L’armée de Terre voudrait pouvoir réquisitionner à nouveau des camions civils en cas de besoin

Un adage militaire dit que les « amateurs discutent de stratégie tandis que les professionnels parlent de logistique ». D’où l’importance pour l’armée de Terre de disposer d’une flotte importante de camions tactiques et de poids-lourds, tels les porteurs polyvalents terrestres [PPT] et autres porte-engins.

« La logistique de l’armée de Terre mérite son programme SCORPION », avait d’ailleurs lâché le général Charles Beaudouin, lors d’une audition parlementaire, en 2018. Aussi, la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 avait prévu de lancer le projet « Successeur poids lourd », avec une cible de 7000 véhicules, dont 80 devaient avoir été livrés d’ici 2025.

Seulement, la version initiale du projet de LPM 2024-30 soumis au Parlement par le gouvernement n’a pas dit un mot sur le renouvellement des camions tactiques de l’armée de Terre… Ce n’est que lors de l’examen du texte en premère lecture, à l’Assemblée nationale, que le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a précisé que la « cible » de 200 porte-engins blindés surbaissés [PEBS] avait été fixée « dans le respect de l’objectif de déploiement d’une division, soit deux brigades » et qu’il serait prévu un investissement de 1,5 milliard d’euros « pour l’ensemble du segment relatif aux camions ».

Au Sénat, la commission des Affaires étrangères et de la Défense a tenu à préciser dans le tableau capacitaire du rapport annexé du projet de LPM 2024-30 que 2086 « camions logistiques terrestres » seraient livrés à l’armée de Terre d’ici 2030, sur une cible totale de 9466 exemplaires. Cette disposition a été conservée dans la version finale du texte. Reste à voir si les actuels GBC-180 tiendront le coup d’ici-là…

En tout cas, la logistique est l’un des points de vigilance mis en lumière lors de l’exercice de grande ampleur Orion, qui s’est terminé en mai dernier. Tel est en effet ce qu’a indiqué le général Yves Métayer, chef de la division « Emploi des forces » à l’État-major des armées [EMA], lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale [le compte-rendu vient d’être publié, ndlr].

« Confronté à un adversaire coriace qui perturbe vos flux logistiques, vous vous retrouvez un peu seul. Il faut donc densifier l’autonomie logistique des modules opérationnels d’un combat de haute intensité tactique. Les capacités d’emport, notamment pour l’armée de Terre et les unités de contact, doivent être supérieures à celles évaluées pour nos engagements des trente dernières années. Il faut projeter vers l’avant des stocks un peu plus importants », a ainsi affirmé le général Métayer.

Cela étant, a-t-il admis, « la flotte de camions tactiques a éprouvé nos limites ». Et le retour d’expérience [RETEX] qui est en train d’être réalisé doit « comparer ce qui a été observé avec ce qui serait nécessaire dans la réalité ». En effet, il n’a pas été toujours possible de pousser le réalisme aussi loin que l’EMA l’aurait souhaité, celui-ci ne pouvant qu’être « touché du doigt » dans certains domaines.

« Quand j’ai validé la directive administrative et logistique et les douze sous-fonctions logistiques de la direction et logistique de l’exercice Orion, j’ai insisté auprès des logisticiens sur le fait que les chaînes relatives au soutien de l’homme, devaient être déployées comme en réel. Tous les gens déployés dans l’est de la France devaient être logés et nourris, sans simulation. En revanche, pour des flux logistiques plus pondéreux, il devait y avoir des facilités, et, dans le RETEX, [j’ai] demandé […] quel était le delta », a expliqué le général Métayer aux députés.

Et d’ajouter : « Cela a permis de mesurer les besoins en termes de mobilisation de nos capacités en régie, ce qui était d’ailleurs l’enjeu de la phase 3 », laquelle a correspondu à une « phase politico-militaire de gestion de crise d’ampleur » avant de décider un déploiement massif au sein d’une coalition sous mandat de l’ONU et de l’Otan.

Visiblement, la réquisition de camions civils ne seraient pas superflue dans une telle situation. « Pendant la phase 3 […], nous avons voulu savoir ce qu’on pourrait mobiliser dans le civil en matière de transport », a en effet dit le général Métayer.

Et cela aura permis de s’apercevoir que les autorités françaises n’ont plus aucune idée des capacités civiles de transport routier pouvant être mises à la disposition des armées en cas de besoin…

« Des chefs d’entreprise de compagnies de transport nous ont dit que si, jusque dans les années 1990, ils devaient rendre régulièrement un état de leur flotte et de sa disponibilité au commissariat général aux transports [Comigetra], qui le communiquait à la Défense, on ne leur demandait plus rien », a raconté le général Métayer. Aussi, a-t-il estimé « il faut réactiver ces mécanismes afin de savoir de quoi disposer dans le tissu civil, dans quelles conditions et comment y faire appel ».

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