Son ballon abattu par un F-22A au-dessus des États-Unis, la Chine se réserve le droit de « répliquer »

Simple ballon météorologique qui lui aurait échappé, comme l’a prétendu Pékin? Ou aérostat en mission d’espionnage au-dessus des États-Unis, comme l’a assuré Washington? Toujours est-il que, après avoir survolé l’Alaska et le Canada, cet aéronef a suivi une trajectoire qui l’a mené à passer au-dessus de plusieurs sites stratégiques américains, notamment les bases abritant des missiles stratégiques Minuteman III.

Le 2 février, quand il communiqua pour la première fois au sujet de la présence de cet imposant ballon chinois [environ 25 mètres de large], le Pentagone avait expliqué qu’il se contenterait de le surveiller tout en prenant les mesures nécessaires pour se « protéger contre la collecte d’informations sensibles ». Et d’avancer qu’il y aurait trop de risques à l’abattre, même si cette option avait été envisagée quand il survolait les zones peu peuplées du Montana, alors que des avions de supériorité aérienne F-22A Raptor se tenaient prêts à le faire.

« Le ballon vole actuellement à une altitude bien au-dessus du trafic aérien commercial. Il ne présente pas de menace militaire ou physique pour les personnes au sol », avait par ailleurs justifié le général Pat Ryder, le porte-parole du Pentagone.

Cela étant, celui-ci avait oublié l’essentiel : un État peut faire valoir sa souveraineté jusqu’à 66’000 pieds d’altitude [soit environ 20 km]. Or, quand il fut détecté, le ballon chinois volait au-delà cette limite. Aussi, stricto sensu, il n’a pas violé le territoire américain… Mais profité d’un vide juridique. D’ailleurs, avec ses avions espions U2, pouvant voler à 70 000 pieds, l’US Air Force en fit autant par le passé…

« La Chine se conforme toujours strictement au droit international […] et n’a jamais violé le territoire et l’espace aérien d’un pays souverain », fit d’ailleurs valoir le ministère chinois des Affaires étrangères, après avoir évoqué une « intrusion involontaire » en raison d’un « cas de force majeure » et exprimé des « regrets ».

Au passage, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, qui devait se rendre à Pékin pour y renouer un dialogue mis à mal au cours de ces derniers mois, annula son voyage.

Quoi qu’il en soit, ne pas abattre cet aérostat pouvait permettre aux forces américaines d’en évaluer les capacités… Cependant, et contrairement à ce que laissa entendre le Pentagone, la décision de le détruire avait été prise dès le début par Joe Biden, le président américain. Mais encore fallait-il que les conditions s’y prêtassent.

Ce qui a été le cas le 4 février, à 14h39 [heure locale], alors que ballon chinois se trouvait au large de la Caroline du Sud, au-dessus des eaux territoriales américaines, à une altitude comprise entre 60’000 et 65’000 pieds [donc dans l’espace aérien des États-Unis].

En effet, un F-22A Raptor, de la 1ere escadre de chasse de la base aérienne de Langley-Eustis [Virginie], l’a abattu en tirant un missile air-air AIM-9X Sidewinder à 58’000 pieds d’altitude. L’opération a également mobilisé des F-15 de l’Air National Guard du Massachussetts ainsi que plusieurs avions ravitailleurs. L’espace aérien ainsi que des aéroports de la région avaient été préalablement fermés.

« Sous la direction du président Biden, des avions de chasse affectés à l’US Northern Command ont réussi abattr le ballon de surveillance à haute altitude appartenant à la République populaire de Chine [RPC], au-dessus des eaux au large des côtes de la Caroline du Sud, dans l’espace aérien américain », s’est félicité Lloyd Austin, le chef du Pentagone, dans un communiqué. « Le ballon, qui était utilisé par la RPC pour tenter de surveiller des sites stratégiques sur le continent américain, a été abattu au-dessus des eaux territoriales américaines », a-t-il insisté.

À noter que c’est la première fois qu’un F-22A Raptor abat un aéronef [chinois, qui plus est]. Pour rappel, développé par Lockheed-Martin et déclaré opérationnel en 2005, cet avion de 5e génération est en mesure d’engager une cible au-delà de la portée visuelle [BVR] sans être détecté, grâce à sa signature radar réduite et à ses capteurs très performants. Il a connu son baptême du feu en 2014, lors de frappes aériennes contre l’État islamique [EI et Daesh] et le groupe jihadiste « Khorassan » en Syrie.

Quoi qu’il en soit, Pékin a fermement réagi à la destruction de son ballon, dont les restes vont être récupérés par les forces américaines à des fins d’analyse. « La Chine exprime son fort mécontentement et proteste contre l’utilisation de la force par les États-Unis », a en effet déclaré le ministère chinois des Affaires étrangères. Et Washington a « réagi de manière clairement excessive » et « violé gravement les pratiques internationales », a-t-il ajouté, avant d’affirmer que les autorités chinoises se « réservent le droit » de répliquer.

Cela étant, ce n’est pas la première fois que des ballons chinois sont repérés au-dessus d’autres pays, à une altitude à laquelle ils ne peuvent pas faire valoir leur souvairaineté.

« Au cours des dernières années, des ballons chinois ont déjà été repérés au-dessus de pays sur cinq continents, notamment en Asie de l’Est, en Asie du Sud et en Europe », a en effet déclaré un haut responsable de la défense américaine, sans livrer plus de détails. D’ailleurs, selon le Pentagone, un autre aérostat chinois survolerait actuellement l’Amérique latine.

Plus : Pour l’anecdote, les indicatifs « FRANK01 » et « FRANK02 » des deux F-22 Raptor sollicités pour cette mission sont une référence au pilote américain Frank Luke Jr, connu pour avoir abattu 14 ballons allemands durant la Première Guerre Mondiale.

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