La Russie se retire du traité « Ciel ouvert », qui autorise le contrôle des mouvements militaires
Ces dernières années, l’architecture de sécurité héritée de la Guerre Froide s’est tellement effilochée qu’il n’en reste pratiquement plus rien, les traités sur lesquels elle se basait ayant été pour la plupart dénoncés.
Tout a commencé avec la fin du Traité sur les Forces armées conventionnelles en Europe [FCE], suspendu, puis abandonné par la Russie en 2015. Puis a suivi celui sur les Forces nucléaires intermédiaires [FNI], que les États-Unis ont quitté après avoir accusé Moscou de l’avoir violé en développant et en déployant le missile missile SSC-8 [ou Novator « 9M729 »]. Et, alors que le traité de désarmement New START arrive à expiration cette année, c’est désormais au tour du Traité « Ciel ouvert », que Washington dénoncé en novembre dernier.
Pour rappel, l’idée de ce texte avait germé dès les années 1950, quand le général Dwight Eiseinhower, alors président des États-Unis, avait proposé à l’Union soviétique de mettre en place un mécanisme permettant à ces deux puissance de survoler leurs territoires respectifs à des fins d’observation, dans le but d’instaurer de la confiance en s’assurant qu’aucune des deux préparait un mauvais coup. Mais Moscou refusa.
Il fallut donc attendre la fin de la Guerre Froide pour voir un tel dispositif prendre forme entre les pays de l’Otan et ceux du Pacte de Varsovie, via la signature du Traité Ciel Ouvertn sous l’égide de l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe]. Cependant, il n’entra en application que bien plus tard, la Russie n’ayant ratifié ce texte qu’en 2001.
Concrètement, ce traité indique que chaque pays signataire doit accepter un certain nombre de vols d’observation au-dessus de son territoire [quota passif], ce qui lui donne le droit d’en réaliser autant qu’il en accueillis [quota actif]. De tels vols sont soumis à des règles : un préavis de 72 heures doit être notifié au pays devant être survolé et les capteurs embarqués ont des performances limités, à savoir une résolution ne devant pas excéder 30 centimètres pour les optiques, 50 centimètres pour les dispositifs infrarouge et 3 mètres pour l’imagerie radar.
En novembre, un C-130H Hercules de l’escadron 2/61 Franche-Comté, doté de la nacelle Samson, a ainsi pu effectuer un vol au-dessus de la Russie depuis l’aérodrome de Koubinka. Il s’agissait de rendre la pareille à un survol du territoire français effectué quelques semaines plus tôt par un Tu-154M des forces aérospatiales russes.
Au total, et selon des chiffres avancés par l’armée de l’Air & de l’Espace, la France a effectué une centaine de missions actives depuis l’entrée en vigueur du traité, dont la mise en oeuvre relève de la « Section ciel ouvert » [SCO] qui, rattachée à l’ET 2/61 Franche-Comté, est en relation avec l’Unité française de vérification [UFV] de la base aérienne de Creil. Mais ces unités vont probablement disparaître dans un avenir proche.
En effet, après le retrait des États-Unis du Traité Ciel Ouvert, la Russie a décidé d’en faire autant. L’annonce en a été faite ce 15 janvier par le ministère russe des Affaires étrangères, lequel a ainsi confirmé une information publiée plus tôt par le quotidien Kommersant.
Ainsi, regrettant « des obstacles à la poursuite du fonctionnement du traité dans les conditions actuelles », Moscou a donc décidé de « commencer les procédures pour le retrait de la Fédération de Russie du traité Ciel ouvert. »
Pour la diplomatie russe, depuis le retrait des États-Unis, « l’équilible des intérêts des États participants […] a été considérablement perturbé, de graves dommages ont été causés à son fonctionnement et le rôle du traité Ciel ouvert comme instrument de renforcement de la confiance et de la sécurité a été miné. »
Selon Konstantin Kossatchev, président du comité des affaires internationales de la Douma, la Russie aurait demandé aux autres pays signataires, en particulier ceux appartenant à l’Otan, « , de ne pas transférer à Washington les informations obtenues dans le cadre de ‘Ciel ouvert' ». Seulement, a-t-il affirmé, « ceux-ci n’ont pas répondu favorablement à cette demande », assurant que « la responsabilité » en revient « entièrement aux États-Unis et à leurs alliés de l’Otan. »
Pour rappel, Washiington avait justifié son retrait de ce traité en accusant Moscou de manquer à ses obligation, notamment en interdisant de s’approcher à moins de 500 km de l’enclave – fortement militarisée – de Kaliningrad, coincée entre la Pologne et la Lituanie.
En outre, il était également reproché à la partie russe d’imposer des restrictions au survol de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, deux provinces séparatistes géorgiennes ayant des liens militaires et économiques la Russie, cette dernière estimant qu’elles n’étaient pas concernées par le traité, alors que leur indépendance vis à vis de la Georgie n’a été reconnue que par une poignée de pays.
Photo : © Oleg Belyakov – CC BY-SA 3.0