Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger est à son tour le théâtre d’un coup d’État mené par des militaires

Le 26 juillet, ce qui a été d’abord décrit comme un « mouvement d’humeur » de la Garde présidentielle nigérienne [GP], commandée par le général Abdourahmane Tchiani, aura été en définitive un coup d’État. Il faut dire qu’une grande confusion a régné durant la journée.

Tout a commencé quand, dans la matinée, il est apparu que le président nigérien, Mohamed Bazoum, n’était plus libre de ses mouvements car retenu dans le palais présidentiel par des mutins appartenant à la GP.

Plus tard, les services de ce dernier ont diffusé, via la réseaux sociaux, un message affirmant que « l’armée et la Garde nationale » étaient « prêtes à attaquer les éléments de la GP impliqués dans ce mouvement d’humeur s’ils ne reviennent pas à de meilleurs sentiments ». Que s’est-il ensuite passé dans les coulisses?

Toujours est-il que les seuls coups de feu tirés lors de cette journée l’ont été en l’air, pour disperser des manifestants favorables au président Bazoum… Et que l’Office de radiodiffusion télévision du Niger [ORTN] a diffusé une allocution prononcée par un certain colonel Amadou Abdramane, entouré par neuf officiers appartenant à différentes branches des forces de sécurité et de défense nigériennes.

« Nous, Forces de défense et de sécurité [FDS], réunies au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie [CNSP], avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez. Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale », a annoncé le colonel Abdramane.

En outre, il a affirmé « l’attachement » de ce CNSP au « respect de tous les engagements souscrits par le Niger » et donné l’assurance que « l’intégrité physique et morale des autorités déchues » serait respectée, « conformément aux principes des droits humains ».

Le Niger devant faire face à une menace jihadiste présente sur deux fronts [au nord avec l’État islamique au grand Sahara et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans ainsi qu’au sud, avec l’État islamique en Afrique de l’Ouest et Boko Haram », le scénario de ce coup d’État semble être une répétition de celui survenu au Mali en août 2020.

En effet, ce qui avait été initialement pris pour un « mouvement d’humeur » s’était traduit par la destitution d’un président Ibrahim Boubacar Keïta au profit d’un « Comité national pour le salut du peuple » [CNSP]. Et les putschistes maliens avaient également donné l’assurance qu’ils ne remettraient pas en cause les engagements pris par Bamako. La suite est connue : la force française Barkhane a dû se retirer du pays, la mission des Nations unies [MINUSMA] va en faire autant, son mandat n’ayant pas été reconduit, et le groupe paramilitaire russe Wagner a pris la place.

Coïncidence ou pas, la destitution du président Bazoum est survenue à la veille d’un sommet « Russie-Afrique », organisé à Saint-Pétersbourg… Or, des manifestations anti-françaises et pro-russes ont déjà eu lieu au Niger, notamment à l’initiative du mouvement M62. Au Mali comme au Burkina Faso, de telles démonstrations ont été les prolégomènes des récents coups d’État qui ont favorisé les desseins de Moscou au Sahel.

Cela étant, on ignore qui tire les ficelles du CNSP nigérien. N’étant pas apparu à l’antenne de l’ORTN, le général Tchiani est d’autant plus cité que, a priori, le président Bazoum envisageait de le démettre de ses fonctions à la tête de la Garde présidentielle. Mais un autre nom circule : celui du général Salifou Mody. Nommé ambassadeur du Niger aux Émirats arabes unis avec une promotion à la clé, ce dernier a visiblement été désavoué après avoir trouvé un accord sécuritaire avec le Mali alors qu’il était chef d’état-major des Forces armées nigériennes [FAN].

Quoi qu’il en soit, le président Bazoum n’a peut-être pas encore dit son dernier mot. Via Twitter, ce 27 juillet, il a rejeté ce coup d’État. « Les acquis obtenus de haute lutte seront sauvegardés. Tous les Nigériens épris de démocratie et de liberté y veilleront ». Et, de son côté, Hamoudi Massoudo, le chef de la diplomatie nigérienne et Premier ministre par intérim, a assuré qu’il ne s’agissait que d’une « tentative » de putsch.

« Ce n’est pas la totalité de l’armée qui a engagé ce coup d’Etat » et « nous demandons à ces officiers factieux de rentrer dans les rangs » car « tout peut s’obtenir par le dialogue » à condition que « les institutions de la République fonctionnent », a-t-il dit à l’antenne de France24. Et de lancer un « appel à l’ensemble des patriotes et démocrates nigériens pour qu’ils se lèvent comme un seul homme pour dire non à cette action factieuse qui tend à nous ramener 10 ans en arrière et à bloquer les progrès de notre pays ».

En tout cas, les évènements survenus à Niamey portent un coup à la stratégie mise en oeuvre par la France dans la région, le Niger étant devenu la plaque tournante des opérations françaises de contre-terrorisme, après les retraits du Mali et du Burkina Faso, en plus d’être l’un de ses fournisseurs d’uranium [via l’exploitation par Orano du site d’Arlit]. Les États-Unis sont aussi concernés dans la mesure où ils y sont présents militairement, notamment avec la base aérienne d’Agadez. En outre, le retrait de la MINUSMA risque d’être plus compliqué que prévu, le pays étant l’une des voies de sortie du Mali.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]