L’Égypte disposerait d’une escadrille « fantôme » de Mirage 2000
Au début du mois, Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien, a inauguré une nouvelle base navale qui, appelée « 3 Juillet » [en référence au jour anniversaire de la destitution du président islamiste Mohamed Morsi, en 2013, ndlr], est située à Gargoub, près de la frontière avec la Libye. Le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed al-Nahyane, avait été convié à la cérémonie.
Cette inauguration a donné lieu à une démonstration des forces égyptiennes et d’envoyer très probablement un message à la Turquie, dont les relations avec l’Égypte restent tendues, notamment en raison de son implication militaire en Libye et de ses revendications en Méditerranée orientale, avec les perspectives d’exploitation gazière en toile de fond.
Cette rivalité avec la Turquie explique en partie l’appui fourni par l’Égypte à l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, lequel a longtemps contesté la légitimité du Gouvernement d’union nationale [GNA] installé à Tripoli et soutenu par Ankara.
La nature de l’implication égyptienne en Libye n’est pas claire. A-t-elle pris la forme de frappes aériennes, effectuées au profit de l’ANL? En tout cas, le ministère égyptien de la Défense a récemment diffusé, via les réseaux sociaux, une vidéo montrant l’ensemble des capacités mobilisées pour l’exercice Qadir 2021, organisé lors de l’inauguration de la base navale de Gargoub. Et deux séquences montrent brièvement des Mirage 2000 dépourvu de toute marque [immatriculation] et de tout signe distinctif [cocardes].
Sur la première séquence, on voit l’un de ces appareils, en livrée grise, au décollage. Il est difficile de savoir s’il emporte de l’armement, seuls ses réservoirs supplémentaires étant visibles.
Quant à la seconde [voir photo ci-dessus], repérée dans un premier temps par « Nile Osprey », un observateur des forces aériennes égyptiennes, elle montre une formation de quatre de ces Mirage 2000 EM sans marque. Et là, d’après une analyse faite par MenaDéfense et Defense Arabic, il apparaît que ces avions emportent au moins ce qui semble être une bombe guidée laser GPS/INS Al-Tariq, une munition produite par Tawazun, via une coopération avec le sud-africain Denel Dynamics.
Egyptian Mirage 2000s carried out ground support missions during “Qader 2021” – a role that became common to the fleet throughout the last decade. No less than 4 Mirage 2000s have had their markings removed for unknown reasons. pic.twitter.com/REdQlEpmB6
— Nile Osprey (@NileOsprey) July 4, 2021
Or, les Mirage 2000 émiratis sont en mesure d’en emporter depuis 2013, « après négociations avec Dassault Aviation », avait rapporté le Journal de l’Aviation, à l’époque. Aussi, on peut se demander si cette escadrille « fantôme » est vraiment égyptienne…
En effet, faute de signes distinctifs, il est possible qu’elle soit émiratie, étant donné qu’Abu Dhabi a déployé de tels appareils en Égypte pour intervenir en Libye. Certains d’entre-eux y étaient encore présents l’an passé.
six Emirati Mirage 2000-9 deployed to Sidi Barrani Air Base, Egypt https://t.co/BO09c6lZ9X captured on satellite image yesterday (5 May 2020) pic.twitter.com/GreHG5v7Dx
— Samir (@obretix) May 6, 2020
Cependant, la position des marques effacées [ou masquées] suggère qu’il s’agit bien de Mirage 2000 EM, dont 15 exemplaires sont encore mis en oeuvre par les forces aériennes égyptiennes.
Recourir à des avions de combat dépourvus de signes distinctifs permet à un État de décliner toute responsabilité pour des actions conduites dans un autre pays dans lequel il n’est pas censé intervenir. Sans doute que cette escadrille « fantôme » a-t-elle été engagée en Libye, ce qui expliquerait certaines choses, comme le bombardement de la base d’al-Watiya, alors utilisée par la Turquie. Ou peut-être aussi qu’elle a été mise à la disposition de l’ANL du maréchal Haftar, cette dernière ayant reçu, l’an passé, des MiG-29 « Fulcrum » et des Su-24 « Fencer » dépourvus de cocardes et fournis par la Russie.
Du point de vue du droit international, il est seulement interdit « d’utiliser les drapeaux ou pavillons, symboles, insignes ou uniformes militaires des Parties adverses pendant des attaques ou pour dissimuler, favoriser, protéger ou entraver des opérations militaires ». Même chose s’agissant des « marques distinctives d’organisations sanitaires et humanitaires ».