à passer chez certains gendarmes.

Ainsi, le colonel Philippe Espié, ancien commandant du groupement de gendarmerie de l’Ardèche et actuellement en poste à Haïti, a exprimé ses réserves dans un lettre adressée au préfet de son ancienne affectation et rendue publique ce 12 mars par le sociologue Laurent Mucchielli, qui a étudié les conséquences de ce rapprochement entre policiers et gendarmes.

« De ce qu’il me remonte du terrain, l’intégration de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur n’est pas particulièrement bien vécue par les personnels de l’Arme qui n’y trouvent aucun intérêt ni aucune plus-value » écrit, sans ambages, le colonel Espié.

L’officier ajoute que les gendarmes n’ont pas le « sentiment d’être mieux défendus aujourd’hui qu’ils ne l’étaient au ministère de la Défense » et qu’ils « ne perçoivent aucun changement particulier positif dans ce changement de ministère ». Du coup, ils ressentent de la « résignation », ce qui « ne saurait être de bon augure » dans une situation qui apparaît comme étant « contre-productive ».

Le colonel Espié avance plusieurs éléments d’explication. D’une part, il avance que les gendarmes « se sentent attaqués en permanence par (ces) syndicats » de police qu’il estime être « très corporatistes » et, d’autre part, il estime que les responsables du ministère de l’Intérieur « n’ont pas une connaissance précise et complète de notre Arme (ndlr: la gendarmerie) et de son fonctionnement » et « encore moins (de son) statut militaitre, un gendarme restant pour eux un policier avec un képi ».

Aussi, toujours selon l’officier, les militaires « ne se reconnaissent pas dans les pratiques actuelles » du ministère de l’Intérieur, dont la « cogestion permanente hiérarchie-syndicats ».

D’où les craintes exprimées par le colonel Espié. « Je crains que cette intégration décidée par le politique ne conduise à court terme au démembrement de l’institution », écrit-il, préférant « l’émulation » entre la police nationale et la gendarmerie.

Cette sortie « musclée » du colonel Espié est inhabituelle pour un militaire, tenu au devoir de réserve, contrairement à ses collègues policiers qui ont par ailleurs le droit de se syndiquer. De plus, elle arrive au moment où, justement, la place Beauvau est en train de répartir les domaines de compétences entre policiers et gendarmes.

Pour l’instant, la Direction générale de la gendarmerie nationale n’a pas répondu aux propos vigoureux de l’officier. Ce que lui reproche, d’ailleurs, le syndicat de police Alliance (gardiens de la paix), qui s’est dit « choque » par les critiques du colonel Espié.

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