Le nombre des interceptions d’avions militaires chinois par la force aérienne taïwanaise a bondi de +129%

Ces derniers mois, les avions militaires de la République populaire de Chine [RPC] ont multiplié les incursions dans la Zone d’identification de défense aérienne [ADIZ] et même franchi à plusieurs reprises la ligne médiane du détroit de Formose, ce qu’ils se gardaient de faire jusqu’alors.

À Pékin, le ton à l’égard de Taïwan, pays considéré comme une « province rebelle », s’est résolument durci depuis quelques temps, avec, à la clé, des menaces militaires à peine voilées et une série d’initiatives visant à isoler l’île sur le plan diplomatique. Dans ce contecte, la position de l’administration Trump à l’égard de Taipei, qui rompt avec une certaine hypocrisie qui avait alors cours [Washington disant accepter le principe d’une « seule Chine » tout en vendant des armes aux forces armées taïwanaises, ndlr] irrite au plus haut point les dirigeants chinois.

En septembre, Wang Wenbin, porte-parole de la diplomatie chinoise, a ainsi affirmé que, « la soi-disante ligne médiane n’existe pas » étant donné que « la région de Taïwan est une partie inaliénable du territoire chinois ». D’où les régulières incursions aériennes et navales dans les environs de Taïwan.

« La ligne médiane a été, depuis de nombreuses années, un symbole qui a empêché les conflits armés et préservé la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan », avait alors répondu Joseph Wu, le chef de la diplomatie taïwanaise. « Les propos du ministère des Affaires étrangères [chinois] reviennent à abolir le statu quo », avait-il insisté, avant d’appeler la « communauté internationale à condamner le Parti communiste chinois [PCC] pour ses propos et actions provocateurs et dangereux qui menacent la paix. »

Malgré la pandémie de covid-19, l’activité de l’Armée populaire de libération [APL] n’a sans doute jamais été aussi importante. Ainsi, selon un rapport du ministère taïwanais de la Défense, évoqué par l’agence Reuters, depuis le début de l’année, l’activité de la force aérienne taïwanaise aurait augmenté de +129% par rapport à 2019 en raison, notamment des incursions chinoises dans l’ADIZ de l’île.

La Chine « tente d’utiliser des actions militaires unilatérales pour modifier le statu quo sécuritaire dans le détroit de Taiwan, et teste en même temps notre réponse, en accentuant la pression sur nos défenses aériennes et en réduisant notre espace », est-il affirmé dans ce rapport, qui évoque par ailleurs des actions militaires chinoises « ciblées ».

D’ailleurs, Pékin ne s’en cache pas, le quotidien Global Times, qui suit la ligne du Parti communiste chinois, ayant affirmé que les exercices de l’APL dans les environs de Taïwan n’étaient pas des « avertissements » mais une « répétition pour une prise de contrôle de l’île ».

Évidemment, plus les interactions entre avions chinois et taïwanais sont nombreuses, plus le risque d’un incident augmente. Ce qui accroît le risque de guerre. Mais en attendant, cette forte activité de l’APL dans les environs de l’île ne fait qu’user le potentiel des forces taïwanaises, en particulier dans le domaine aérien. Pour rappel, la force aériennne taïwanaise dispose d’une centaine de 145 F-16, de 52 Mirage 2000 et de 128 F-CK-1 Ching-Kuo, un avion de combat développé localement.

Cela étant, l’état-major taïwanais estime que la Chine n’a pas encore les capacités militaires – notamment amphibies – pour envahir Taïwan. Sur ce point, un rapport du Pentagone, publié en 2019, dit la même chose. Cependant, Lyle J. Goldestein, professeur au Naval War College de Rhode Island, privilégie l’hypothèse d’une vaste opération aéroportée chinoise.

« Ils [les Chinois] parlent beaucoup d’assauts aériens sous deux formes, par parachute et par hélicoptère. C’est ce qu’on appelle l’enveloppement vertical. L’assaut amphibie est de la vieille école. Cela peut être nécessaire, mais ce ne sera pas l’effort militaire principal. La nouvelle école doit amener des éléments principaux par avion, sécuriser le terrain et ensuite amener plus de forces sur les plages. L’intensité et l’ampleur de la formation dans l’armée chinoise actuellement pour les assauts aériens me frappent », a récemment expliqué ce spécialiste de la Chine et de la Russie. Cependant, un tel mode opératoire suppose d’être maître du ciel, et donc d’aveugler les radars, de détruire les défenses aériennes et d’empêcher les avions de chasse taïwanais de décoller.

Quoi qu’il en soit, et pour le moment, le scénario privilégié par Taïwan repose sur un blocus naval de l’île. Blocus auquel, selon les simulations réalisées par des analystes du Pentagone et de la Rand Corporation, les forces américaines auraient du mal à s’opposer.

« L’époque de la supériorité militaire totale des États-Unis dans le Pacifique occidental est révolue. La Chine a déployé des capacités de déni et d’interdiction d’accès qui empêcheraient les forces américaines d’approcher de Taïwan une fois la guerre déclenchée », résument-ils.

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