Moscou confirme l’envoi d’armes nucléaires tactiques en Biélorussie

En signant les mémorandums de Budapest, peu après l’implosion de l’Union soviétique, le Kazakhastan, l’Ukraine et la Biélorussie s’engagèrent à rejoindre le Traité de non-prolifération [TNP] et à restituer à la Russie les armes nucléaires alors en possession contre la garantie de leur intégrité territoriale.

Plus, la Biélorussie acta sa dénucléarisation dans l’article 18 de sa Constitution, adoptée en 1994. Or, en 2022, et alors que la guerre en Ukraine était sur le point de commencer, ce texte fit l’objet d’une révision pour autoriser à nouveau le déploiement d’armes nucléaires sur le territoire biélorusse. L’homme fort de Minsk, Alexandre Loukachenko, fit savoir qu’il entendait faire une demande à Vladimir Poutine, le président russe, pour en obtenir.

En juin dernier, lors d’une rencontre à Saint-Petersbourg, le chef du Kremlin confirma que la Russie remettrait à la Biélorussie « un certain nombre de systèmes de missiles tactiques Iskander-M » pouvant tirer des engins « balistiques et de croisière avec des ogives conventionnelles ou nucléaires ». Et que les avions d’attaque Su-25 « Frogfoot » de la force aérienne biélorusses seraient « modernisés », alors que M. Loukachenko venait de lui demander des appareils capables de « transporter des charges utiles nucléaires » après avoir dénoncer les vols de bombardiers de l’Otan aux abords de son pays.

Quelques semaines plus tard, Minsk laissa entendre que les premiers « Sukhoï » capables d’emporter une arme nucléaire venaient de lui être remis. Ce qui ne manqua pas de susciter de la confusion étant donné que les forces aériennes biéolorusses disposent de type d’appareils construits par l’avionneur russe, à savoir le Su-30 et le Su-25.

Sachant que le second n’a pas été conçu pour des missions nucléaires, on pouvait alors en déduire que les avions en question étaient des Su-30, supposés capables d’emporter la bombe nucléaire 244N.

Puis, en décembre, M. Loukachenko évoqua la mise en oeuvre d’un accord permettant la « formation des équipages sur les avions de la force aérienne biélorusse modifiés pour emporter des munitions dotées d’ogives spéciales » [c’est à dire nucléaire]. Et de sous-entendre qu’il s’agissait de Su-25…

Quoi qu’il en soit, le 25 mars, et alors que la Russie a suspendu ses engagements pris dans le cadre du traité de désarmement New START, le chef du Kremlin a confirmé que des armes nucléaires tactiques seraient bientôt stockées sur le territoire biélorusse.

« Il n’y a rien d’inhabituel ici : les États-Unis font cela depuis des décennies. Ils déploient depuis longtemps leurs armes nucléaires tactiques sur le territoire de leurs alliés », a en effet déclaré M. Poutine lors d’un entretien télévisé. « Nous sommes convenus de faire de même », a-t-il ajouté, assurant avoir l’accord de Minsk.

Dans le cadre de l’Otan, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et l’Italie ont à leur disposition des bombes nucléaires tactiques B-61, fournis par les États-Unis selon le principe dit de la « double-clé », c’est à dire qu’elles restent sous contrôle américain, les pays concernés ne fournissant que les chasseurs-bombardiers chargés de les mettre éventuellement en oeuvre. En outre, des B-61 sont également stockées sur la base aérienne d’Incirlik [Tuquie].

À noter par ailleurs que Washington veut accélérer le déploiement de la B-61-12 LEP, c’est à dire version de cette bombe nucléaire tactique.

Cela étant, a poursuivi M. Poutine, « nous avons déjà aidé nos collègues bélarusses et équipé leurs avions […] sans violer nos engagements internationaux en matière de non-prolifération des armes nucléaires. Dix avions sont prêts à utiliser ce type d’arme ». A priori, le type d’appareil concerné serait bien le Su-30SM étant donné que les forces aériennes biélorusses en exploitent justement dix exemplaires.

Par ailleurs, le TNP, auquel le président russe a fait allusion, interdit aux puissances nucléaires [du moins, déclarées comme telles] de transferer des armes et des technologies nucléaires vers des pays non dotés… mais autorise le déploiement de telles armes à l’extérieur de leurs frontières, sous réserve qu’elles restent sous leur contrôle [comme c’est le cas pour les B-61 américaines au sein de l’Otan].

« Nous avons remis à la Biélorussie notre système Iskander bien connu et très efficace qui peut transporter [des armes nucléaires]. À partir du 3 avril, nous commençons à former les équipages. Et le 1er juillet, nous terminerons la construction d’un entrepôt spécial pour les armes nucléaires tactiques sur le territoire de la Biélorussie », a encore précisé M. Poutine.

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