Le gouvernement allemand est mis sous pression pour livrer des missiles de croisière Taurus à l’Ukraine

Alors qu’elle a déjà reçu des Storm Shadow/SCALP EG de la part du Royaume-Uni et de la France, l’Ukraine cherche à obtenir des missiles de croisière KEPD-350 Taurus auprès de l’Allemagne. Cette requête n’est pas nouvelle puisqu’elle a été formulée pour la première fois en mai dernier.

Pour rappel, produit par Taurus Systems GmbH, filiale de MBDA Deutschland et de l’entreprise suédoise Saab Dynamics AB, le KEPD-350 Taurus peut porter une charge Mephisto [Multi-Effect Penetrator, HIgh Sophisticated and Target Optimised] de 495 kg sur une distance supérieure à 500 km et à la vitesse maximale de Mach 0,95.

Cela étant, et jusqu’à présent, le chancelier allemand, Olaf Scholz, refuse de donner une suite favorable à la demande ukrainienne. Et cela pour au moins deux raisons.

La première est que Berlin veut éviter une « escalade » avec Moscou étant donné que les Taurus, d’une portée de 500 km, pourraient être utilisés par la force aérienne ukrainienne pour frapper le territoire russe dans la profondeur. La seconde est que, pour l’exécutif d’outre-Rhin, d’autres besoins exprimés par Kiev sont à satisfaire en priorité, notamment en matière de défense aérienne et d’artillerie lourde.

Pour autant, les autorités ukrainiennes n’en démordent pas. Et elles peuvent compter sur le soutien d’une majorité de parlementaires allemands pour obtenir satisfaction. En mai, Roderich Kiesewetter, député de la CDU [parti chrétien-démocrate, opposition] et par ailleurs ancien colonel de la Bundeswehr, avait estimé qu’il serait « beaucoup plus logique » d’utiliser les KEPD Taurus en Ukraine que de « les stocker » en Allemagne. Et d’ajouter que ces missiles « permettront de porter des coups contre l’infrastructure militaire russe loin derrière la ligne de front ».

Visiblement, les arguments de M. Kiesewetter ont conforté, si ce n’est convaincu, une majorité de ses collègues du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand, ndlr]. Au point que les principaux partis qui y sont représentés se sont mis d’accord sur la livraison de ces missiles Taurus à l’Ukraine.

C’est, en tout cas, ce qu’a annoncé Yehor Chernev, le chef de la délégation ukrainienne à l’Assemblée parlementaire de l’Otan, le 7 août dernier. « Nous travaillons depuis longtemps avec les parlementaires allemands pour former un groupe de soutien et la glace s’est enfin brisée. Nous attendons une décision officielle », a-t-il en effet déclaré.

Ce soutien s’est manifesté dans les rangs du Parti social-démocrate [SPD], dont est issu M. Scholz [ainsi que son ministre de la Défense, Boris Pistorius, ndlr].

« Au SPD, nous n’avons jamais eu de telles lignes rouges dans aucun débat sur les livraisons d’armes. Nous nous en tiendrons à notre cap prudent, qui est étroitement orienté vers la coordination avec nos partenaires occidentaux », a ainsi commenté Saskia Esken, la cheffe de file des sociaux-démocrates allemands.

En outre, les deux autres partis membres de la coalition dirigée par M. Scholz, à savoir le FDP [libéraux] et Bündnis 90/Die Grünen [écologistes] disent espérer une décision rapide sur la livraison de missiles Taurus à l’Ukraine. « L’Ukraine en a un besoin urgent. Et il serait temps de donner le feu vert », a ainsi fait valoir Marie-Agnes Strack-Zimmermann, la présidente de la commission de la Défense au Bundestag.

Pour le moment, le chancelier Scholz reste inflexible. « Il n’y a aucun changement à signaler sur cette question [celle la cession des missiles Taurus, ndlr] », a-t-il dit dans un entretien publié par le Thüringer Allgemeine, le 11 août. « Notre objectif reste d’envoyer des armes pour la défense aérienne, de l’artillerie lourde et aussi des chars », a-t-il ajouté. Et d’insister : « C’est dans cette voie que nous poursuivrons, en étroite concertation avec nos partenaires internationaux. »

Quant à M. Pistorius, il a fait valoir que l’Allemagne « n’est pas la seule à ne pas livrer » de telles munitions. « Nos alliés américains ne livrent pas non plus de missiles de croisière », a-t-il dit, en référence aux ATACMS, tirés par le système d’artillerie M142 HIMARS. À ce jour, les États-Unis refusent encore d’en céder à l’armée ukrainienne.

Cependant, et comme pour les chars Leopard 2, M. Scholz va-t-il finir par changer d’avis en même temps que l’administration américaine? Un indice le suggère. Selon l’hebdomadaire Der Spiegel, le gouvernement allemand aurait demandé à MBDA de voir comment il serait possible de réduire la portée des missiles Taurus, ce qui, au passage, viserait à répondre aux exigences du Régime de contrôle de la technologie des missiles, auquel adhère Berlin. Et de rappeler que « le chancelier ne voulait livrer des missiles de croisière que si les États-Unis remettaient à Kiev des missiles de longue portée de type ATACMS ».

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