Le contrat pour le développement et la production du drone MALE européen a été notifié à Airbus

Il aura donc fallu attendre près de neuf ans pour que voir se concrétiser le projet de drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen, encore appelé Eurodrone, lequel avait été proposé en 2013, dans le cadre d’une alliance entre Airbus, Dassault Aviation et Leonardo.

En effet, le 24 février, le maître d’oeuvre de ce programme, Airbus, a fait savoir que l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement [OCCAr] venait de lui notifier le contrat « MALE RPAS Stage 2 », ouvrant ainsi la voie au développement et à la production de vingt systèmes, chacun d’entre-eux se composant de trois « Eurodrone » et de deux stations de contrôle au sol.

Pour rappel, le contrat MALE RPAS Stage 1, qui visait à conduire une étude de définition, avait été attribué en 2016. L’enjeu était alors de définir des exigences communes entre les quatre pays clients, dont l’Allemagne [qui a, in fine, imposé ses vues], la France, l’Italie et l’Espagne. Ce travail fut terminé deux ans plus tard. Restait alors à mener à bien des négocations entre les industriels impliqués et les futurs utilisateurs. Ce qui ne fut pas une chose aisée, faute de pouvoir trouver un accord sur les coûts, alors annoncé 30% plus élevés que prévu.

À plusieurs reprises, la ministre des Armées, Florence Parly, mit la pression sur les industriels, laissant entendre, comme elle le fit lors de l’édition 2019 du salon du Bourget, que ce programme n’irait pas au bout. « Nous considérons, les quatre pays réunis, que nous ne pouvons pas accepter qu’un drone soit plus cher que ce que nous pourrions trouver sur le marché et soit moins opérationnel car ne disposant pas de l’ensemble des capacités dont nous souhaitons disposer » et « nous arrivons maintenant à un moment où il faudra trancher », fera-t-elle encore valoir devant le Sénat, un an plus tard.

D’ailleurs, dans son dossier de presse diffusé à l’occasion du 14-Juillet 2020, l’armée de l’Air & de l’Espace ignora totalement l’Eurodrone mais fit le panégyrique de ses drones MQ-9 Reaper [cités à 34 reprises dans le document], laissant entendre qu’une commande d’exemplaires supplémentaires pourrait alors être envisagée.

Quoi qu’il en soit, un accord fut enfin trouvé en novembre 2020. Mais encore fallait qu’il fût approuvé par les quatre clients. Si cela ne posa pas de problème particulier pour la France et l’Italie, l’Allemagne – ou plutôt le Bundestag – se fit tirer l’oreille… avant de finalement donne son feu vert, en avril 2021, en passant outre un rapport du ministère allemand des Finances, lequel s’inquiétait d’un éventuel dérapage financier, la « répartition des risques [étant] risques inhabituellement unilatérale aux frais des clients ».

Quant à l’Espagne, il lui fallut trouver la marge de manoeuvre financière nécessaire pour donner son accord. Ce qui fut fait en janvier dernier, avec une enveloppe de 1,7 milliard d’euros. Il s’agissait donc de la dernière étape avant la notification du contrat « MALE RPAS Stage 2 », d’une valeur de 7,1 milliards d’euros. Pour rappel, l’Allemagne a commandé sept systèmes tandis que l’Italie en attend cinq et que la France et l’Espagne en veulent chacune quatre.

« Cette signature lance le développement d’un des plus ambitieux programmes de défense européen. L’Eurodrone est le fruit d’une collaboration étroite entre l’industrie, l’OCCAr et les nations clientes. [Il] donnera naissance au système de drone le plus avancé de sa catégorie, générera plus de 7’000 emplois hautement qualifiés et renforcera la souveraineté de l’industrie européenne, son savoir-faire et la coopération entre les États », s’est félicité Mike Schoellhorn, le Pdg d’Airbus Defence & Space.

De son côté, Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, a souligné que des « programmes innovants reposant sur de solides bases technologiques garantiront l’autonomie stratégique de l’Europe
en offrant de nouvelles alternatives à l’acquisition de produits sur étagère non européens ». Et d’ajouter : « Porté par une vision commune et une approche pragmatique, l’Eurodrone s’appuie sur les meilleures compétences et expertises internes de chaque entreprise ».

Cependant, et alors que les industriels américains, à commencer par General Atomics [le fabricant du Reaper, ndlr], planchent sur des drones MALE de nouvelle génération, taillés pour opérer dans les environnements contestés, certains s’interrogent sur l’Eurodrone, un appareil « massif » de dix tonnes et de 27 mètres d’envergure, propulsé par deux turbopropulseurs [et dont le fournisseur – Safran ou Avio Aero – n’est pas encore connu].

« Même si les performances de l’Eurodrone devraient être nettement supérieures à celles du Reaper [qu’il s’agisse des capteurs, de la capacité d’emport ou de la vitesse], on peut craindre qu’au moment de sa livraison, elles soient, du fait des retards accumulés et du rythme rapide de l’innovation, en décalage avec les dernières technologies », avait ainsi estimé le sénateur François Bonneau, co-auteur d’un rapport sur les drones, publié en juin 2021.

Cela étant, Airbus Defence & Space explique que l’Eurodrone sera « doté de capacités polyvalentes et adaptables qui feront de lui la plateforme idéale pour les missions de renseignement, de
surveillance, d’acquisition de cibles et de reconnaissance [ISTAR] ainsi que pour les opérations de sécurité intérieure » et que « partie intégrante d’une conception évolutive, son architecture ouverte permettra d’étendre et de redéfinir les capacités du système en fonction des futurs besoins des forces armées clientes ».

Enfin, il sera aussi le premier drone MALE a être conçu, dès l’origine, pour évoluer dans l’espace aérien civil, c’est à dire qu’il pourra effectuer des vols en trajectoire directe « ne nécissant pas de sites d’atterrissage d’urgence ». Sur ce point, Airbus avance que cela permettra des économies de temps et de carburant, ce qui entraînera une « réduction des émissions de CO2 ». Quand il s’agit de faire la guerre, c’est n’est pas l’argument que l’on retient généralement en premier.

Photos : OCCAr – Airbus Defence & Space

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