Le futur Véhicule blindé d’aide à l’engagement de l’armée de Terre sera-t-il confirmé par la LPM 2024-30?

Avec un investissement de 413 milliards d’euros, la Loi de programmation militaire 2024-30, dont le contenu sera dévoilé au début du mois d’avril, devrait permettre la poursuite de la remontée en puissance des forces françaises. Du moins en théorie… Car en pratique, il faudra composer avec l’inflation [-30 milliards d’euros]. Et tout dépendra de sa trajectoire financière.

En effet, selon La Tribune, la cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne plaiderait pour des hausses de 3 milliards d’euros par an jusqu’en 2027, ce qui porterait le montant du budget des armées à 55,9 milliards à cette échéance, alors que l’annuité moyenne de la future LPM devrait s’élever à 59 milliards d’euros [recettes extra-budgétaires comprises]. En clair, le gros de l’effort serait à faire après la prochaine élection présidentielle.

D’où les bruits de coursive au sujet de certains projets d’armement, qui pourraient être moins ambitieux que prévu [comme l’hélicoptère d’attaque Tigre Mk3] ou étalés dans le temps [il en serait question au sujet du programme SCORPION].

« Je suis étonné de voir qu’il y a parfois plus d’émotions quand les budgets augmentent que lorsqu’ils diminuaient jadis… J’appelle au sérieux. Ce qui compte est d’avoir une armée efficace où chaque euro soit correctement dépensé. Cette future LPM avec ses 413 milliards d’euros sur sept ans sera tenue, comme nous avons tenu la précédente depuis 2017, à l’euro près, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Mais il faut aussi qu’elle soit soutenable budgétairement, et donc crédible militairement », a toutefois fait valoir Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, dans les pages du quotidien Les Échos [édition du 24 mars, ndlr].

Quoi qu’il en soit, certaines rumeurs sont récurrentes. Et le sénateur [LR] Cédric Perrin s’en est fait l’écho lors de l’audition d’Emmanuel Levacher, le Pdg d’Arquus, cette semaine.

« La LPM actuelle marque une remontée en puissance jusqu’ici respectée. Il serait peu compréhensible d’allonger les délais pour un certain nombre de matériels particulièrement performants, mais nous entendons des échos peu rassurants quant au segment terrestre. Si les programmes tels que SCORPION, ou le remplacement des camions, devaient être réduits, il faudrait compenser en prolongeant le matériel existant, et donc amputer […] le programme 146 ‘Équipement des forces’ au profit du programme 178 ‘Préparation et emploi des forces’, pour permettre à l’armée de Terre de conserver ses capacités et à l’industrie de maintenir son activité », a en effet affirmé le parlementaire.

A priori, M. Levacher s’attend aussi à un éventuel étalement du programme SCORPION, et donc à un report des livraisons de blindés Griffon, Serval et Jaguar. En tout cas, il a laissé entendre qu’il envisageait un tel scénario en évoquant le programme CAMO [Capacité Motorisée], mené dans le cadre d’une coopération entre la France et la Belgique.

« Le programme CaMo est un excellent montage. […] C’est un exemple de coopération européenne qui fonctionne. […] La production ne sera pas décalée par rapport aux plans initiaux. Les premières productions de Griffon démarreront en 2024 et se réaliseront en 2025. Nous commençons, comme prévu, à intercaler les productions CaMo dans les productions Scorpion pour la France. Si le programme Scorpion France est étalé, cela laisserait de la place pour CaMo », a en effet affirmé le Pdg d’Arquus.

En outre, relancé par M. Perrin, il a précisé que « l’élongation du programme Scorpion entraînera un surcoût, du fait de la baisse de volume ». Et d’expliquer : « La production serait amenée à être étalée sur des durées longues, au-delà de 2030 : cela soulève des difficultés de gestion des lignes et de stockage des composants. Quant au surcoût du MCO, plus les matériels sont anciens, plus l’obsolescence augmente : rien n’est impossible, mais cela a un prix. Ainsi, les camions GBC 180 ont plus de quarante ans. S’ils sont prolongés encore 10-15 ans, alors qu’ils ne sont plus fabriqués, la hausse des coûts de réparation est inévitable ».

Très souvent, l’étalement d’un programme d’armement dans le temps conduit à une réduction des commandes, justement afin de compenser la hausse de prix ainsi générée.

Quoi qu’il en soit, M. Levacher s’est interrogé sur d’autres projets liés au programme SCORPION, comme le VBAE [Véhicule blindé d’aide à l’engagement], dont le contrat de pré-conception aurait dû être notifié à l’automne 2022, ou encore comme l’engin du génie de combat.

« Ces programmes seront-ils maintenus dans la future LPM, dans des délais nous permettant d’envisager rapidement des activités de développement et de production? », a-t-il en effet demandé. « C’est la source de certaines inquiétudes, dans un contexte géopolitique où on peut comprendre que certains autres secteurs soient remontés en haut des priorités », a-t-il ensuite commenté.

Appelé à remplacer le Véhicule blindé léger [VBL], le VBAE, qui bénéfie de financements européens pour le développement de briques technologiques, fait l’objet d’une attention particulière chez Arquus, qui, en vue de ce programme, a mis au point le démonstrateur technologique Scarabee, dévoilé en 2018. Nativement hybride et bardé de capteurs, cet engin est un concentré d’innovations qui, pour le moment, n’a pas trouvé preneur. « Nous y travaillons », a assuré M. Levacher.

« Est-ce qu’un jour il [le Scarabee] sera adopté tel quel par la France? Je ne crois pas. En revanche, c’est clairement une base sur laquelle on peut s’appuyer et tester un certain nombre d’idées, de technologies et de concepts que l’on reprendra en partie pour le VBAE. Mais le VBAE sera très certainement différent de Scarabee », a expliqué le Pdg d’Arquus.

En attendant, lors du salon de l’armement IDEX 2023 de Dubaï, en février, l’industriel a surtout mis l’accent sur une nouvelle version du… VBL, doté d’un tourelleau téléopéré Hornet, lui-même muni de missiles antichars AKERON MP…

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