Le Bénin fait état de deux premières attaques jihadistes contre ses forces armées

Le 1er mai 2019, deux touristes français furent enlevés, et leur guide tué, par des hommes armés alors qu’ils effectuaient une excursion dans le parc nationale de Pendjari, situé dans le nord du Bénin, à la frontière avec le Burkina Faso, pays passant alors pour être le « maillon faible » de la lutte contre les organisations terroristes. L’intervention lancée avant qu’ils ne fussent remis à la katiba Macina, un groupe jihadiste malien, coûta la vie à deux commandos marine. Pour rappel, cette opération permit la libération de deux autres otages, dont une américaine et une sud-coréenne.

L’enlèvement de ces deux touristes français n’avait pas été considérée comme étant une attaque terroriste. Mais le fait qu’il ait été commandité par la katiba Macina suggérait que le nord du Bénin commençait à être gagné par l’influence de la mouvance jihadiste.

Quelques mois plus tard, un rapport des Nations unies affirma que le « Parc national du W, situé à cheval sur le Bénin, le Burkina Faso et le Niger, [était] en train de devenir un nouveau bastion pour les groupes terroristes de la région, notamment l’État islamique au grand Sahara [EIGS] et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM, auquel est affiliée la katiba Macina, ndlr]. Et d’ajouter que organisations jihadistes implantées au Sahel « empiétaient de plus en plus sur les frontières du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Togo ».

Pour les jihadistes, et en particulier ceux du JNIM, liés à al-Qaïda, l’objectif d’étendre leur influence jusqu’au golfe de Guinée est double : cela doit leur permettre de contrôler les voies utilisées pour les trafics [braconnage, armes, drogue, etc] tout en débordant la Force conjointe du G5 Sahel. Cette stratégie avait d’ailleurs été détaillée par Bernard Emié, le Directeur général de la sécurité extérieure [DGSE], en février dernier.

« Les chefs d’al-Qaïda au Sahel ont conçu [un] projet d’expansion vers les pays du Golfe de Guinée. Ces pays sont désormais des cibles, eux aussi. Pour desserrer l’étau dans lequel ils sont pris, et pour s’étendre vers le Sud, les terroristes financent déjà des hommes qui se disséminent en Côte d’Ivoire ou au Bénin. Des combattants ont également été envoyés aux confins du Nigéria, du Niger et du Tchad, où plusieurs groupes, issus de Boko Haram, continuent de tisser leur toile et d’assassiner », avait en effet expliqué M. Émié.

La Côte d’Ivoire, qui a déjà été visée par une attentat terroriste [grand Bassam, en mars 2016], fait désormais régulièrement état d’incursions jihadistes dans ses régions septentrionales. Dans le même temps, le Togo est aussi sous pression. Ainsi, le 10 novembre dernier, il a signalé une attaque – présumée jihadiste – contre une unité de ses forces armées à Sanloaga, localité située dans le nord du pays. Aucune victime n’a été déplorée.

Et, le 2 décembre, le Bénin a, à son tour, annoncé avoir été la cible de deux attaques attribuées à des jihadistes.

Ainsi, la veille, une patrouille des forces béninoises a été prises pour cible dans la région de Banikoara, située près de la frontière avec le Burkina Faso. Un assaillant a été tué lors de l’échange de tirs. « Des traces de sang ont été aperçues laissant penser que d’autres blessés ou morts ont été traînés dans le sens de repli vers un pays voisin où sévissent les groupes terroristes », a fait savoir un communiqué de l’état-major béninois.

Puis, quelques heures plus tard, à Porga, localité située plus à l’ouest, un poste de surveillance militaire a été visé. Deux soldats ont été tués et plusieurs autres ont été blessés [leur nombre n’a pas été précisé, ndlr]. Et un assaillant a été abattu.

« Tout est mis en œuvre pour assurer la défense du territoire national contre toute forme d’agression d’où qu’elle vienne, ainsi que la sécurité des biens et des personnes. Chaque citoyen est invité à vaquer à ses occupations », a assuré l’état-major béninois, qui s’était préparé à l’éventualité de telles attaques.

Cela étant, la situation dans le nord du Bénin est à surveiller de près. Ainsi, un rapport du centre de réflexion néerlandais Clingendael, publié en juin dernier, a expliqué que les régions d’Alibori, d’Atacora et de Borgou étaient en proie à des tensions communutaires ayant dégénéré en affrontements entre agriculteurs Mokolé et éleveurs Peuls, ainsi qu’à des différends sur la gestion des parcs nationaux.

« Il ne s’agit pas d’incidents relativement inoffensifs de protestations et de quelques émeutes impliquant des dommages matériels, mais plutôt d’affrontements entre groupes de communautés [armés] qui ont fait des victimes. La violence politique nouvellement observée dans le nord du Bénin est profondément communautaire et plus meurtrière que la plupart des violences politiques observées jusqu’à présent dans le pays », a décrit Clingendael.

Or, selon lui, des « groupes radicaux auraient d’ores et déjà commencé à exploiter ces tensions communautaires ».

« Dans Alibori, la présence du mouvement Yan Izala [un des précurseurs de Boko Haram] est un fait établi. Différentes preuves mettent en exergue le fait que la présence des organisations extrémistes dans la zone peut s’étendre jusqu’à un mois grâce, notamment, à un appui local conséquent. D’autres indications suggèrent que ces extrémistes ont cherché à s’immiscer
dans des conflits entre agriculteurs et éleveurs à Goungoun », avance l’institut néerlandais.

La Katiba Macina est également présente, son objectif étant de « sensibiliser les communautés sur la mauvaise gestion des ressources naturelles par l’APN [African Parks Network], en utilisant les mêmes discours et stratégies identitaires et anti-étatiques qui ont permis au mouvement extrémiste de s’installer au Burkina Faso en 2018 », avance Clingendael. Et de prévenir : « La menace imminente d’une expansion de la Katiba Macina dans la région est susceptible d’entraîner un envol des violences entre populations locales, groupes armés et gardes forestiers appartenant aux services de l’APN ».

Photo : Soldats béninois – archive

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