MGCS : Le Leopard 2A7+ va-t-il avoir la peau du projet de char franco-allemand?

Lancé en 2017 par la France et l’Allemagne, le projet de Système principal de combat terrestre [ou MGCS pour Main Groud Combat System], qui prévoit le développement d’un nouveau char de combat devant être au centre d’un « système de systèmes », est pour le moment bloqué à la phase d’étude d’achitecture dite « SADS Part 1 » depuis bientôt trois ans.

Ce blocage est en grande partie dû à l’arrivée de Rheinmetall dans ce projet, alors que celui-ci devait être mené par KNDS, la co-entreprise formée par le français Nexter et l’allemand Krauss-Maffei Wegmann. D’où les désaccords sur le partage des tâches entre la France et l’Allemagne [qui doit être de 50-50] ainsi que sur certains choix technologiques, notamment au niveau du canon devant équiper le futur char.

Ce retard commence à inquiéter sérieusement le gouvernement français, comme l’a indiqué le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, devant les députés cette semaine. Et de rappeler que l’armée de Terre aura besoin d’un nouveau char pour remplacer ses Leclerc à l’horizon 2035 [voire 2040].

Cependant, côté allemand, l’idée que la conception de ce « char du futur » puisse être finalement reportée, voire abandonnée, commence à faire son chemin. En tout cas, elle a été suggérée par Susanne Wiegand, la Pdg du groupe Renk, qui fournit notamment la boîte de transmissions du char Leopard 2.

« Depuis l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, beaucoup de pays européens ont commandé des Leopard 2 à Krauss-Maffei Wegmann pour leurs forces armées, au point qu’il n’y a peut-être plus de place pour le MGCS pour le moment », a confié Mme Wiegand dans les pages de l’hebdomadaire économique Wirtschaft Woche, le 6 avril. « Il faudra évaluer politiquement ce que ce nouveau développement signifie pour la poursuite du MGCS », a-t-elle estimé.

Effectivement, ces derniers mois, plusieurs pays européens ont commandé – ou dit vouloir le faire – des Leopard 2A7+, c’est à dire la dernière version du char produit par KMW, en partenariat avec Rheinmetall. Tel est ainsi le cas de la Norvège ou encore celui de la République tchèque. Et l’Italie envisagerait également de s’en procurer. En outre, la Bundeswehr va aussi en acquérir afin de remplacer les Leopard 2A6 qu’elle a fournis à l’armée ukrainienne.

Or, et comme l’avait d’ailleurs fait valoir le ministère allemand de la Défense avant de notifier la phase SADS Part 1 aux industriels concernés, le MGCS était considéré comme étant « crucial » pour l’industrie d’outre-Rhin étant donné que de nombreux pays européens allaient remplacer leurs chars de combat d’ici 2035/40. Et d’estimer le seul marché européen à 100 milliards d’euros. Seulement, la guerre en Ukraine a accéléré ce processus…

Et celui-ci ne profite pas forcément au Leopard 2 puisque la Pologne a décidé de doter ses forces terrestres de chars sud-coréens [K-2PL « Panther »] et américains [M1A2 Abrams]. La Roumanie envisage de lui enboîter le pas.

Quoi qu’il en soit, pour Mme Wiegand, le Leopard 2 « restera probablement un produit de choix pendant un certain temps ». D’autant plus que, a-t-elle souligné, il est « disponible » et qu’il « peut être encore perfectionné techniquement ». Une source familière de l’industrielle allemande a confié à Wirtschaft Woche que, « même avec des améliorations dans ses systmes de protection et la mise en réseau numérique, il restera beaucoup moins cher à l’unité qu’un char nouvellement développé ».

Aussi, la conception d’un char franco-allemand « du futur » ne serait par conséquent plus une priorité pour les industriels d’outre-Rhin. Et cela expliquerait sans doute le développement du KF-51 « Panther » par Rheinmetall, qui aurait senti le coup venir. Ainsi que celui de l’E-BMT par KNDS.

Pour autant, il faut bien distinguer le char du projet MGCS étant donné que celui-ci vise à mettre en réseau différents systèmes d’armes, comme les robots terrestres ou bien encore les drones. En clair, le char n’est que la figure de proue d’un programme plus vaste.

« Des choses comme les véhicules d’escorte autonomes et, surtout, les applications informatiques liées à l’utilisation du cloud et de l’intelligence artificielle sont les plus déterminantes », a ainsi expliqué iun « dirigeant de premier plan » à l’hebdomadaire économique allemand. Et « ils devront être développés dans tous les cas, que ce soit pour le Leopard ou pour son successeur », a-t-il conclu.

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