Des bombardiers B-1 Lancer ont participé aux frappes américaines contre les groupes pro-Iran en Syrie et en Irak

Depuis 2016, un détachement américain tient garnison à Al-Tanf, une localité syrienne considérée comme stratégique dans la mesure où son contrôle permet de verrouiller l’axe Damas-Bagdad. Le soutien de cette emprise est assuré par la base logistique « Tower 22 », située en Jordanie, à une dizaine de kilomètres de la frontière avec la Syrie.

Or, le 28 janvier, s’étant joué des défenses de cette dernière, un drone, a priori de conception iranienne, a tué trois militaires américains qui y étaient affectés. Dans la foulée, le chef de la Maison Blanche, Joe Biden, a assuré que les auteurs de cette attaque auraient à « rendre des comptes ». Et d’affirmer, plus tard, qu’il tenait « l’Iran pour responsable dans la mesure où il fournit les armes aux gens qui ont fait ça ».

Par la suite, via Telegram, l’organisation « Résistance islamique en Irak », qui fédère plusieurs groupes armés soutenus par Téhéran, a revendiqué plusieurs attaques contre des bases américaines situées en Syrie, dont celle d’Al-Tanf.

De son côté, l’Iran s’est empressé de décliner toute responsabilité dans ces actions. « Nous avons dit à maintes reprises que nous ne serions pas à l’origine d’une guerre, mais si un pays, une force cruelle veut intimider [l’Iran], la République islamique répondra fermement », a encore répété Ebrahim Raïssi, le président iranien, le 2 février.

Évidemment, pour les États-Unis, frapper directement l’Iran n’est pas envisageable, en raison des conséquences qu’une telle action pourrait engendrer, comme, par exemple, un blocus du détroit d’Ormuz. En revanche, il en va autrement pour les groupes armés inféodés aux intérêts iraniens. D’où les accusations américaines contre le Kataëb Hezbollah, un mouvement associé à la « Résistance islamique en Irak ».

« L’attaque en Jordanie porte l’empreinte du Kataëb Hezbollah », a en effet affirmé Sabrina Singh, une porte-parole du Pentagone, le 29 janvier. Seulement, le lendemain, ce groupe a annoncé la « suspension » de ses « opérations militaires et sécuritaires contre les forces d’occupation, afin d’épargner tout embarras au gouvernement irakien ».

Autre formation faisant partie de la « Résistance islamique en Irak », le groupe Al-Noujaba a quant à lui assuré qu’il poursuivrait ses attaques contre les troupes américaines. « Toute frappe [américaine] entraînera une réponse appropriée », a-t-il assuré.

Dans le même temps, selon l’agence Reuters, l’unité al-Qods des gardiens de la révolution iraniens aurait décidé de rappeler plusieurs de ses officiers envoyés en Syrie en tant que « conseillers militaires »… Non par crainte des représailles américaines… mais par celle de nouvelles frappes ciblées israéliennes.

Justement, s’agissant de la riposte américaine, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Kirby, a laissé entendre qu’elle serait « graduée ». Il n’y aura pas « un seule action, mais potentiellement plusieurs », a-t-il dit, le 30 janvier.

Le premier acte de ces représailles s’est joué dans la nuit du 2 au 3 février. Ainsi, sept positions tenues par des groupes soutenus par l’Iran [quatre en Syrie et trois en Irak] ont été bombardés par l’US Air Force. Ces frappes ont été menées quasiment simultanément puisque la séquence n’aura duré que trente minutes. Elle a en outre donné lieu à une démonstration de force dans la mesure où des bombardiers B-1 Lancer y ont aussi pris part, à l’issue d’un vol direct depuis les États-Unis [probablement depuis la base de Dyess, au Texas, celle d’Ellsworth ayant été temporairement fermée].

N’ayant plus plus la capacité d’emporter des armes nucléaires depuis les années 1990, le B-1 est un bombardier conventionnel supersonique pouvant emporter jusqu’à 56’000 kg de munitions.

Selon l’US Centcom, le commandement militaire américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, 85 cibles ont été visées, dont des centres de commandement et de contrôle ainsi que des installations logistiques et des dépôts de munitions [missiles, drones, etc.] ayant servi à des « attaques contre les forces américaines et celles de la coalition ». Plus de 125 munitions guidées ont été tirées.

« Ces cibles ont été soigneusement sélectionnées pour éviter des pertes civiles. Elles ont été choisies sur la base de preuves claires et irréfutables qu’elles étaient liées à des attaques contre le personnel américain dans la région », a expliqué John Kirby, au cours d’un point de presse, ce 3 février. Plus que les groupes armés affiliés à l’Iran, c’est surtout le Corps des gardiens de la révolution qui a apparemment été visé.

Par ailleurs, selon le Wall Street Journal, étant donné que l’attaque contre la base « Tower 22 » a eu lieu sur son territoire, la Jordanie aurait engagé des chasseurs-bombardiers [des F-16] dans cette opération,

Ces frappes pourraient en annoncer d’autres. « Notre riposte a commencé aujourd’hui. Elle continuera selon le calendrier et aux endroits que nous déciderons », a fait savoir M. Biden. « Les États-Unis ne veulent de conflit ni au Moyen-Orient ni ailleurs dans le monde. Mais que ceux qui veulent nous faire du mal le sachent bien: si vous touchez à un Américain, nous répondrons », a-t-il insisté.

Sans surprise, Téhéran a « condamné avec force » les raids américains. « L’attaque de la nuit dernière est une action aventureuse et une autre erreur stratégique de la part des Américains, qui n’aura d’autre résultat que d’intensifier les tensions et l’instabilité dans la région », a réagi Nasser Kanani, le porte-parole de la diplomatie iranienne, après avoir dénoncé une « violation de la souveraineté de la Syrie et de l’Irak ».

Bien que prévenues de l’imminence de ces frappes [c’est, en tout cas, ce qu’a affirmé M. Kirby], les autorités irakiennes ont fustigé une « violation de la souveraineté » de l’Irak. Et d’estimer que les actions américaines sont une « menace qui entraînera l’Irak et la région » vers une « situation indésirable aux conséquences désastreuses pour la sécurité et la stabilité […] de la région ». À noter que Washington et Bagdad ont entamé des discussions sur la fin de la présence de la coalition internationale anti-jihadiste dans le pays…

Cela étant, la réaction la plus ferme est venue de Damas. « L’occupation de certaines parties du territoire syrien par les forces américaines ne peut plus durer », a en effet déclaré l’armée syrienne via un communiqué. Et d’affirmer sa « détermination à libérer l’ensemble du territoire syrien du terrorisme et de l’occupation ».

Pour rappel, environ 900 militaires américains sont actuellement déployés en Syrie, afin notamment d’éviter une résurgence de Daesh en appuyant les Forces démocratiques syriennes [FDS]. Et cela en s’appuyant sur l’article 51 de la charte des Nations unies. L’an passé, cette présence a d’ailleurs donné lieu à des tensions avec les forces russes qui soutiennent le régime syrien, malgré les règles de « déconfliction » en vigueur depuis 2015.

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